Vu la requête, enregistrée le 1er août 2013, présentée pour M. F... D..., demeurant..., Mlle A...D..., demeurant ... et Mlle C...D..., demeurant..., par Me E... ;
Les consorts D...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902179 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département du Lot à réparer les conséquences dommageables de l'accident mortel dont Mme B...D...a été victime le 22 septembre 2006 ;
2°) de condamner le département du Lot, d'une part, à verser à M. F...D... une indemnité de 350 562,55 euros, à Mlle A...D... une indemnité de 22 000 euros et à Mlle C...D... une indemnité de 29 500 euros, d'autre part, à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code civil ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 98-255 du 31 mars 1998 ;
Vu l'arrêté du 10 décembre 2013 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Carnus, avocat des consortsD... ;
1. Considérant que, le 22 septembre 2006, vers 18 heures, le véhicule que Mme D...conduisait par temps de pluie sur la route départementale n° 803 en direction de Martel s'est déporté sur la gauche en abordant le virage "du Cabrejou" puis a heurté une voiture qui circulait en sens inverse ; que Mme D...a été tuée sur le coup ; que son époux, M.D..., et ses enfants, Nina et Noélie, font appel du jugement du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département du Lot à réparer les préjudices matériels et moraux qu'ils estiment avoir subis ; que l'Etat demande la condamnation du département à lui rembourser la somme de 180 556,25 euros correspondant au capital représentatif de la pension de réversion et de la rente viagère d'invalidité versée aux ayants droit, la somme de 1 109,02 euros correspondant au traitement brut de la victime pour la période du 23 au 31 septembre 2006 et aux charges patronales y afférentes, la somme de 31 350,75 euros correspondant au capital décès versé aux ayants droit et la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion mentionnée à l'article 2 du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques : " I. - Lorsque le décès (...) d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droits à la suite du décès (...) ; que, lorsque la victime d'un accident est un agent de l'Etat, l'article 3 de cette ordonnance crée pour le juge administratif l'obligation de mettre en cause l'Etat ; qu'alors que les requérants avaient fait connaître la qualité d'agent public de MmeD..., professeur des écoles, les premiers juges se sont abstenus de communiquer leur demande au ministre de l'éducation nationale et ont ainsi méconnu les dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; que la mutuelle générale de l'éducation nationale, régulièrement mise en cause, n'ayant pas interjeté appel, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il concerne les droits des consorts D...et de l'Etat ;
3. Considérant que la cour ayant communiqué la requête au ministre de l'éducation nationale, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par les consortsD... et par l'Etat ;
Sur la responsabilité :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des courriers adressés en 2004 et 2006 par le maire de Saint-Denis-Les-Martel aux services de l'Equipement et au président du conseil général du Lot que plusieurs accidents analogues s'étaient produits au même endroit ; qu'alors que la chaussée présentait un caractère particulièrement glissant par temps de pluie, devant faire l'objet d'une signalisation spécifique, aucun panneau de type A4 n'avait été mis en place ; que, par un courrier du 23 octobre 2006, le président du conseil général a d'ailleurs admis la nécessité d'améliorer l'adhérence du revêtement compte tenu notamment du phénomène de ressuage dit de "verglas d'été" provoqué par les pneus des poids lourds dans les virages prononcés ; qu'ainsi, en dépit tant de la signalisation du virage par des balises J1 et J4 que de la limitation de vitesse à 70 km/h et nonobstant la production d'analyses effectuées en octobre 2009 faisant état d'une rugosité du revêtement supérieure à la normale, le département du Lot n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de la portion de la route sur laquelle s'est produit l'accident ;
5. Considérant, toutefois, qu'il n'est pas sérieusement contesté que Mme D...n'avait pas attaché sa ceinture de sécurité ; que s'il est vrai, ainsi qu'un expert agréé membre de la commission accidentologie l'a confirmé par courrier du 23 octobre 2007, que le blocage du compteur de vitesse de son véhicule à 110 km/h, qui peut être imputable à un déplacement de l'aiguille dû au choc, ne suffit pas à révéler qu'elle roulait à une vitesse excessive, cette imprudence de la victime, qui connaissait les lieux, doit être regardée comme établie par l'importance du choc ; qu'en l'espèce, le département du Lot doit être exonéré de sa responsabilité à concurrence d'un tiers des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les droits des consortsD... :
6. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M.D..., qui avait quarante-neuf ans au moment de l'accident, et de chacune des filles de la victime, alors âgées de vingt ans et de vingt-cinq ans en l'estimant respectivement à 20 000 euros et à 15 000 euros ;
7. Considérant que M. D...justifie avoir exposé à hauteur de 2 861,82 euros des frais d'obsèques et de sépulture qui doivent être indemnisés ;
8. Considérant qu'en ce qui concerne le préjudice résultant de la perte des revenus de M. D...du fait du décès de son épouse, les revenus annuels nets perçus par celle-ci s'élevaient à 27 932 euros ; que, compte tenu des revenus de M. D...s'élevant à 25 702 euros, la part des revenus de Mme D...qu'elle consommait pour son propre compte peut être évaluée à 50 % ; que le montant des revenus annuels nets de Mme D...consacrés à l'entretien de M. D...s'établit ainsi à 13 966 euros ; que le montant brut annuel de la pension servie par l'Etat à M. D... en raison du décès de son épouse, qui comporte une part au titre des services et une part au titre de l'invalidité, s'élève à 15 318, 78 euros selon le document justificatif produit par le ministère des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique ; que, par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard à la pension d'ayant cause versée à M.D..., ce dernier ait subi un préjudice économique ;
9. Considérant que la part de ses revenus mensuels que Mme D...aurait consacrée à sa fille Noélie jusqu'en octobre 2008 a nécessairement été prise en compte au point 8 ; que, par suite et en tout état de cause, la demande présentée de ce chef par MlleD..., qui a d'ailleurs perçu jusqu'à ses vingt et un ans une pension d'ayant cause et ne justifie le versement d'une pension mensuelle de 600 euros que pour les mois de janvier et février 2006, doit être rejetée ;
10. Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 5, il y a lieu de condamner le département du Lot à verser une indemnité de 15 241,21 euros à M. D...et une indemnité de 10 000 euros à chacune de ses filles ;
En ce qui concerne les droits de l'Etat :
11. Considérant que le II de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 prévoit que l'action dont l'Etat dispose de plein droit contre le tiers responsable de l'accident concerne notamment : " Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; Les frais médicaux et pharmaceutiques ; Le capital-décès ; Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires. Les arrérages des pensions d'orphelin (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : " Lorsque la responsabilité du dommage est partagée entre le tiers et la victime, l'Etat peut recourir contre le tiers pour la totalité des prestations auxquelles il est tenu, à la condition que leur montant n'excède pas la réparation mise à la charge du tiers. Toutefois, ce recours ne peut s'exercer sur la part des dommages-intérêts correspondant à des préjudices qui, en raison de leur nature, ne se trouvent pas au moins partiellement couverts par les prestations visées à l'article 1er " ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 5, l'Etat peut prétendre au remboursement, d'une part, de la somme de 120 370,83 euros au titre du capital représentatif de la pension de réversion et de la rente viagère d'invalidité versée à M.D... en sa qualité d'ayant droit, d'autre part, de la somme de 20 900, 50 euros au titre du capital décès versé aux ayants droit ;
12. Considérant, en revanche, que si les dispositions précitées du II de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et celles de l'article 32 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ouvrent à l'Etat, en sa qualité d'employeur, une action directe contre le responsable des dommages afin de poursuivre le remboursement tant du traitement brut versé à l'agent pendant sa période d'indisponibilité que des charges patronales y afférentes, l'Etat, qui n'était pas tenu de payer la somme de 1 109,02 euros correspondant au traitement de Mme D...pour la période du 23 au 31 septembre 2006 postérieure à son décès et aux charges patronales y afférentes, ne peut prétendre au remboursement de ce montant ;
13. Considérant que l'Etat a droit, comme il le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme de 20 900, 50 euros allouée par la cour à compter du 21 juillet 2014, date à laquelle celle-ci a été saisie de sa demande d'indemnisation ;
14. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'ordonnance du 7 janvier 1959, de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, de l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale et du décret n° 98-255 du 31 mars 1998 qu'en contrepartie des frais qu'il engage pour obtenir le remboursement des sommes versées à l'un de ses agents ou à ses ayants droit, à la suite d'un accident de service imputable en tout ou partie à un tiers, l'Etat perçoit une indemnité forfaitaire de gestion à la charge de ce tiers ; que le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans la limite d'un montant maximum, fixé en dernier lieu par un arrêté du 10 décembre 2013, à 1 028 euros ; que le montant dont l'Etat a obtenu le remboursement étant supérieur à cette somme, il y a lieu de condamner le département du Lot au paiement d'une somme de 1 028 euros au profit de l'Etat ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsD..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département du Lot demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner, sur le même fondement, le département du Lot à payer la somme de 1 500 euros aux consorts D...;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 juin 2013 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Le département du Lot versera, d'une part, à M.D... une indemnité de 15 241,21 euros et à ses filles Nina et Noélie une indemnité de 10 000 euros chacune, d'autre part, aux consorts D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le département du Lot versera à l'Etat, d'une part, la somme de 141 271, 33 euros, d'autre part, la somme de 1 028 euros au titre des dispositions du décret du 31 mars 1998. Le montant de 20 900, 50 euros sera assorti des intérêts légaux à compter du 21 juillet 2014.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par les consorts D...devant le tribunal administratif de Toulouse, le surplus de leurs conclusions et des conclusions de l'Etat présentées devant la cour et les conclusions du département du Lot présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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No 13BX02205