Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 1er juillet 2013, présentée pour le département de La Réunion, dont le siège est rue de la Source à Saint Denis Cedex (97288), par Me Charrel, avocat ;
Le département de La Réunion demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000850 du 7 mars 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis en tant qu'il l'a condamné à verser à la Compagnie générale d'affacturage la somme de 70 894,72 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 13 août 2009, en paiement des travaux réalisés par la société ASTP dans le cadre du marché de restructuration du Jardin de l'Etat de Saint-Denis ;
2°) de rejeter la demande de la Compagnie générale d'affacturage présentée devant le tribunal administratif en ce qu'elle tendait au versement de cette somme ;
3°) de mettre à la charge de la Compagnie générale d'affacturage une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2015 :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de Me Charrel, avocat du département de la Réunion et de Me Coronat, avocat de la compagnie générale d'affacturage ;
1. Considérant que, dans le cadre du marché n° 06-84 ayant pour objet la restructuration du Jardin de l'Etat à Saint-Denis, le département de La Réunion a confié à la société M'elec le lot n° B01 " installations générales de chantier, terrassements liés aux réseaux EU-EP et AEP " d'un montant de 282 334, 36 euros TTC ; que la société M'elec a conclu le 21 août 2006 avec la société BTP Services une cession de créance pour un montant de 74 121, 94 euros, et notifié cette cession au payeur départemental le 22 septembre 2006 ; que le département de La Réunion a accepté la société ASTP en qualité de sous-traitante de la société M'élec, et agréé ses conditions de paiement par acte spécial du 21 décembre 2006, pour un montant total de 188 451, 48 euros TTC ; que, par un contrat d'affacturage du 14 février 2007, la société ASTP a cédé à la Compagnie générale d'affacturage (CGA) les créances résultant des factures établies au titre des travaux réalisés dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu avec la société M'elec ; qu'à la suite de la résiliation, par le maître de l'ouvrage, du marché conclu avec la société M'elec, placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal mixte de Saint Denis du 6 juin 2007, la CGA a saisi, les 9 août 2007 et 13 février 2008, le département de La Réunion d'une demande de paiement direct d'une somme totale de 70 894, 72 euros, correspondant aux factures émises les 23 avril et 22 mai 2007 par la société ASTP pour des montants respectifs de 31 319, 91 euros TTC et 39 574, 81 euros TTC ; qu'un refus lui a été opposé le 17 mars 2008 ; que le département de La Réunion relève appel du jugement n° 1000850 du 7 mars 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis en tant qu'il l'a condamné à verser à la CGA la somme de 70 894, 72 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 13 août 2009, en paiement des travaux réalisés par la société ASTP dans le cadre du marché de restructuration du Jardin de l'Etat ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution " ; que l'article 13-1 de cette loi dispose : " L'entrepreneur ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l'ouvrage qu'à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue personnellement " ; qu'aux termes de l'article 106 I du code des marchés publics : " La personne responsable du marché remet au titulaire une copie de l'original du marché revêtue d'une mention dûment signée, par elle, indiquant que cette pièce est délivrée en unique exemplaire en vue de permettre au titulaire de céder ou de nantir des créances résultant du marché. / (...) Le bénéficiaire d'une cession ou d'un nantissement de créance encaisse seul, à compter de cette notification, le montant de la créance ou de la part de créance qui lui a été cédée ou donnée en nantissement. " ; que l'article 114 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose : " L'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement doivent être demandés dans les conditions suivantes : (...) 2. Dans le cas où la demande est présentée après la conclusion du marché, le titulaire de celui-ci remet contre récépissé à la personne publique contractante ou lui adresse par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, une déclaration spéciale contenant les renseignements mentionnés au 1 du présent article. Le titulaire doit en outre établir qu'une cession ou un nantissement de créances résultant du marché ne fait pas obstacle au paiement direct du sous-traitant, dans les conditions prévues à l'article 116, en produisant soit l'exemplaire unique du marché qui lui a été délivré, soit une attestation ou une mainlevée du bénéficiaire de la cession ou du nantissement des créances.(...) La personne publique contractante ne peut pas accepter un sous-traitant et agréer ses conditions de paiement si l'exemplaire unique n'a pas été modifié ou si la justification mentionnée ci-dessus ne lui a pas été remise. " ;
3. Considérant en premier lieu que, s'il était interdit au département de la Réunion de payer entre les mains de la société M'elec ou de ses sous-traitants, à compter de la signification de la cession au comptable assignataire, la créance d'un montant de 74 121, 94 euros cédée par cette société à la société BTP Services, il ne résulte pas de l'instruction que la créance dont la société CGA demande le paiement, qui se rapporte aux travaux réalisés par la société ASTP en avril et mai 2007, et alors que la partie non sous-traitée du marché représentait une somme supérieure à 74 121,94 euros, corresponde à la créance dont la cession a été signifiée au comptable assignataire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société M'elec a conclu le 21 août 2006 avec la société BTP Services une cession de créance résultant du marché n° 06-84 ; que l'acte spécial du 21 décembre 2006 agréant la société ASTP comme sous-traitant de la société M'elec dans le cadre de ce marché indique toutefois que le titulaire du marché " établit qu'une cession ou un nantissement de créances résultant du marché ne fait pas obstacle au paiement direct du sous-traitant dans les conditions prévues à l'article 116 du code des marchés publics en produisant un exemplaire unique du marché " ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que cette mention serait erronée ; que, dans ces conditions, l'acceptation en qualité de sous-traitant de la société ASTP est intervenue conformément aux dispositions précitées, de sorte que la CGA, cessionnaire de la créance de la société ASTP, est fondée à réclamer l'application à son profit de la procédure de paiement direct ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le département de La Réunion a accepté la société ASTP en qualité de sous-traitante de la société M'élec, et agréé ses conditions de paiement par acte spécial du 21 décembre 2006, pour un montant total de 188 451, 48 euros TTC ; qu'il ne saurait se prévaloir, pour s'opposer au paiement de la somme en litige de 70 894, 72 euros entre les mains de la CGA, subrogée dans les droits du sous-traitant agréé, des acomptes qu'il a versés au titulaire du marché et du solde du marché en résultant compte tenu des travaux réalisés avant que la société M'elec ne soit en liquidation judiciaire ; que les factures établies par la société ASTP pour le montant total de 70 894, 72 euros constituent un commencement de preuve de la réalisation par cette société de travaux à due concurrence ; que le département de la Réunion ne conteste pas sérieusement ce montant en faisant état de ce que les travaux exécutés au titre du marché dont était titulaire la société M'elec ont été évalués par le maître d'oeuvre, le 29 juin 2007, à 109 166, 51 euros, alors que ce montant est supérieur à celui facturé par la société ASTP et qu'aucun élément n'est versé au dossier permettant de chiffrer à moins de 70 894, 72 euros la part de ce montant de 109 166, 51 euros correspondant à des travaux exécutés par ce sous-traitant ;
6. Considérant, enfin, que le département de La Réunion soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en fixant, en application de l'article 96 du code des marchés publics, le point de départ des intérêts à la date du 13 août 2009 ; que la demande de paiement de la société CGA ayant été adressée au département dès le 9 août 2007, il ne résulte pas de l'instruction que le point de départ des intérêts aurait dû être fixé à une date postérieure à celle retenue par le tribunal ; que le moyen invoqué par le département est, par suite, inopérant à l'appui de la critique du jugement;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de La Réunion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint Denis l'a condamné à verser à la CGA la somme de 70 894, 72 euros TTC assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 13 août 2009, en paiement des travaux réalisés par la société ASTP dans le cadre du marché de restructuration du Jardin de l'Etat ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département de La Réunion est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 13BX01773