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07/01/2016 | FRANCE | N°15BX02642

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 07 janvier 2016, 15BX02642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Dordogne du 16 février 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour "conjoint de français ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501721 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. A...C...en annulant ces décisions. Le tribunal a enjoint au préfet

de réexaminer la demande de M. A...C...dans un délai d'un mois à compter de la no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Dordogne du 16 février 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour "conjoint de français ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501721 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. A...C...en annulant ces décisions. Le tribunal a enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. A...C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'avocat du requérant en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015, le préfet de la Dordogne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juillet 2015.

..........................................................................................................

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me B...représentant de M. A...C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., ressortissant tunisien né en 1979, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en 2011. Il a épousé le 20 décembre 2014 à Périgueux une ressortissante française et a sollicité le 20 janvier 2015 un titre de séjour. Le préfet de la Dordogne, par un arrêté du 16 février 2015 lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Dordogne relève appel du jugement du 16 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... C....

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Pour annuler l'arrêté du 16 février 2015, le tribunal a retenu que le préfet de la Dordogne, en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour de la demande de M. A...C..., avait entaché son arrêté d'un vice de procédure.

3. L'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " et l'article L. 312-2 de ce code prévoit que " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (... ) ". Il résulte de l'article R.312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles, ou aux dispositions équivalentes des accords internationaux, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations.

4. L'accord franco-tunisien du 17 mars 1998 susvisé n'a pas entendu écarter les ressortissants tunisiens du bénéfice des dispositions de procédure de l'article L. 312-2 de ce code. La commission du titre de séjour doit donc être saisie des cas des étrangers remplissant les conditions fixées par l'accord pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour. L'article 11 de cet accord prévoit que " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". L'article 10 de cet accord stipule : "1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français :a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ". M. A...C..., qui ne conteste pas ne pas remplir les conditions tenant à la régularité du séjour et à la durée du mariage, a saisi le préfet d'une demande de régularisation de sa situation au motif que son épouse souffre d'une insuffisance rénale et d'un diabète, nécessitant sa présence auprès d'elle. Cette demande, qui ne précisait aucun fondement juridique, ne pouvait être examinée, hors les cas prévus à l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas invoqué, que dans le cadre des dispositions applicables aux conjoints de français, soit, du fait de la nationalité de l'intéressé, de l'article 10 précité de l'accord franco-tunisien.

5. M. A...C...ne pouvait alors utilement se prévaloir de ce qu'il remplirait les conditions prévues par le 4° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)/ 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Au demeurant, la production d'un visa de long séjour, délivré le cas échéant selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1, est aussi, en vertu de l'article L.311-7 du même code, au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas contesté qu'elle n'était pas remplie en l'espèce, et qu'en l'absence d'entrée régulière, M. A...C...ne pouvait justifier des conditions lui permettant de bénéficier d'un examen sur place d'une demande d'un tel visa de long séjour en vertu de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède que, M. A...C...ne remplissant aucune des conditions auxquelles l'accord franco-tunisien subordonne un titre de séjour de plein droit, et pas davantage, en tout état de cause, l'ensemble de celles prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les conjoints de français, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'absence de saisine de la commission du titre de séjour pour annuler sa décision.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A...C...à l'encontre de cet arrêté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. M. A...C...fait valoir qu'il vit en France depuis 2011 et que sa présence est indispensable auprès de son épouse de nationalité française, qui connaissait, à la date de la décision attaquée, une grossesse compliquée par son état diabétique. Toutefois, les certificats médicaux qu'il produit ne font pas état d'une telle nécessité, d'autant que sa belle-famille habite à Périgueux. La durée de sa communauté de vie avec son épouse n'était que de quelques mois à la date de la décision attaquée et rien ne faisait obstacle à ce qu'il retourne en Tunisie le temps de la délivrance d'un visa de long séjour, la séparation avec son épouse ne présentant pas dans ces conditions un caractère durable. Il ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de la naissance de leur fils le 25 septembre 2015, postérieurement à la décision attaquée. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où vivent ses parents et son frère. Compte tenu de la durée relativement courte et des conditions de son séjour en France, M. A...C..., qui en qualité de conjoint de français ne peut se prévaloir du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux personnes qui n'entrent pas dans les catégories précédemment énumérées, n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le refus de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Compte tenu de ce qui précède, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé à la date de leur édiction.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 16 février 2015 par lequel il a refusé de délivrer un titre à M A...C..., et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par suite, les conclusions incidentes de M. A...C...aux fins d'injonction de délivrer un titre de séjour et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501721 en date du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...C...devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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No 15BX02642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX02642
Date de la décision : 07/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LOPY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-01-07;15bx02642 ?
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