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03/03/2016 | FRANCE | N°15BX03528

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 03 mars 2016, 15BX03528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 9 avril 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1502549 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés

le 29 octobre 2015, le 19 novembre 2015, et le 23 décembre 2015 MmeC..., représentée par MeA....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 9 avril 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1502549 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 29 octobre 2015, le 19 novembre 2015, et le 23 décembre 2015 MmeC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er octobre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 9 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante arménienne née en 1981, est entrée en France selon ses déclarations, le 4 février 2009. Sa demande d'asile a fait l'objet d'un refus du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 avril 2011 devenu définitif, la Cour nationale du droit d'asile ayant pris acte le 12 janvier 2012 de son désistement du recours contre ce refus. Le réexamen de sa demande d'asile a fait l'objet d'un nouveau refus du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 22 octobre 2012. Le préfet de la Haute-Garonne lui a entretemps notifié son arrêté du 14 avril 2012 lui refusant à nouveau l'admission au séjour, et prononçant à son encontre une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée. La légalité de cet arrêté a été confirmée en dernier lieu par la cour de céans dans un arrêt n° 13BX00565 du 16 juillet 2013. Elle a déposé le 4 mai 2014 une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 9 avril 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, l'arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il se fonde et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté indique la date et les conditions de l'entrée et du séjour en France de MmeC..., le rejet de sa demande d'asile et la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet en 2012. Le préfet fait état de sa situation personnelle et familiale, notamment de la présence en France de ses deux filles et de son époux de nationalité iranienne avec lequel elle est en instance de divorce au regard de violences conjugales pour lesquelles il a été condamné, et de la circonstance qu'elle ne justifie pas être totalement dépourvue d'attaches familiales en Arménie. Le préfet fait également mention de ce qu'elle n'établit pas être exposée dans son pays d'origine à des risques ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que les décisions attaquées ne méconnaissent pas son droit de mener une vie privée et familiale normale dès lors qu'elle est entrée récemment en France et de manière irrégulière à l'âge de 28 ans, qu'elle ne démontre pas que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans son pays et enfin que rien ne fait obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine. Il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, visées dans l'arrêté, que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance ou d'un défaut de motivation des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l' article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut davantage l'être à l'encontre d'une décision de refus de séjour, qui est prise sur demande de l'intéressée.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 3 de l'article 59 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique : " Les Parties délivrent un permis de résidence aux victimes, dans l'une ou les deux situations suivantes : - lorsque l'autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle ; lorsque l'autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d'une enquête ou de procédures pénales. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

5. Si Mme C...fait valoir qu'elle vit depuis l'année 2009 en France, où résident son ancien époux et leurs deux enfants qui sont scolarisées, et qu'elle est bien insérée dans la société française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée en France à l'âge de 28 ans et n'a été autorisée à y résider provisoirement que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Mme C...est divorcée de son époux depuis le 23 novembre 2015 en raison des violences conjugales qu'il a exercées sur elle, et elle n'établit pas avoir noué d'autres liens privés et familiaux sur le territoire national. Mme C...s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français alors qu'elle a fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français en 2012 et il ne ressort pas des pièces du dossier que ses filles, âgées de neuf et cinq ans, sur lesquelles elle a l'exclusivité de l'autorité parentale, ne pourraient pas poursuivre normalement leur scolarité en Arménie. Mme C...ne démontre pas, ni même n'allègue, être totalement dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. L'intéressée n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui ont été opposés. Les mêmes circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus de séjour sur sa situation personnelle. Pour les mêmes motifs, et en tout état de cause, le refus de séjour ne méconnaît pas davantage les stipulations du 3 de l'article 59 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

7. Ni les violences conjugales subies par MmeC..., dont son ancien mari s'est rendu coupable en 2011, ni la promesse d'embauche en qualité de vendeuse dans une poissonnerie, ne constituent des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui auraient justifié que le préfet exerce son pouvoir de régularisation pour admettre l'intéressée au séjour. Mme C...ne peut par ailleurs utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, laquelle ne revêt pas de caractère réglementaire, dès lors que cette circulaire a seulement pour objet de rappeler et préciser aux autorités chargées de la police des étrangers qui en sont destinataires les conditions d'examen et critères permettant d'apprécier les demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.". En vertu de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si Mme C...invoque également les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, ces dispositions créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à leurs ressortissants. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, rien ne fait obstacle à ce que les deux filles de Mme C...poursuivent leur scolarité en Arménie. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père des enfants contribue à l'entretien ou à l'éducation de ses deux filles. Ainsi, l'arrêté litigieux, qui n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, n'a méconnu ni les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux. Mme C...ne peut utilement se prévaloir de ce que son ancien époux bénéficie d'un droit de visite restreint résultant d'un jugement du tribunal de grande instance de Toulouse rendu postérieurement à la décision contestée.

10. En sixième lieu et pour les motifs précédemment exposés, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

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No 15BX03528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX03528
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-03;15bx03528 ?
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