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18/03/2014 | FRANCE | N°12BX02987

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 18 mars 2014, 12BX02987


Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2012, présentée pour M. et Mme B...D...A..., demeurant..., par Me C...;

M. et Mme D...A...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903353 du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du montant de 978 euros, rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) de pronon

cer la décharge de ces impositions ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2012, présentée pour M. et Mme B...D...A..., demeurant..., par Me C...;

M. et Mme D...A...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903353 du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du montant de 978 euros, rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu'en l'absence d'éléments permettant de présumer que la somme en espèces découverte dans leur coffre bancaire et à leur domicile avaient été perçue par eux au cours de l'année 2005, les conditions de mise en oeuvre de l'article L.16 du livre des procédures fiscales n'étaient pas remplies ; que ces sommes constituaient, non des emplois, mais un élément de leur patrimoine et n'avaient pas à être prises en compte dans la balance des espèces ; qu'aucune imposition ne pouvait donc être mise à leur charge sur le fondement des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales ; que les aveux de M. D...A..., obtenus avec l'assistance d'un interprète dans le cadre de sa mise en examen, ne peuvent lui être opposés ; qu'il s'est par la suite rétracté, et n'a, en tout état de cause, jamais déclaré que les sommes avaient été acquises en 2005 mais a indiqué qu'elles provenaient des économies réalisées depuis 1994, date à laquelle il a ouvert son restaurant ;

- que les dépenses de 5 171 euros prises en compte au titre du financement des études de leurs filles ne pouvaient être incluses dans les disponibilités employées de la balance de trésorerie des espèces dès lors qu'ils ont refusé de prendre en charge les loyers des logements qu'elles louaient à Bordeaux en 2005 ; que ces dépenses sont été exposées par leur frère qui a versé à l'agence immobilière la somme totale de 5 171 euros ;

- qu'il a été admis dans le cadre de la procédure pénale que Mme D...A...a vendu, le 7 février 2005, deux biens immobiliers qu'elle détenait au Laos pour un montant total de 100 000 dollars soit 95 571,48 euros ; que ce montant doit donc être retiré des emplois de la balance d'enrichissement ;

- que l'administration fiscale, qui n'établit pas leur intention délibérée d'éluder l'impôt, ne justifie pas du bien-fondé de la majoration pour absence de bonne foi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que la demande des époux D...A..., qui n'était assortie d'aucun moyen à l'appui de la contestation des redressements opérés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, n'était recevable qu'à concurrence de la contestation des redressements opérés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

- qu'eu égard à l'écart inexpliqué de la balance des espèces et aux aveux de M. D...A...dans le cadre de la procédure judiciaire, la procédure prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales a été régulièrement mise en oeuvre ;

- que les requérants n'établissent pas que leur fils aurait pris en charge les frais liés au financement des études de ses soeurs au-delà de la somme finalement retenue par le service ;

- que les contribuables n'ayant pas déclaré le transfert des fonds provenant de la vente d'immeubles au Laos, la somme de 95 571,48 euros est présumée correspondre à un revenu imposable ;

- que M. D...A...a admis avoir délibérément minoré les recettes de son restaurant ; que les contribuables ne peuvent utilement se prévaloir des décisions prises par le juge pénal dans le cadre d'une procédure qui ne concernait pas la dissimulation des recettes ; que l'absence de bonne foi justifiant l'application des majorations prévues à ce titre est donc établie ;

Vu, enregistré le 11 septembre 2013, le mémoire présenté pour M. et Mme D...A..., qui persistent dans leurs conclusions ;

Ils font valoir, en outre, qu'à la date à laquelle a été opéré le transfert de la somme de 95 571,48 euros, cette opération est prescrite et qu'ainsi, l'article 1649 quater A du code général des impôts était inapplicable ;

Vu, enregistrés les 13 septembre et 30 octobre 2013, les mémoires présentés par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 30 octobre 2013, le mémoire présenté pour les requérants, qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 11 février 2014, le mémoire présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2014 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Fournier, avocat de M. et Mme D...A... ;

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité du restaurant exploité à Bergerac par M. D...A..., les époux D...A...ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'en outre, à l'issue de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a imposé en tant que revenus d'origine indéterminée une somme de 161 065 euros ayant révélé, par l'excédent inexpliqué des disponibilités employées sur les disponibilités dégagées au cours de l'année 2005, des revenus dépassant largement ceux qu'ils avaient déclarés pour la même année, l'administration fiscale a procédé à la réintégration dans leur revenu imposable du solde créditeur de la balance de trésorerie qu'elle avait établie ; que M. et Mme D...A...font appel du jugement du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du montant de 978 euros, rejeté le surplus de leur demande tendant, d'une part, à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis à raison de l'imposition de revenus d'origine indéterminée, d'autre part, des suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'un contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications ; qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier que les éléments invoqués en ce cas par l'administration constituaient des indices suffisants de dissimulation de revenus ; que, dans le cas où l'administration se fonde sur l'existence dans la balance des espèces qu'elle dresse, d'un déséquilibre entre les ressources connues et les disponibilités employées, il incombe au juge de s'assurer que le solde ainsi établi présente un caractère significatif et ne résulte, ni d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie, ni de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments de patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée ;

3. Considérant que des espèces ont été découvertes, pour un montant total de 279 130 euros, dans le coffre bancaire détenu par les contribuables et à leur domicile lors de la perquisition dont ils ont fait l'objet le 24 janvier 2006 dans le cadre de l'information judiciaire ouverte à l'encontre de M. D...A...du chef d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier d'un étranger en France et de perception de fonds à l'occasion de l'introduction en France d'un travailleur étranger ou de son embauche ; que le vérificateur a inclus la totalité de cette somme dans les " emplois " de la balance des espèces qu'il a établie et sur le solde de laquelle il a demandé le 29 janvier 2007, des justifications aux contribuables, sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; que si les requérants soutiennent que rien ne permettait à l'administration de présumer l'acquisition de cette somme au cours de l'année 2005, il résulte de l'instruction que, lors de son audition par les services de gendarmerie, M. D...A...a déclaré que cette somme provenait, à hauteur de 200 000 euros, d'économies provenant de l'exploitation de son restaurant au cours des années 2003 à 2005 et a admis, par ailleurs, ne pas avoir déclaré la totalité de ses recettes ; que le vérificateur pouvait donc présumer que le tiers de ce montant correspondait à des recettes occultes de l'année 2005 qui avaient été thésaurisées ; qu'il ressort des procès-verbaux des interrogatoires menés par le juge d'instruction que le fils de M. D...A...a déclaré que son père avait hébergé " une dizaine " de travailleurs clandestins " par mois pour 400 euros pour deux mois " et qu'il entendait leur vendre des produits alimentaires en réalisant un bénéfice de 6 000 euros ; qu'enfin, M. D...A...a reconnu avoir, au début de l'année 2005, rapatrié sans les déclarer des capitaux provenant de la vente de biens au Laos à hauteur de 20 000 dollars, soit 15 571,48 euros, et 80 000 euros ; qu'ainsi, à la date à laquelle a été notifiée la demande de justifications, l'administration disposait d'éléments lui permettant de présumer que les espèces thésaurisées retenues dans les " emplois " de la balance des espèces se rattachaient à l'année 2005 à hauteur d'un montant total de 192 238,14 euros ; que le jugement du tribunal correctionnel du 15 février 2007, au demeurant postérieur à cette demande de justifications, ne contient aucune mention permettant de retenir un montant différent ; que les requérants ne contestent pas devant la cour le montant, fixé à 126 584 euros, des " disponibilités " de la balance des espèces établie par le vérificateur ; que le solde de la balance des espèces rectifiée par le présent arrêt s'établit à 65 654,14 euros et revêt un caractère significatif ; que, par suite, l'administration a pu régulièrement demander aux contribuables des justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales à hauteur de ce montant ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

4. Considérant que M. et Mme D...A...démontrent, par les pièces qu'ils produisent, que Mme D...A...a vendu, le 7 février 2005, deux biens immobiliers qu'elle détenait dans le district de Thakhèk (Muang Khammouan) au Laos pour respectivement 20 000 dollars, soit, au taux de change non contesté de 0,77855, 15 571,48 euros, et 80 000 euros, représentant un total de 95 571,48 euros, d'autre part, que l'intéressée s'est effectivement rendue au Laos au début de l'année 2005 ; que dans les circonstances de l'espèce, alors même que les époux D...A...n'ont, en contravention avec les prescriptions de l'article 1649 quater A du code général des impôts, pas déclaré le transfert des fonds, il doit être regardé comme établi que la somme de 95 571,48 euros correspond au montant des capitaux rapatriés provenant de ces ventes ; que ce montant étant supérieur au solde de la balance des espèces tel que déterminé au point 3, M. et Mme D...A...apportent la preuve de l'exagération des bases d'imposition restant en litige ;

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

5. Considérant que M. et Mme D...A...n'articulent aucun moyen à l'appui de leur contestation des redressements opérés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

Sur le surplus des pénalités :

6. Considérant que, pour contester le bien-fondé des pénalités contestées, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir ni de ce que M. D...A...n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale, ni de ce que le juge pénal aurait ordonné la restitution des espèces saisies lors de la perquisition ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D...A...a admis avoir dissimulé une partie des recettes tirées de l'exploitation de son restaurant ; que, dans ces conditions, les requérants ne contestent pas sérieusement le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assorties les impositions établies à raison des redressements opérés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...A...sont seulement fondés à demander la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 dans la mesure où ils résultent de l'imposition de revenus d'origine indéterminée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D...A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé à M. et Mme D...A...la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 dans la mesure où ils résultent de l'imposition de revenus d'origine indéterminée.

Article 2 : Le jugement du 28 septembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D...A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...A...et ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 18 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Bertrand Riou, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mars 2014.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse LACAU Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Virginie MARTY

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N°12BX02987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02987
Date de la décision : 18/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : LEGROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-18;12bx02987 ?
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