Vu le recours enregistré le 18 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1000380, 1000381,1000382 du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a accordé à l'Eurl Le Millénium la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés pour la période du 1er octobre 2001 au 30 juin 2003, d'autre part, de la pénalité alors prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;
2°) de rétablir ces impositions et pénalités ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2014 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de sa comptabilité, l'Eurl Le Millenium, qui exploitait une discothèque à Saint-Gilles-Les-Bains, a été assujettie, pour la période du 1er octobre 2001 au 30 juin 2003, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des suppléments d'impôt sur les sociétés ; qu'elle s'est, en outre, vue infliger la pénalité prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article 1763 A du code général des impôts encourue par les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui s'abstiennent de faire connaître à l'administration, dans le délai imparti, l'identité des bénéficiaires des revenus réputés distribués ; que le ministre chargé du budget fait appel du jugement du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a accordé à l'Eurl la décharge de la totalité de ces impositions et pénalités ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'il est constant que le pli contenant l'avis de mise en recouvrement daté du 28 septembre 2006, expédié le lendemain à l'Eurl Le Millenium à l'adresse du 17 boulevard Hubert de Lisle à Saint-Pierre (97410), a été retourné à l'expéditeur le 19 octobre suivant revêtu des cachets "non réclamé" et "retour à l'envoyeur" ; que la société soutient que ce pli ne lui a pas été effectivement présenté ; que l'Eurl Le Millénium avait, par déclaration du 10 août 2004 auprès du centre de formalités des entreprises, dont l'administration fiscale a reçu un exemplaire le 18 août suivant, confirmé l'adresse de son siège social au 205 rue du Général de Gaulle à Saint-Gilles-les-Bains (97434) et indiqué, compte tenu de sa cessation d'activité, une adresse de correspondance au 264 route de l'Eperon à Saint-Gilles-les-Hauts (97435), qui était celle du domicile personnel de son gérant ; que le ministre se prévaut, d'une part, de ce que le pli contenant la proposition de rectification du 18 octobre 2004 adressé à cette dernière adresse a été retourné sans indication ni du motif de non-distribution ni d'une présentation à son destinataire et que l'adresse indiquée par l'expéditeur a été barrée et surchargée de la mention manuscrite de l'adresse du 17 boulevard Hubert de Lisle à Saint-Pierre, correspondant au siège d'un établissement également géré par le gérant de l'Eurl Le Millénium, d'autre part, de la réception effective par l'Eurl de deux plis expédiés à cette même adresse ; que, toutefois, il n'est pas établi que la mention manuscrite relative à l'adresse de Saint-Pierre correspondrait à une adresse de réexpédition du courrier dûment enregistrée par les services postaux ou aurait été apposée par un représentant de l'Eurl Le Millénium ; que, par suite, la notification effectuée à une adresse ne correspondant ni à celle du siège social, ni à l'adresse de correspondance déclarée en 2004, ne peut être regardée comme régulière ; que, dès lors, aucun délai de réclamation n'a pu courir à l'encontre de l'Eurl Le Millénium ; qu'ainsi, sa réclamation du 12 octobre 2009 ne peut être regardée comme ayant été présentée tardivement ; que la demande de première instance était donc recevable ;
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : "Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " et qu'aux termes de l'article L.176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (...) " ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L.188 de ce livre, pour les autres amendes fiscales que celles concernant l'assiette et le paiement des droits, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises ; qu'aux termes de l'article L.189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ;
4. Considérant que l'Eurl Le Millénium invoque la prescription du droit de reprise de l'administration ; qu'elle admet avoir reçu la proposition de rectification du 18 octobre 2004, interruptive de prescription ; qu'en application des dispositions précitées des articles L.169, L.176 et L.188 du livre des procédures fiscales, les délais de prescription expiraient, d'une part, le 31 décembre 2007 pour les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, le 31 décembre 2008 pour l'amende fiscale ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) Il est adressé par lettre recommandée avec avis de réception (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. " ; qu'aux termes de l'article R. 256-6 de ce livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service des impôts (...), de l'ampliation prévue à l'article R.256-3. Au cas où la lettre recommandée ne pourrait, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire ou à son fondé de pouvoir, il doit être demandé à la Poste de renvoyer au service des impôts (...) le pli non distribué annoté : a) D'une part, de la date de sa première présentation à l'adresse indiquée à la souscription ou, s'il y a lieu, à la nouvelle adresse connue de l'administration des postes et télécommunications ; b) D'autre part, du motif de sa non-délivrance. Dans cette éventualité, l'"ampliation" renvoyée reste déposée au service des impôts (...) où il peut en être délivré copie, à tout moment et sans frais, au redevable lui-même ou à son fondé de pouvoir (...) La notification de l'avis de mise en recouvrement peut également être effectuée par le ministère d'un huissier (...). " ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration qui, d'une part, interrompt la prescription de l'action en répétition et, d'autre part, ouvre le délai de la prescription de l'action en recouvrement pour les sommes énoncées sur ce titre, ne produit ces effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné ; qu'en l'espèce, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la notification, dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales, de l'ampliation de l'avis de mise en recouvrement dans les délais de reprise prévus par les dispositions des articles L.169, L.176 et L.188 du même livre ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a accordé à l'Eurl Le Millénium la décharge des impositions et de la pénalité en litige ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser la somme de 1 200 euros à l'Eurl Le Millénium ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre chargé du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'Eurl Le Millénium la somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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No 13BX02809