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09/06/2015 | FRANCE | N°15BX00069

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 09 juin 2015, 15BX00069


Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2015, présentée pour M. B...A...demeurant..., par Me Jouteau, avocat ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400598 du 16 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 septembre 2013 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté

;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, sous a...

Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2015, présentée pour M. B...A...demeurant..., par Me Jouteau, avocat ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400598 du 16 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 septembre 2013 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la circulaire INTK1229185C du 28 novembre 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président de chambre ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité turque, né le 9 septembre 1984, est entré irrégulièrement en France en 2006 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 6 juin 2006 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 12 décembre suivant par la Cour nationale du droit d'asile ; que le requérant a fait l'objet de mesures d'éloignement respectivement les 6 février et 15 octobre 2007 ainsi que le 11 avril 2011 ; que, le 17 janvier 2013, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 2 septembre 2013, le préfet de la Gironde a opposé à l'intéressé un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que M. A...relève appel du jugement du 16 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 modifiée susvisée : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que le refus de séjour rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement et mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M.A..., notamment le caractère irrégulier de son arrivée en France et le rejet de sa demande d'asile, les conditions de son séjour sur le territoire national, la présence de sa compagne depuis 2012 avec deux de leurs enfants, la conclusion d'un contrat à durée déterminée ainsi que la dernière mesure d'éloignement dont l'intéressé a fait l'objet le 11 avril 2011 ; que, par suite, la décision contestée, dont la rédaction n'avait pas à reprendre de manière exhaustive tous les éléments dont le requérant se prévalait, est suffisamment motivée au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant que cette motivation révèle que le préfet ne s'est pas abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A... ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que M. A...se prévaut de sa présence habituelle en France depuis 2006 et soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe désormais sur le territoire national où il vit avec son épouse et leurs trois jeunes enfants, où est né leur plus jeune fille et où les deux aînés sont scolarisés ; que, toutefois, il n'établit pas la réalité de la durée et de la continuité du séjour alléguées ; qu'il ressort des pièces du dossier que son épouse est elle aussi en situation de séjour irrégulier ; que ceux de ses enfants nés en Turquie et résidant en France n'y étaient scolarisés que depuis un an à la date de la décision contestée ; qu'aucune circonstance particulière avérée ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France ; qu'il a conservé des attaches personnelles et familiales importantes en Turquie où se trouvent, en particulier, deux autres enfants mineurs, ses parents, quatre de ses six frères et soeurs ; qu'il ne démontre pas une insertion particulière dans la société française ; que, dans ces conditions, et compte tenu en outre des conditions de séjour en France de l'intéressé, qui n'a jamais été titulaire d'un titre de séjour et s'est déjà soustrait à de précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;

7. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de cet article, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable ;

8. Considérant que le requérant se prévaut de sa situation familiale, personnelle, professionnelle et d'une promesse d'embauche et fait valoir qu'il ne peut retourner dans son pays d'origine qu'il a fui en raison des violences subies du fait de son origine kurde ; que, toutefois, ces éléments, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de l'intéressé rappelées au point 5, à la circonstance que les menaces invoquées en cas de retour en Turquie sont alléguées et non démontrées, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ayant d'ailleurs refusé de reconnaître à M. A...la qualité de réfugié, ne sont pas de nature à constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le préfet de la Gironde a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation se fonder sur l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour contester le refus de séjour qui lui a été opposé, des orientations générales que, par sa circulaire du 28 novembre 2012, le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets afin de les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que le refus de séjour litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. A...de leurs parents ; que, ainsi qu'il a été dit, le dossier ne fait pas ressortir l'impossibilité pour la cellule familiale de se reconstituer dans le pays d'origine des parents ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de la Gironde des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

13. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 11 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision contestée, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas dépourvue de base légale ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ... " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

16. Considérant que M. A...n'établit pas, par les pièces produites au dossier, la réalité des menaces qui pèseraient sur lui en cas de retour en Turquie et dont ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont d'ailleurs retenu l'existence ; que s'il fait valoir que le statut de réfugié a été reconnu pour des membres de sa famille, il ne démontre pas qu'il serait directement et personnellement exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans ce pays ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la Gironde, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N°15BX00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00069
Date de la décision : 09/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-09;15bx00069 ?
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