Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le président du conseil général des Deux-Sèvres a décidé le 2 août 2012 de licencier, au terme de la période d'essai, M.B..., attaché non titulaire qui avait été recruté pour exercer les fonctions de collaborateur du groupe d'élus " Gauche solidaire ". A la suite du rejet implicite de sa demande de retrait de la décision du 2 août 2012 et de sa réclamation préalable tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette décision, M. B...a saisi le tribunal administratif de Poitiers afin d'obtenir l'annulation de la décision du 2 août 2012 et le versement d'une indemnité de 79 126,87 euros en réparation des préjudices causés.
Par un jugement n° 1203131 en date du 7 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du président du conseil général des Deux-Sèvres en date du 2 août 2012 et a condamné le département des Deux-Sèvres à verser à M. B...une indemnité correspondant au montant des pertes de salaire et indemnités de mission et pour travaux supplémentaires sur la période du 8 août 2012 au 8 mai 2015, déduction faite des salaires et allocations perçues au cours de cette même période.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée sous le numéro 15BX00638 le 20 février 2015 et un mémoire enregistré le 13 mai 2015, le département des Deux-Sèvres, pris en la personne de son président, représenté par Me Vende, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1203131 du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 janvier 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II°) Par une requête enregistrée sous le numéro 15BX00641 le 24 février 2015 et des mémoires enregistrés les 16 avril et 13 mai 2015, le département des Deux-Sèvres, pris en la personne de son président, représenté par Me Vende, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1203131 du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 janvier 2015 ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vendé, avocat du département des Deux-Sèvres et celles de Me Renner, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Le département des Deux-Sèvres a recruté M. B...en qualité d'attaché non titulaire pour exercer les fonctions de collaborateur du groupe d'élus " Gauche solidaire " par un contrat signé le 11 mai 2012 pour une durée de trois ans à compter du 9 mai 2012, dans la limite du mandat de l'assemblée territoriale, avec une période d'essai de trois mois. Au terme de la période d'essai, le président du conseil général des Deux-Sèvres a, par une décision du 2 août 2012 prenant effet le 9 août 2012, mis un terme au contrat de M. B...pour insuffisance professionnelle. A la suite du rejet implicite de sa demande de retrait de cette décision et de sa réclamation tendant au versement d'une indemnité, M. B...a saisi le tribunal administratif de Poitiers afin d'obtenir l'annulation de cette décision ainsi que le versement d'une indemnité d'un montant de 79 126,87 euros. Le département des Deux-Sèvres, par une première requête enregistrée sous le numéro 15BX00638, relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 janvier 2015 annulant la décision du 2 août 2012 et le condamnant à verser à M. B...une indemnité correspondant à la perte de salaires et indemnités de mission et pour travaux supplémentaires sur la période comprise entre le 8 août 2012 et le 8 mai 2015, déduction faite des salaires et allocations perçus au cours de cette période. Par une seconde requête, enregistrée sous le numéro 15BX00641, le département des Deux-Sèvres sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les requêtes du département des Deux-Sèvres sont dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En estimant que le document relatif à la liste des pièces qui auraient été incluses dans le dossier de M. B...est dénué de valeur probante, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce que soutient le département des Deux-Sèvres, soulevé d'office un moyen d'ordre public sans mettre à même les parties d'en discuter, mais exercé leur pouvoir d'appréciation des pièces soumises à leur examen. Ils n'ont donc entaché leur jugement d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur la légalité de la décision du 2 août 2012 :
4. Le tribunal administratif de Poitiers a, par le jugement attaqué, annulé la décision prononçant le licenciement de M. B...pour défaut de communication préalable de l'intégralité des pièces figurant dans son dossier et pour absence de preuve de la matérialité des faits reprochés, ces faits ne pouvant, en tout état de cause, pas caractériser une insuffisance professionnelle. Le juge d'appel n'est pas tenu de statuer sur chacun des motifs d'annulation retenus par le premier juge dès lors qu'il en retient un justifiant l'annulation et donc le rejet de l'appel.
5. Il ressort de la décision contestée qu'il est reproché à M. B...d'avoir procédé à l'enregistrement de la réunion de majorité du 2 juillet 2012 sans prévenir sa hiérarchie ni les élus présents, d'avoir pris directement, pour un dossier suivi par le président du conseil général, des rendez-vous avec les services sans prévenir le président du groupe d'élus " Gauche solidaire " ou ses collègues, d'avoir pris, sans prévenir ses collègues, cinq jours de congés pour déménagement du 18 au 22 juin 2012 alors que le règlement de gestion des temps de la collectivité prévoit une autorisation d'absence de deux jours en pareil cas, et enfin d'avoir fait enregistrer son véhicule personnel afin d'accéder au parking réservé aux élus et à la direction sans demander préalablement l'autorisation. Le département des Deux-Sèvres soutient que ces faits caractérisent, à titre principal, une insuffisance professionnelle ou, à titre subsidiaire, une rupture du lien de confiance qui pourrait être retenue dans le cadre d'une substitution de motifs.
6. Il ressort des propres écritures de M. B...que ce dernier reconnaît qu'il disposait d'une place de stationnement dans le parking réservé aux élus et à la direction générale, mais il produit un courriel de la secrétaire du groupe d'élus actant sa demande au nom du président, sans que celui-ci ait alors contesté avoir fait cette demande. Si M. B...reconnaît avoir pris cinq journées de congés pour son déménagement, il soutient avoir respecté la procédure de déclaration préalable alors que les extractions du logiciel de gestion du temps de travail produites par le département des Deux-Sèvres, qui ne font mention ni de la date de la demande ni de la date de sa validation, ne permettent précisément pas d'établir la méconnaissance de la procédure de déclaration préalable. Par ailleurs, il soutient, sans être sérieusement contredit avoir prévenu oralement ses collègues. En outre, si l'intéressé reconnaît avoir pris un rendez-vous directement avec un directeur des services, il soutient que c'était à la demande de celui-ci. Dans ces conditions, l'absence de prévenance du groupe d'élus, si cette maladresse pouvait lui être reprochée afin qu'elle ne se reproduise pas à l'avenir, ne pouvait constituer à elle seule une insuffisance professionnelle. Pour chacun des autres griefs, qui sont expressément contestés par M.B..., le département des Deux-Sèvres ne produit aucune pièce de nature à établir la matérialité des faits reprochés. Dans ces conditions, les seuls faits reconnus d'avoir pris cinq jours de congés pour un déménagement et d'avoir pris un rendez-vous avec les services du département sans en avertir sa hiérarchie ne sauraient caractériser une insuffisance professionnelle, ni même une rupture du lien de confiance avec son employeur, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté que le président du groupe d'élus " Gauche solidaire " aurait reconnu lors de l'entretien préalable au licenciement qu'il n'avait aucun reproche à formuler sur la qualité du travail fourni par M.B....
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Ainsi qu'énoncé au point 6, la décision de licenciement de M. B...est entachée d'une illégalité fautive pour notamment s'être fondée sur des faits dont la matérialité n'est pas établie ou qui n'étaient pas susceptibles de caractériser une insuffisance professionnelle ou une rupture du lien de confiance avec l'employeur. Cette illégalité est susceptible d'engager la responsabilité du département des Deux-Sèvres dès lors qu'elle est à l'origine directe et certaine des préjudices subis.
8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
9. Aux termes de l'article L. 3121-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Pour les années où a lieu le renouvellement triennal des conseils généraux, la première réunion se tient de plein droit le second jeudi qui suit le premier tour de scrutin. ".
10. Comme énoncé au point 1, le contrat de travail de M. B...prenait effet le 9 mai 2012 pour une durée de trois ans, dans la limite du mandat de l'assemblée territoriale. Le département des Deux-Sèvres soutient que la période d'indemnisation retenue par les premiers juges, qui est comprise entre le 8 août 2012 et le 8 mai 2015, est disproportionnée. Toutefois au regard de la règle rappelée au point 8, une telle argumentation est inopérante. En revanche, il y a lieu de tenir compte de la fin du mandat de l'assemblée départementale, intervenue en mars 2015. Eu égard à la circonstance que le licenciement a pris effet le 9 août 2012, il y a lieu de retenir comme période d'indemnisation la période comprise entre cette date et le terme du contrat, en l'occurrence le terme du mandat de l'assemblée départementale soit le 2 avril 2015, date à laquelle s'est réunie pour la première fois le conseil général nouvellement élu. Dès lors, il y a lieu d'évaluer l'indemnité due en prenant en compte les traitements ainsi que les primes et indemnités dont M. B...avait, pour cette période, une chance sérieuse de bénéficier, soit en l'espèce l'indemnité d'exercice de mission et l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires. Si le département des Deux-Sèvres conteste la prise en compte de cette dernière indemnité au motif qu'elle serait liée à l'exercice effectif des fonctions, cette indemnité, forfaitaire, correspond à une somme constante perçue de manière régulière. En l'absence, pour les motifs énoncés précédemment, d'une quelconque contestation relative à la manière de servir, qui aurait pu entraîner une diminution, voire une suppression de cette indemnité, il y a lieu de considérer que M. B...avait une chance sérieuse de bénéficier de cette indemnité qui doit dès lors être prise en compte. Il conviendra enfin de déduire de ce montant les rémunérations et allocations que M. B... a perçues au cours de cette période. Enfin, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant le département des Deux-Sèvres pour procéder à la liquidation de cette indemnité selon les modalités énoncées au présent point.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du moyen tiré du défaut de communication préalable de l'intégralité des pièces composant le dossier de M.B..., et alors que le département des Deux-Sèvres ne conteste pas la détermination des intérêts et de leur capitalisation, que ce dernier n'est fondé à demander la réformation du jugement attaqué qu'en tant qu'il a prolongé jusqu'au 8 mai 2015 la période d'indemnisation de M.B..., au titre de sa perte de salaires et indemnités de mission et pour travaux supplémentaires, déduction faite des salaires et allocations perçus durant cette même période.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
12. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 15BX00638 du département des Deux-Sèvres tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n°15BX00641 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Deux-Sèvres la somme demandée à ce titre par M.B.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le département des Deux-Sèvres soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La période au titre de laquelle le département des Deux-Sèvres est condamné à indemniser M. B...est fixée du 9 août 2012 au 2 avril 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 janvier 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n°15BX00638 du département des Deux-Sèvres est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°15BX00641 du département des Deux-Sèvres.
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Nos 15BX00638, 15BX00641