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18/07/2013 | FRANCE | N°12BX02890

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 18 juillet 2013, 12BX02890


Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2012, présentée pour Mme C...A...épouse D...demeurant..., par Me B... ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200701 en date du 23 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2012 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêt

attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de prendre une nouvelle décisio...

Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2012, présentée pour Mme C...A...épouse D...demeurant..., par Me B... ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200701 en date du 23 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2012 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, dans l'attente de ce nouvel examen, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :

-le rapport de Mme Michèle Richer, président ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand rapporteur public ;

1. Considérant que MmeD..., de nationalité mauricienne, fait appel du jugement du 23 août 2012 du tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2012 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la décision portant refus de séjour :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que, pour l'application des dispositions et des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

3. Considérant que Mme D...est entrée en France le 5 juillet 2011 avec son époux et leurs deux enfants ; qu'elle fait valoir que le rejet de sa demande de titre de séjour porte atteinte à sa vie privée et familiale et se prévaut de la présence en France de sa mère, titulaire d'une carte de résident de dix ans qui est veuve, isolée, dont l'état de santé nécessite sa présence indispensable à ses cotés, de la scolarisation de ses enfants, de ses efforts d'intégration et de sa volonté d'exercer une activité professionnelle et de l'absence de tout lien dans son pays d'origine ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que si le certificat médical que la requérante a produit permet d'établir le mauvais état de santé de sa mère, il est insuffisant pour démontrer le caractère indispensable de sa présence en France aux cotés de cette dernière comme seul membre de la famille susceptible de l'aider alors que Mme D...se prévaut de la présence en France d'une nièce vivant en situation régulière à Limoges pour justifier des attaches familiales dont elle y dispose et qu'il n'est ni contesté qu'à la date de l'arrêté attaqué sa soeur résidait en France, ni démontré que cette aide ne puisse être apportée par une personne extérieure ; qu'en outre, Mme D... ne démontre ni être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans ni que ses enfants ne pourraient y poursuivre leur scolarité ni que la cellule familiale ne pourrait y être reconstituée ; que son époux a fait également l'objet d'une mesure d'éloignement du même jour ; que l'inscription à une opération de collecte alimentaire pour les restaurants du coeur ne suffit pas à attester de son intégration en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de MmeD..., l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 28 février 2012 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D...;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par l'article L. 313-11 du même code auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme D...n'étant pas, ainsi qu'il a été dit, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 312-2 de ce code doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, d'une part, qu'au soutien du moyen tiré de l'erreur de droit consistant pour le préfet à assortir systématiquement sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sans procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressée, Mme D...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

6. Considérant, d'autre part, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se situe dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, que celle-ci ait été transposée ou non ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne,, lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application du droit de l'Union, il ne saurait exister de cas de figure qui relèvent du droit de l'Union sans que les droits fondamentaux trouvent à s'appliquer ; que la décision de retour imposée à un étranger dont la demande de titre de séjour a été rejetée est donc régie par les principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d''être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

7. Considérant qu'en vertu de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout étranger qui sollicite un titre de séjour doit se présenter personnellement en préfecture et qu'aux termes de l'article R. 311-13 du même code : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français." ; qu'ainsi, Mme D...ne pouvait ignorer que si la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée, en invoquant les circonstances de fait qui la justifiaient selon elle, n'était pas accueillie, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'elle n'allègue pas avoir disposé d'éléments nouveaux et pertinents à porter à la connaissance du préfet de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle devait être entendue par le préfet avant que la mesure d'éloignement soit prise à son encontre, elle n'établit aucune méconnaissance des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne dont s'inspire la Charte des droits fondamentaux qu'elle invoque ;

8. Considérant qu'en raison des motifs qui ont été précédemment exposés, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas, en prenant la mesure d'éloignement attaquée, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D...ni commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1 : La requête de Mme D...est rejetée.

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N° 12BX02890


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02890
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-07-18;12bx02890 ?
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