Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Nouvelle de Travaux (SNT) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prescrire à la région Guadeloupe de lui verser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, une somme de 118 562,19 euros en exécution du jugement qu'il a rendu sous le n°0000313 le 11 mai 2006 et à ce que soit mise à la charge de la région Guadeloupe une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1400881 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a d'une part, enjoint au président du conseil régional de la région Guadeloupe d'adresser au comptable public un ordre de réquisition pour précéder au paiement de la somme de 1 460,80 euros, majorée des intérêts de retard selon les modalités définies par le jugement du 11 mai 2006, et de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, a assorti cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution du jugement à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant sa notification.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juin 2015 et des mémoires présentés les 5 octobre et 17 novembre 2015, la Société Nouvelle de Travaux (SNT), représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de condamner la région Guadeloupe à lui verser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, la somme de 68 602,06 euros en exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 11 mai 2006, et l'intérêt au taux légal sur cette somme depuis le 22 octobre 1997 jusqu'à son paiement définitif ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
3°) de mettre à la charge de la région Guadeloupe une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société SNT.
Considérant ce qui suit :
1 Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution/ Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. "
2. La Société Nouvelle de Travaux (ci-après SNT) s'est vue confier par la région Guadeloupe la réalisation de travaux de construction et de réfection de lycées. Par un protocole transactionnel du 4 août 1997, la région s'est engagée à verser à cette société la somme de 3 814 219,07 francs, soit 581 473,95 euros. La région Guadeloupe n'ayant cependant pas acquitté l'intégralité de la somme, la SNT a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe qui, par une ordonnance du 26 octobre 2000, a condamné la région à lui verser une provision de 450 000 francs, soit 68 602,06 euros. Par un jugement n° 0000313 du 11 mai 2006 devenu définitif, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la région Guadeloupe à verser à la société SNT la somme de 70 062,86 euros en précisant que " cette somme portera intérêts au taux légal depuis le 22 octobre 1997 jusqu'à la date de versement de la provision de 68 602,06 euros " et que " la somme restante de 1 460,80 euros portera intérêts à compter de la date de versement de la provision jusqu'au complet paiement ". Si la région Guadeloupe soutient avoir mandaté, en mars 2001, la somme de 68 602,06 euros, la SNT fait valoir qu'elle n'a jamais perçue cette somme. Elle a donc saisi le préfet de la Guadeloupe de demandes successives tendant à ce que soient mis en oeuvre, en vue d'assurer l'exécution intégrale du jugement du 11 mai 2006, les pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat par l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980. Cette société a également demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 111 422,14 euros correspondant à la somme de 68 602,06 euros assortie des intérêts y afférents. Sa demande a cependant été rejetée par une décision n° 1200965 du 23 juillet 2013, confirmée par une ordonnance n°13BX02269 rendue par la cour de céans le 20 janvier 2014. Cette société a ensuite demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prescrire à la région Guadeloupe de lui verser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, une somme de 118 562,19 euros en exécution du jugement qu'il avait rendu sous le n° 0000313 le 11 mai 2006.
3. Par un jugement n° 1400881 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a d'une part, enjoint au président du conseil régional de la région Guadeloupe d'adresser au comptable public un ordre de réquisition pour procéder au paiement de la somme de 1 460,80 euros, majorée des intérêts de retard selon les modalités définies par le jugement du 11 mai 2006, et de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, a assorti cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution du jugement à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant sa notification. La SNT relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la région Guadeloupe à lui verser la somme de 68 602,06 euros et l'intérêt au taux légal sur cette somme depuis le 22 octobre 1997 jusqu'à son paiement définitif en exécution du jugement du 11 mai 2006, et demande à la cour d'assortir cette injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.
Sur la recevabilité :
4. En premier lieu, la région Guadeloupe soutient que la demande de la SNT était irrecevable à défaut d'avoir été présentée par le liquidateur judiciaire de cette société.
5. Cependant, aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution (...). La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci.". Le premier alinéa de l'article L. 237-18 du même code dispose : " I. - Un ou plusieurs liquidateurs sont désignés par les associés, si la dissolution résulte du terme statutaire ou si elle est décidée par les associés. ". Aux termes de l'article L. 237-24 : " Le liquidateur représente la société. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l'actif, même à l'amiable. (...) / Il est habilité à payer les créanciers et répartir le solde disponible. ". Les règles posées par l'ensemble de ces dispositions ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers. Dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du gérant de la société dont la dissolution a été décidée par les associés à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours. Par suite, la fin de non recevoir invoquée par la région Guadeloupe et tirée de l'absence de qualité de M. B...A...pour représenter la société nouvelle de travaux dans la présente instance, ne peut qu'être écartée.
6. En second lieu, la région Guadeloupe fait valoir que la SNT n'a plus capacité pour agir dès lors que les opérations de sa liquidation judiciaire ont été clôturées. Cependant, il résulte de l'extrait Kbis du 29 septembre 2015 que la liquidation de la société SNT, engagée par décision de l'assemblée générale de ses associés le 18 février 1998, n'était pas clôturée lors de l'enregistrement de sa requête d'appel le 18 juin 2015. Par suite, la fin de non-recevoir ainsi opposée par la région Guadeloupe ne peut qu'être écartée.
Sur la demande d'injonction tendant au paiement de la somme de 68 602,06 euros :
7. Aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci après reproduites, sont applicables : " Art. 1er. (...) II.-Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. / En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office. (...)".
8. La SNT fait valoir que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, bien que la région Guadeloupe ait émis, le 10 février 2001, un mandat de paiement portant sur le somme de 68 602,06 euros, cette somme ne lui a jamais été versée, à défaut de fonds suffisants sur le compte de cette collectivité territoriale. La société demande ainsi à la cour d'enjoindre à la région Guadeloupe, en exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 11 mai 2006, de lui verser ce montant.
9. Cependant, les dispositions précitées du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution, dans le délai prescrit, d'une décision juridictionnelle qui a condamné une collectivité territoriale au paiement d'une somme d'argent et qui est passée en force de chose jugée, d'obtenir du représentant de l'Etat dans le département la mise en oeuvre des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions. En l'espèce, le jugement du 11 mai 2006 du tribunal administratif de la Guadeloupe, passé en force de chose jugée, a condamné la région Guadeloupe au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par le jugement lui-même. Par suite, et en application des dispositions précitées, la SNT dispose d'une voie de droit pour recouvrer, sans passer par le juge, cette somme qu'elle estime lui être due. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de cette société tendant à ce qu'il soit enjoint à la région Guadeloupe, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de payer sous astreinte la somme de 68 602,06 euros. Il appartient seulement à cette société, si elle s'y croit fondée, d'attaquer pour excès de pouvoir les décisions du préfet ou de rechercher la responsabilité de l'Etat en cas de méconnaissance des dispositions du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 susvisée. Il suit de là que les conclusions susvisées de la SNT sont irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur la demande d'injonction tendant au paiement des intérêts légaux afférents à la somme de 68 602,06 euros depuis le 22 octobre 1997 :
10. En premier lieu, le jugement du 11 mai 2006 n'a pas déterminé les sommes dues à la société SNT au titre des intérêts courant sur la somme de 68 602,06 euros. Par suite, la demande d'injonction susvisée présentée par la société SNT sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative est recevable.
11. L'exécution d'une décision de justice condamnant une personne morale de droit public au versement d'une somme d'argent implique non pas un simple mandatement de la somme, mais son paiement effectif.
12. L'article 1er du jugement du 11 mai 2006 du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la région Guadeloupe à verser à la société SNT les intérêts moratoires courant sur la somme de 68 602,06 euros à compter du 22 octobre 1997 et jusqu'au " versement " du principal. Ainsi, l'exécution du jugement suppose la liquidation des intérêts moratoires sur la somme de 68 602,06 euros, non pas seulement jusqu'au mandatement du principal, intervenu début 2001, mais jusqu'à son paiement effectif.
13. Par une lettre du 15 décembre 2008, la SNT a mis en demeure le président de la région de lui verser la somme de 68 602,06 euros en exécution du jugement du 11 mai 2006. Elle a réitéré cette demande de paiement le 29 janvier 2009 et a produit, à l'appui de sa requête, une lettre de la BNP indiquant que le virement d'un montant de 453 000 francs effectué par le conseil régional avec les références mandat 158 - bordereau 47 n'a pas été retrouvé. En défense, la région Guadeloupe se borne à affirmer qu'elle a mandaté la somme de 68 602,06 euros le 10 février 2001. Ainsi, il résulte de l'instruction que la somme de 68 602,06 euros résultant de la condamnation prononcée par le tribunal le 11 mai 2006, n'a pas donné lieu à un paiement effectif. Par suite, en arrêtant le décompte des intérêts moratoires dus sur cette tranche du principal au 30 avril 2001, la région Guadeloupe n'a pas complètement exécuté le jugement dont s'agit.
14. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la région Guadeloupe de verser à la société SNT le montant des intérêts afférents à la somme de 68 602,06 euros, calculés jusqu'à la date de paiement effectif de cette somme, de justifier, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de la date du paiement effectif de la somme de 68 602,06 euros, et des intérêts moratoires courant sur ladite somme jusqu'à cette date. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la région Guadeloupe sur leur fondement.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Région Guadeloupe une somme de 1 500 euros à verser à la SNT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La région Guadeloupe versera à la SNT le montant des intérêts afférents à la somme de 68 602,06 euros, calculés jusqu'à la date de paiement effectif de cette somme et justifiera, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de la date du paiement effectif de la somme de 68 602,06 euros, et des intérêts moratoires courant sur ladite somme jusqu'à cette date.
Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la région Guadeloupe si elle ne justifie pas avoir, dans les quatre mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté le jugement n° 0000313 du 11 mai 2006 du tribunal administratif de la Guadeloupe. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour à compter de l'expiration du délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : La Région Guadeloupe versera une somme de 1 500 euros à la SNT au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement n° 1400881 du 30 avril 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 15BX02069