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19/11/2015 | FRANCE | N°15BX01818

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 19 novembre 2015, 15BX01818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 août 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1405099 du 11 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 1er juin 2015, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 août 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1405099 du 11 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2015, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 février 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 4 août 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Philippe Pouzoulet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant de nationalité turque, entré en France pour la dernière fois, selon ses déclarations, le 12 mars 2009, relève appel du jugement du 11 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2014 du préfet de la Gironde portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et fixant le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant le tribunal, M. A...a sommairement critiqué l'insuffisante motivation du refus de séjour en reprochant aux premiers juges de n'avoir pas pris en compte certains éléments de sa situation. Le tribunal, compte tenu du libellé du moyen, y a succinctement mais suffisamment répondu en énonçant que l'arrêté rejetant la demande de titre de séjour comportait les considérations de droit et de fait en constituant le fondement. En revanche, le tribunal n'a pas répondu au moyen distinct, qui n'était pas inopérant contre le refus de titre de séjour, tiré du défaut d'examen complet de la situation personnelle du requérant. M. A...est ainsi fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et doit être annulé. Par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. B...D..., sous-préfet, directeur de cabinet, suivant délégation accordée par arrêté du préfet de la Gironde du 16 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait.

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. L'arrêté vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève que M. A...se maintient en France en infraction à l'obligation de quitter le territoire français et au refus de son admission au séjour au titre de l'asile et au titre du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique qu'il ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur ce dernier fondement dès lors que la vie commune avec son épouse n'est plus effective depuis la fin de l'année 2012 et ajoute que la situation personnelle et familiale de l'intéressé ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels en explicitant en huit points les raisons de cette affirmation. Ainsi, l'arrêté précise qu'il est séparé de son épouse française et qu'il est sans charge de famille en France. Il relève également que la présence en France de deux de ses frères en France ne lui confère aucun droit au séjour alors que ses parents et au moins quatre de ses frères et soeurs sont en Turquie. En outre, il fait état de ce que le requérant est né le 1er mai 1987 et qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 22 ans. L'arrêté fait encore mention des motifs pour lesquels M. A...ne peut prétendre à un titre l'autorisant à travailler et écarte l'application de l'article 8 de la convention européenne susmentionné. Par conséquent, même si l'arrêté ne mentionne pas que M. A...est d'origine kurde, la date d'entrée en France du requérant et les raisons l'y ayant amené et s'il ne vise pas l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le refus de séjour est suffisamment motivé dès lors que les motifs de fait énoncés dans l'arrêté permettent sans ambiguïté de déterminer que le refus est aussi fondé sur cette disposition et qu'il intervient après le rejet d'une demande d'asile.

5. Il résulte en outre de la motivation du refus de séjour que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé, en se prononçant notamment, au regard des éléments pertinents caractérisant cette situation, sur l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur la possibilité pour M. A...de se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le droit de M. A...de se voir délivrer un titre l'autorisant à travailler.

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...réside en France depuis 2009 où il s'est marié avec une française dont il est séparé à la date du refus de séjour. Il entretient des liens avec deux de ses frères qui résident en France dont l'un a le statut de réfugié. Il a bénéficié d'autorisations provisoires de travail dans l'attente d'une décision sur sa demande d'asile. Il s'est vu refuser le statut de réfugié par une décision du 27 novembre 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par celle du 30 mai 2012 de la Cour nationale du droit d'asile. Il ne justifie d'aucune qualification professionnelle ni d'aucun effort d'intégration particulier. Il présente une promesse d'embauche de l'EURL Sonmezer-Bati en date du 10 janvier 2013 et fait valoir qu'il a continué de travailler pour subvenir à ses besoins. Ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Le préfet n'a donc pas méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A...un titre sur ce fondement.

8. Eu égard aux éléments caractérisant la vie privée et familiale du requérant, rappelés aux points 4 et 7 précédents, notamment la séparation de M.A..., l'âge auquel il est entré en France, les attaches familiales qu'il conserve en Turquie, même si deux de ses frères vivent en France, sa faible intégration en France y compris en tenant compte des circonstances relatives à son activité salariée, enfin l'absence de charges de famille, le refus du séjour n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Les mêmes circonstances ainsi que celles relatives à l'activité du requérant ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus de séjour sur sa situation personnelle.

9. M. A...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, laquelle ne comporte que des orientations générales qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, comme cela a été indiqué aux points précédents, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale, contrairement à ce que soutient M. A....

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. Ni la décision portant refus de titre de séjour ni la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont entachées d'illégalité. M. A...n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale.

13. Si M. A...soutient que l'un de ses frères bénéficie en France du statut de réfugié politique et qu'il encourt des risques en cas de retour en Turquie du fait de son statut de militant kurde il n'établit pas, par ces seules allégations à l'appui desquelles il n'apporte pas d'éléments précis et probants, être lui-même exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour (...). Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

15. L'arrêté en litige mentionne que si M. A...ne représente pas une menace pour l'ordre public, il a déjà fait l'objet d'une mesure de reconduite non exécutée, il se maintient en France depuis plus de deux ans, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie et ne justifie pas de la nature et de l'intensité de ses liens familiaux en France. Il est ainsi suffisamment motivé.

16. En outre, ces circonstances sont de nature à justifier une interdiction de retour sur le territoire, même si M. A...fait état de la présence en France de deux de ses frères avec lesquels il est resté en lien et quand bien même cette interdiction ferait obstacle à ce que le requérant puisse voir son frère résidant en France en qualité de réfugié. Le préfet n'a donc entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation, ni n'a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 4 août 2014 doivent être rejetées. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1405099 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 février 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 4 août 2014 et le surplus des conclusions d'appel de M. A...sont rejetés.

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N° 15BX01818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01818
Date de la décision : 19/11/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-11-19;15bx01818 ?
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