Vu la requête, enregistrée le 27 février 2015, présentée pour Mme C...B...demeurant..., par Me A...;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401641 du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation à travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ;
Vu l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (partie législative) ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2015 :
- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Nicolas Normand rapporteur public ;
1. Considérant que Mme B...relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2014 du préfet de la Haute-Vienne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision en litige, qui vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de MmeB..., fait également mention de sa situation personnelle et familiale ; que la décision de refus de titre de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; que cette motivation révèle également que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse doit par suite être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La durée de validité de la carte de séjour temporaire ne peut être supérieure à un an et ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1 du présent code. / L'étranger doit quitter la France à l'expiration de la durée de validité de sa carte à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident. " ; qu'aux termes de l'article L. 832-2 du même code, créé par l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et applicable à la date de la décision attaquée : " Sans préjudice des articles L.121-1 et L.121-3, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L.121-3, L.313-4-1, L.313-8, du 6° de l'article L.313-10, de l'article L.313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...était titulaire, à la date de la décision contestée, d'une carte de séjour temporaire mention " liens personnels et familiaux " délivrée par le représentant de l'Etat à Mayotte et valable jusqu'au 6 novembre 2014 ; que, toutefois, ce titre de séjour a été délivré à la requérante sous l'empire de l'ordonnance du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, abrogée par l'ordonnance du 7 mai 2014 précitée dont l'entrée en vigueur, le 26 mai 2014, ne revêt pas de portée rétroactive ; que, dans ces conditions, et alors que ce titre de séjour ne relève pas des exceptions prévues à l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne conférait pas à la requérante de droit à séjourner en France métropolitaine ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant que l'ordonnance du 7 mai 2014 a modifié l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour inclure Mayotte dans l'expression " en France "; qu'avant l'entrée en vigueur, le 26 mai 2014, de cette ordonnance , Mayotte n'était pas située " en France " au sens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mme B...ne peut utilement se prévaloir de l'ancienneté du séjour à Mayotte de ses trois enfants français pour justifier de leur résidence en France ; que les enfants de la requérante sont entrés avec elle en France métropolitaine, le 16 septembre 2013, sans qu'elle puisse justifier d'un droit au séjour ; qu'eu égard au caractère précaire de leur présence en France, ils ne pouvaient être regardés, à la date de la décision attaquée, comme résidant en France de façon stable et durable au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
7. Considérant que Mme B...soutient qu'elle réside en France avec ses trois enfants qu'elle a scolarisés ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que l'entrée en France de la requérante, accompagnée de ses trois enfants mineurs, est très récente à la date de la décision attaquée ; qu'elle ne justifie d'aucun autre lien en France métropolitaine dès lors qu'il est constant que son compagnon, père de ses enfants, réside à Mayotte ; qu'en outre, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeB... ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ;
9. Considérant qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque, notamment, un refus de délivrance d'un titre de séjour a été opposé à l'étranger ; que la décision de refus de titre de séjour contestée comporte, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d' autrui. " ;
11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (... ) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 mai 2014 , l'expression " en France " s'entend également, et entre autres, de Mayotte ; que Mayotte étant désormais située " en France " au sens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Vienne ne pouvait légalement, par son arrêté du 18 juillet 2014, fixer Mayotte comme pays à destination duquel Mme B...serait éloignée d'office ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi, que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 18 juillet 2014 du préfet de la Haute-Vienne désignant Mayotte comme pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...à l'encontre des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'implique pas qu'il soit ordonné au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, ni qu'il lui soit enjoint de réexaminer la situation de Mme B...et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ; que les conclusions de Mme B...aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 18 décembre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B...tendant à l'annulation de la décision du 18 juillet 2014 du préfet de la Haute-Vienne fixant Mayotte comme pays à destination duquel elle serait éloignée d'office.
Article 2 : L'article 4 de l'arrêté du 18 juillet 2014 du préfet de la Haute-Vienne est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
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N°15BX00733