La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2016 | FRANCE | N°14BX00354

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 09 février 2016, 14BX00354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à leur verser la somme de 116 618,71 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la délivrance le 31 octobre 2008 d'un certificat d'urbanisme et le 3 août 2011 d'un permis de construire illégaux.

Par un jugement n° 1200517 du 12 décembre 2013, le tribunal administratif de Limoges a fait partiellement droit à cette demande en condamnant l'Etat à leur verser 58 202,34 euros

sous déduction des sommes versées à titre provisionnel en application de l'ord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à leur verser la somme de 116 618,71 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la délivrance le 31 octobre 2008 d'un certificat d'urbanisme et le 3 août 2011 d'un permis de construire illégaux.

Par un jugement n° 1200517 du 12 décembre 2013, le tribunal administratif de Limoges a fait partiellement droit à cette demande en condamnant l'Etat à leur verser 58 202,34 euros sous déduction des sommes versées à titre provisionnel en application de l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 18 juin 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2014, Mme B...et M.E..., représenté par MeC..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 décembre 2013 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 116 618,71 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...et M. E...ont saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande de condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 116 618,71 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et de deux permis de construire illégaux sur un terrain dont ils ont fait l'acquisition en vue de la construction d'une maison d'habitation. Par jugement n° 1200517 du 12 décembre 2013, le tribunal administratif de Limoges a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée pour faute en raison de la délivrance du certificat d'urbanisme et des deux permis de permis de construire sur un terrain inclus dans le périmètre de protection des captages d'eau du Cheyrou dans lequel toute construction est interdite et condamné l'Etat à verser aux requérants une somme de 58 202,34 euros en réparation de la perte financière sur le prix d'achat du terrain, du coût d'achat de matériaux pour les travaux de la maison, des troubles subis dans les conditions d'existence, des frais financiers et du préjudice moral. Mme B...et M. E... demandent à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires.

2. Par arrêté du 4 septembre 2000 le préfet de la Corrèze a déclaré d'utilité publique les périmètres de protection des captages du Cheyrou sur le territoire de la commune d'Espartignac et inclus dans le périmètre de protection rapprochée, dans lequel toute construction est interdite, la parcelle cadastrée AS n° 61 devenue AS 132, dont Mme B...et M. E...ont fait ultérieurement l'acquisition. En délivrant le 31 octobre 2008 un certificat d'urbanisme indiquant réalisable la construction d'une maison d'habitation sur ce terrain, puis deux permis de construire les 3 février 2010 et 3 août 2011 autorisant respectivement la construction d'un garage et d'une maison d'habitation, le maire d'Espartignac, agissant au nom de l'Etat, a méconnu les dispositions de cet arrêté et commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des préjudices que ces illégalités auraient directement causés à Mme B...et M. E....

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme B...et M. E...ont acquis la parcelle en cause le 26 septembre 2009 pour y édifier leur maison d'habitation après délivrance le 31 octobre 2008 d'un certificat d'urbanisme mentionnant qu'un tel projet était réalisable sur ce terrain. L'inconstructibilité du terrain résultant de l'application du règlement de la déclaration d'utilité publique du périmètre des captages du Cheyrou a porté sa valeur réelle en deçà du prix d'acquisition. Le fait que Mme B...ait exercé les fonctions de secrétaire de mairie pendant plus de dix ans ne révèle pas que les intéressés aient commis une imprudence fautive en procédant à l'acquisition de ce terrain au vu du certificat d'urbanisme qui leur avait été délivré. Par suite, les requérants ont droit à être indemnisés de la différence entre le prix d'acquisition du terrain majoré des frais d'acte et des droits et taxes qu'ils ont supportés, et la valeur vénale de ce terrain résultant de son caractère inconstructible. D'une part, il est constant que le prix d'acquisition majoré des frais s'élève à la somme de 37 984 euros. D'autre part, s'il est exact que le terrain est grevé de servitudes instituées par la déclaration d'utilité publique qui en restreignent l'usage y compris comme terre agricole, les requérants n'apportent aucune preuve de ce que la valeur vénale de leur terrain devrait être fixée à 500 euros alors que France Domaine, qui n'avait pas à soumettre son évaluation au principe du contradictoire, l'a évalué à 7 500 euros. Par suite, en condamnant l'Etat à verser de ce chef de préjudice la somme de 30 484 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition majoré des frais et la valeur vénale résiduelle du terrain nu, le tribunal administratif de Limoges n'a pas sous-évalué l'indemnisation due à ce titre. Mme B...et M. E...ne sont dès lors pas fondés à demander que cette somme soit portée à la somme de 35 647 euros.

4. En deuxième lieu, il est constant que le bâtiment à usage de garage, autorisé par le permis de construire délivré le 3 février 2010, a été entièrement édifié avant même que le second permis ne soit retiré et que cette construction n'a fait l'objet d'aucune condamnation à démolition. Si les requérants sont empêchés de donner à cette construction sa destination finale de garage annexe à leur maison d'habitation par suite du retrait du second permis de construire, un tel préjudice ne résulte pas directement de l'illégalité des permis de construire délivrés mais du choix des requérants de réaliser leur opération en deux phases distinctes en commençant par l'édification du garage. Par suite, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif a écarté toute indemnisation à raison du coût des travaux engagés pour la réalisation du garage.

5. En troisième lieu, l'illégalité fautive du permis de construire la maison d'habitation n'engage la responsabilité de l'Etat à raison des dépenses engagées pour la mise en oeuvre de cette autorisation qu'entre le 3 août 2011, date de sa délivrance, et le 2 novembre 2011, date de son retrait. Il résulte de l'instruction que les dépenses en vue de la construction de la maison d'habitation, relatives au terrassement, au raccordement au réseau d'eau potable, et à la réalisation d'un dispositif d'assainissement individuel ont été engagées par Mme B...et M. E...avant que le permis de construire leur maison d'habitation ne leur ait été délivré le 3 aout 2011. Elles ne sont dès lors pas en lien direct avec les fautes commises par l'Etat lors de la délivrance ni de ce permis de construire ni du certificat d'urbanisme qui ne les autorisaient pas à réaliser de tels travaux. Si les requérants font état de ce qu'il pourrait leur être demandé d'enlever ces terrassements et réseaux, un tel préjudice ne présente en outre pas de caractère certain en l'absence de toute décision en ce sens prise à ce jour. Il résulte également de l'instruction que les seules dépenses engagées pendant cette période s'élèvent à 2 624,64 euros. Toutefois en exposant le 31 octobre 2011 des frais à hauteur de 1 330 euros pour l'acquisition d'une éolienne alors même qu'ils avaient été informés dès le 24 octobre 2011 de ce que l'Etat envisageait de retirer le permis de construire accordé pour leur maison d'habitation, les requérants ont commis une imprudence de nature à exonérer partiellement la responsabilité de l'Etat à hauteur de 50%. Par suite, compte tenu de ce partage de responsabilité sur la seule dépense non prise en compte par le tribunal administratif, les requérants sont seulement fondés à soutenir que l'indemnisation accordée par le tribunal de ce chef de préjudice doit être portée de la somme de 1 294,64 euros à celle de 1 959,64 euros.

6. En quatrième lieu, en réalisant eux-mêmes certains des travaux sur leur maison d'habitation, Mme B...et M. E...ont subi en vain des troubles dans leurs conditions d'existence en lien direct avec l'illégalité fautive affectant le permis de construire délivré le 3 aout 2011, pour ce qui concerne la période courant de cette date au 2 novembre 2011. Il sera fait une juste appréciation du montant de ce préjudice en le fixant à la somme de 10 000 euros. Pour les motifs exposés au point 4, les requérants ne sont pas fondés à demander l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence résultant de la réalisation par eux-mêmes de certains travaux de viabilisation de leur terrain ni des travaux d'édification de la construction à usage de garage.

7. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B...et M. E...ont subi du fait des illégalités fautives affectant tant le certificat d'urbanisme que les deux permis de construire, un préjudice moral qui, doit être fixé à 10 000 euros eu égard au caractère répété sur plusieurs années des fautes commises par le maire d'Espartignac au nom de l'Etat.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...et M. E...sont seulement fondés à demander que l'indemnité de 58 202,34 euros que le tribunal administratif de Limoges, par le jugement contesté n° 1200517 du 12 décembre 2013, a condamné l'Etat à leur verser soit majorée de 4 665 euros et par suite portée à la somme de 62 867,34 euros. Il s'en suit qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et M. E...et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme B...et M. E...par le jugement n° 1200517 du 12 décembre 2013 est portée à 62 867,34 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 décembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros à Mme B...et M. E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...et M. E...est rejeté.

''

''

''

''

3

N° 14BX00354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00354
Date de la décision : 09/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET CLARISSOU et BADEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-09;14bx00354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award