Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Nature Environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime du 11 octobre 2010 de non-opposition à la déclaration de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Terres d'Argile, présentée par son gérant, M. A...B..., concernant la mise en place d'un réseau d'assainissement par drains enterrés dans un terrain situé sur le territoire de la commune d'Andilly et d'enjoindre à M. B... de procéder à la remise en état des parcelles dans un délai de six mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1102617 du 9 avril 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision de non-opposition et enjoint à la SCEA Terre d'Argile de déposer un dossier de demande d'autorisation de son installation dans un délai de six mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juin 2014 et les 3 novembre 2014 et 4 décembre 2014, la SCEA Terre d'Argile, représenté par le SELARL Atlantic Juris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande de l'association France Nature Environnement 17 ;
3°) de mettre à la charge de cette association le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la SCEA Terre d'Argile.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 septembre 2010, M.B..., représentant la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Terre d'Argile, a déclaré au préfet de la Charente-Maritime la réalisation de travaux de drainage sur des parcelles situées dans la commune d'Andilly. Par décision du 11 octobre 2010 le préfet de la Charente-Maritime ne s'est pas opposé à cette déclaration. La SCEA Terre d'Argile relève appel du jugement n° 1102617 du 9 avril 2014, par lequel le tribunal administratif de Poitiers, estimant qu'un tel projet relevait de la rubrique n° 3.3.1.0 de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, a annulé la décision de non-opposition à déclaration et lui a enjoint de déposer un dossier de demande d'autorisation de son installation dans un délai de six mois. Par la voie de l'appel incident, l'association Nature Environnement 17 demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas retenu les moyens tirés de l'insuffisance substantielle du document d'incidences et de l'incompatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne et en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour estimer que le projet relevait de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, les premiers juges, après avoir rappelé les termes de cette rubrique relative à l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation et aux remblais de zones humides ou de marais, ont précisé que cette rubrique vise " les opérations d'assèchement effectuées d'une part en zone humide, d'autre part, dans les marais alors mêmes qu'ils ne sont pas localisés dans une zone humide ". En se bornant à relever que les travaux envisagés auraient pour effet d'accroitre l'assèchement d'une zone de marais sans indiquer les éléments permettant de considérer que les terrains concernés étaient situés en zone de marais alors que la SCEA Terre d'Argile soutenait que les sondages réalisés concluaient à l'absence de zones humides ou de marais et qu'un marais ne peut être localisé hors des zones humides, le tribunal administratif de Poitiers a insuffisamment motivé son jugement. Il s'en suit que celui-ci doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Nature Environnement 17 devant le tribunal administratif de Poitiers.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète de Charente-Maritime :
4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 141-1 et L. 142-1 du code de l'environnement que les associations de protection de l'environnement titulaires d'un agrément attribué dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État justifient d'un intérêt à agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément, dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément.
5. Aux termes de l'article 2 des statuts de l'association Nature Environnement 17, qui a été agréée le 17 mars 1978 dans le département de la Charente-Maritime : " L'association Nature Environnement a pour objet : 1) de protéger, de conserver et de restaurer les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, l'eau, l'air, les sols, les zones humides, les sites, le littoral, les paysages et le cadre de vie (...) ". La décision de non-opposition à la mise en oeuvre d'un dispositif de drainage de parcelles situées dans le marais poitevin, dans une commune de la Charente-Maritime, présente un rapport direct avec l'objet de l'association requérante. Dans ces conditions, cette dernière justifie d'un intérêt à agir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Charente-Maritime ne peut qu'être écartée.
Sur la légalité de la décision de non-opposition à déclaration du 11 octobre 2010 :
6. En premier lieu, l'article L. 211-1 du code de l'environnement dispose : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ". Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) / II - Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 214-1 du même code qui fixe la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 comporte la rubrique 3.3.1.0 " Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais, la zone asséchée ou mise en eau étant : 1° Supérieure ou égale à 1 ha (A) ; 2° Supérieure à 0,1 ha mais inférieure à 1 ha (D) ". Il résulte des termes mêmes de cette rubrique 3.3.1.0 qu'elle régit la situation non seulement des travaux d'assèchement de terres pouvant être qualifiées de zones humides au sens de l'article 1er de l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides pour la mise en oeuvre de cette rubrique, mais également celles des terres qui, sans répondre aux critères de pédologie et de végétation posés par cet arrêté, sont néanmoins situées en zone de marais sans qu'y fasse obstacle l'absence de définition législative ou réglementaire de cette dernière notion.
7. D'une part, il est constant que les parcelles de la SCEA Terre d'Argile sont situées dans le marais desséché du Marais poitevin, lequel est partie intégrante de l'écosystème global que constitue ce marais, en relation avec le marais mouillé par le canal de la Brie et le canal de La Rochelle à Marans qui bordent les parcelles. Eu égard à cette localisation, ces parcelles doivent être regardées comme situées dans des zones de marais au sens des dispositions de la rubrique 3.3.1.0 quand bien même elles ne seraient situées ni dans un site d'intérêt communautaire ni dans une zone de protection spéciale. D'autre part, ainsi que l'indique le document d'incidence le drainage " modifie le fonctionnement hydrologique de ces milieux qui évacuent plus rapidement l'eau et perdent leur pouvoir naturel de régulation et d'épuration, voire disparaissent en totalité par assèchement ". Les travaux déclarés consistent en la mise en place d'un réseau d'assainissement par drains enterrés en remplacement des fossés artificiels de drainage dont l'évacuation était assurée par une pompe vers le canal de la Brie, en bordure duquel les parcelles sont situées, puis le canal de Marans à La Rochelle. Il résulte également du document d'incidence que " la mise en place d'un réseau de drains va permettre un drainage vraisemblablement plus efficace qu'auparavant et surtout plus homogène sur le parcellaire et par voie de conséquence un débit de rejet plus important vers le milieu aquatique superficiel " même s'il n'est pas " possible d'établir un comparatif entre les deux techniques de drainage à l'échelle de l'exploitation ". Dans ces conditions, les travaux réalisés par M. B...doivent être regardés comme des travaux d'assèchement au sens des dispositions de la rubrique 3.3.1.0. Par suite, pour l'application de ces dispositions, le projet qui porte sur une superficie asséchée de plus d'un hectare devait faire l'objet d'une demande d'autorisation et non d'une simple déclaration préalable. En ne s'opposant pas à la déclaration dont il était saisi, le préfet a méconnu les dispositions précitées.
8. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, l'association Nature Environnement 17 est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de la Charente-Maritime du 11 octobre 2010 de non-opposition à la déclaration de mise en place d'un réseau d'assainissement par drains enterrés sur le territoire de la commune d'Andilly.
Sur les conclusions en injonction :
9. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine. / (...) / Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative compétente peut : (...) 2° Ordonner (...) la remise en état des lieux.". Il résulte de ces dispositions que le préfet ne peut ordonner la remise en état des lieux qu'après avoir adressé à l'intéressé une mise en demeure restée sans effet. Dans le cadre des pouvoirs d'injonction qu'il détient en application des articles L. 911-1- et L. 911-2 du code de justice administrative, le juge ne saurait enjoindre au préfet d'ordonner la remise en état des lieux avant que l'intéressé n'ait été mis en demeure de régulariser sa situation par le dépôt d'une demande d'autorisation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, pour l'exécution du présent arrêt, le préfet ne saurait ordonner la remise en état des lieux par suite de l'exécution des travaux de drainage sans autorisation préalable, sans avoir préalablement mis en demeure la SCEA Terre d'Argile de régulariser sa situation par le dépôt d'une demande d'autorisation. Par suite, il ne peut être fait droit aux conclusions de l'association Nature Environnement 17 tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'ordonner la remise en état des lieux. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime d'adresser à la SCEA Terre d'Argile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une mise en demeure de présenter un dossier de demande d'autorisation des travaux réalisés.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Nature Environnement 17, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCEA Terre d'Argile, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCEA Terre d'Argile la somme de 2 000 euros demandée par l'association Nature Environnement 17 au même titre.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1102617 du 9 avril 2014 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de la Charente-Maritime du 11 octobre 2010 de non-opposition à la déclaration de mise en place d'un réseau d'assainissement par drains enterrés est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime d'adresser à la SCEA Terre d'Argile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une mise en demeure de présenter un dossier de demande d'autorisation des travaux réalisés.
Article 4 : La SCEA Terre d'Argile versera la somme de 2 000 euros à l'association Nature Environnement 17 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la SCEA Terre d'Argile présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14BX01762