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27/11/2012 | FRANCE | N°12BX01213

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 27 novembre 2012, 12BX01213


Vu la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 11 mai 2012 et régularisée par courrier le 24 mai 2012, présentée pour Mme Nima Yanjee X, demeurant ... par Me Amary de Beaufort, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103072 du 12 janvier 2012, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a

fixé le délai de départ volontaire et le pays de destination, d'autre part, à...

Vu la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 11 mai 2012 et régularisée par courrier le 24 mai 2012, présentée pour Mme Nima Yanjee X, demeurant ... par Me Amary de Beaufort, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103072 du 12 janvier 2012, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le délai de départ volontaire et le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté et d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes délais et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 deuxième alinéa de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dite " retour " relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme X, de nationalité népalaise née en 1980, est entrée régulièrement en France en 2007, après son mariage, munie d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial demandé par son époux, compatriote titulaire d'une carte de résident ; que son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " a été renouvelé jusqu'au 22 novembre 2010 ; qu'elle a déposé le 28 octobre 2010 une demande de renouvellement de ce même titre ; que, toutefois, au cours de l'instruction de cette demande, elle a, par un courrier du 11 janvier 2011 émanant de son conseil, faisant état de ce que " les époux ne s'entendent plus ", de son expérience professionnelle et de sa détention d'un contrat de travail à durée indéterminée, sollicité " un changement de statut " et la délivrance d' " un titre de séjour l'autorisant à travailler ", sur le fondement des articles L.313-11 7° et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités par ce courrier ; que, par arrêté du 8 juin 2011, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté " à quelque titre que ce soit " sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le délai de départ volontaire à un mois et a désigné son pays d'origine comme pays de renvoi ; que Mme X fait appel du jugement du 12 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté ainsi que les conclusions à fin d'injonction dont ce recours était assorti ;

2. Considérant que l'arrêté contesté, qui n'avait pas à relater toutes les données de la situation de Mme X, expose de manière suffisante, au regard de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les raisons pour lesquelles les mesures que comporte cet acte sont prises ; que, si la requérante se prévaut, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de la méconnaissance des stipulations de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, l'obligation de quitter le territoire qui assortit le refus de titre de séjour constitue, avec ce refus, une décision unique de retour au sens de cette même directive ; qu'elle n'a pas, dès lors, à faire l'objet d'une motivation distincte de celle que comporte ce refus ; que le délai de départ volontaire, quand il n'est pas inférieur au délai de principe de trente jours, n'a pas non plus à faire l'objet d'une motivation spécifique ; que le délai de départ volontaire imparti à Mme X étant d'un mois, le préfet n'avait donc pas à motiver spécifiquement cet aspect de sa décision ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté non plus que d'aucune autre pièce du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de Mme X en décidant les mesures contenues dans cet arrêté, y compris pour celle lui impartissant un délai de départ volontaire d'un mois ;

4. Considérant que, si Mme X fait valoir qu'à la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour faite le 28 octobre 2010 en sa qualité de conjointe d'un étranger, la vie commune subsistait avec son époux, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une enquête des services de police du 31 janvier 2011 mentionnée par l'arrêté contesté, qu'à la date de cet arrêté, cette vie commune avait été rompue, sans que le préfet ait été informé par Mme X des violences conjugales qu'elle a soutenu par la suite avoir subies ; qu'en outre, le refus de séjour opposé par le préfet faisait suite, comme il est dit plus haut, à une demande de "changement de statut " de la requérante, qui présentait désormais sa demande de titre de séjour en une autre qualité que celle de conjointe d'étranger ; que, dans ces conditions, en lui rappelant les termes de ses demandes et en opposant à sa première demande la rupture de la vie commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié notamment par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 : "La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...)"; que ces dispositions permettent la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire"; qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a examiné la demande de Mme X non seulement au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais aussi au regard de celles de l'article L. 313-10 du même code ; qu'il a pu légalement le faire, alors qu'il n' y était pas tenu par les termes de la demande de Mme X, sans entacher d'illégalité son arrêté ; que, cependant et dès lors qu'il s'est placé sur ce terrain, Mme X est recevable, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, à soulever le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; que l'article L. 341-2, devenu l'article L. 5221-2, du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'en vertu des dispositions combinées du 6° de l'article R. 5221-3 et de l'article R. 5221-11 du même code, il appartient au seul employeur ou à la seule personne qu'il habilite à cet effet de solliciter auprès de l'autorité administrative le visa du contrat de travail ou l'autorisation de travail ; qu'en vertu de l'article R. 5221-20 dudit code, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, de l'apprécier notamment au regard de la situation de l'emploi ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le préfet de la Haute-Garonne, qui n'était pas saisi d'une demande de visa de contrat de travail, a pu légalement opposer à l'intéressée la circonstance qu'elle ne détenait pas de contrat de travail visé par l'autorité administrative non plus que d'une autorisation de travailler autre que celle résultant de ses titres de séjour antérieurs ; que dès lors, le moyen tiré de ce que, en s'abstenant d'instruire et de délivrer lui-même un tel visa, le préfet aurait commis une erreur de droit doit être écarté ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus de séjour sur le fondement de l'article L.313-10 s'il n'avait retenu que le motif tenant au défaut de visa ou d'autorisation de travailler, lequel suffit à justifier ce refus ;

7. Considérant que Mme X reproche à l'arrêté contesté de lui opposer l'absence de " motifs exceptionnels et humanitaires d'admission au séjour au titre de l'article L.313-14 susvisé ", en faisant valoir que ce texte n'exige pas de conditions cumulatives ; que, toutefois, en estimant, dans cet acte, que la durée de sa présence en France depuis 2007 et l'exercice d'une activité salariée ne suffisaient pas à faire regarder l'intéressée comme répondant aux conditions d'admission exceptionnelle au séjour posées par les dispositions de l'article L.313-14, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit au regard de ces dispositions ; que, si la requérante se prévaut encore en appel de la durée de son séjour en France, de sa formation et de son activité professionnelles, de la détention de contrats de travail, des conditions de sa séparation d'avec son époux, du comportement violent de ce dernier qui l'aurait contrainte à quitter le foyer conjugal, de la présence d'un oncle en France marié avec une Française et de son intégration dans la société française, ni la durée et les modalités de son séjour en France, ni son activité professionnelle dans un restaurant, ni les conditions suivant lesquelles est intervenue la rupture de la vie commune dont il ne ressort pas du dossier qu'elle aurait été causée par des violences conjugales, ni ses attaches personnelles ne suffisent à faire regarder l'appréciation portée sur sa situation par le préfet comme entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L.313-14, que ce soit pour un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", ou pour un titre de séjour portant la mention "salarié" ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui"; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

9. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, le jugement relève que Mme X, arrivée en France à l'âge de 28 ans, n'y a résidé que quatre années, qu'elle est séparée de son conjoint, sans enfant et n'a plus d'autres attaches en France qu'un oncle, alors que ses frères et soeurs résident au Népal ; que les premiers juges estiment alors que " eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France ainsi qu'aux attaches personnelles et familiales conservées dans son pays d'origine " par la requérante, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il convient d'adopter cette motivation retenue à juste titre par le tribunal pour écarter ce moyen repris en appel sans qu'aucun élément ne soit produit de nature à contredire la qualification dont procède le rejet dudit moyen ; qu'à cet égard, la situation défavorable des femmes divorcées au Népal que fait valoir Mme X devant la cour ne suffit pas à infirmer l'analyse des premiers juges ; que, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être adoptées, l'appréciation portée par le préfet quant aux conséquences du refus de séjour ou de l'obligation de quitter le territoire sur la situation de la requérante n'est pas entachée d'une erreur manifeste ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation de Mme X qui vient d'être décrite, que le délai de départ volontaire d'un mois qui lui a été imparti procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE

Article 1 : La requête de Mme X est rejetée.

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No 12BX01213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01213
Date de la décision : 27/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AMARI DE BEAUFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-27;12bx01213 ?
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