Vu la requête enregistrée le 27 avril 2012 sous forme de télécopie et régularisée le 7 mai suivant, ainsi que le mémoire de production de pièces complémentaires enregistré le 7 septembre 2012, présentés pour M.B..., demeurant ...par Me A...C...;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103381 du 20 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention franco-nigérienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 juin 1994 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président ;
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...est entré en France régulièrement le 7 octobre 2003 et s'est vu délivrer des cartes de séjour " étudiant " successives couvrant la période du 3 novembre 2003 au 25 octobre 2009 ; qu'ayant signé un contrat d'accueil avec l'institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, il a obtenu la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " scientifique " valable jusqu'au 30 avril 2010 ; qu'il a épousé le 11 avril 2009 une compatriote ; que, par une demande datée du 10 février 2010, M. B...a demandé le renouvellement de sa carte de séjour ou la délivrance d'une carte " vie privée et familiale " ; que, par une demande datée du 21 février 2011, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident en invoquant l'article 10 de la convention franco-nigérienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 juin 1994 ; que, par un arrêté du 8 avril 2011, le préfet de la Haute-Garonne a refusé à M. B...la délivrance d'un titre de séjour " à quelque titre que ce soit " et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa contestation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-nigérienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 juin 1994 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacun des Etats contractants établis sur le territoire de l'autre Etat peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans dans les conditions prévues par la législation de l'Etat de résidence " ; qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. /Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. /Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. " ; qu'aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : (...) 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ; 4° La justification qu'i dispose d'un logement approprié ; (...) le maire de la commune de résidence du demandeur émet un avis sur le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement dans les conditions prévues aux articles R. 313-34-2 à R. 313-34-3" ;
3. Considérant que l'arrêté attaqué, qui analyse la situation notamment familiale de M. B...et qui précise que ce dernier ne justifie pas d'un emploi lui permettant de disposer de ressources stables et suffisantes afin d'obtenir une carte de résident, contient, contrairement à ce que soutient le requérant, les considérations de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... était sans emploi et ne percevait que des allocations de chômage dont le versement devait s'interrompre en septembre 2011 ; que si, à la même date, son épouse travaillait au service d'aide à domicile de la commune de Ramonville-Sainte-Agne, elle ne disposait que d'un contrat à durée déterminée d'une durée de trois mois, même si ce contrat a succédé à d'autres contrats à durée déterminée et a été renouvelé ensuite pour une durée de six mois ; que, par suite, les ressources du foyer ne présentaient pas le caractère stable exigé par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le défaut de saisine du maire de la commune de résidence de M. B...afin qu'il émette un avis sur le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement n'a ni privé le requérant d'une garantie, ni été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le refus du préfet de délivrer une carte de résident à l'intéressé ; que, dès lors, ce défaut de saisine n'a pas constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du refus de séjour en litige ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d 'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;
6. Considérant que, s'il est vrai que M. B...est entré en France régulièrement le 7 octobre 2003 et a séjourné sur le territoire français pour l'essentiel dans des conditions régulières, il ressort des pièces du dossier qu'il avait trente ans lorsqu'il s'est installé en France et que son séjour s'y est effectué en grande partie en qualité qu'étudiant, que son épouse était elle-même dépourvue de titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté contesté et que les enfants du couple n'étaient âgés que de quatre ans et un an et demi à la date de l'arrêté litigieux ; que si l'état de santé de l'un des enfants est invoqué, les éléments versés au dossier ne permettent pas de conclure à la nécessité pour cet enfant de rester en France en vue d'y recevoir des soins ; que le dossier ne fait pas ressortir que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans le pays d'origine de M. B...et de son épouse ; que, dans ces conditions, le refus de séjour opposé à M. B...ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus et comme méconnaissant ainsi les stipulations et dispositions précitées ;
7. Considérant qu'eu égard au fait que, comme il a été dit au point 6, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue ailleurs qu'en France et notamment dans le pays d'origine de M. B...et de son épouse, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peut être accueilli ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...)" ;
9. Considérant que tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; que les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008, précises et inconditionnelles, n'avaient pas été transposées à la date de l'arrêté contesté, alors que la date limite de transposition, fixée au 24 décembre 2010, était dépassée ;
10. Considérant que l'arrêté contesté vise, sans aucune référence aux exigences de la directive du 16 décembre 2008, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, dans sa rédaction en vigueur le 10 mai 2011, prescrivait au préfet d'assortir les obligations de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire d'un mois ; qu'en défense, le préfet ne conteste pas qu'en octroyant à M. B...un délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire, il s'est borné à appliquer le délai prévu au I de l'article L. 511-1 sans vérifier si ce délai était approprié au cas dont il était saisi ; qu'ainsi, il a entaché d'une erreur de droit sa décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, cette mesure, et par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi, doivent être annulées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ces décisions, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté litigieux ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Gironde délivre à M. B...une autorisation provisoire de séjour et procède au réexamen de sa situation ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de prendre ces mesures dans des délais respectifs de deux semaines et de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir ces injonctions d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à MeC..., avocate de M.B..., de la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me C...renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 avril 2011 est annulé en tant qu'il fait obligation à M. B...de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois.
Article 3 : Le jugement n° 1103381 du tribunal administratif de Toulouse du 20 janvier 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 12BX01079