Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 janvier 2011, présentée pour M. Hubert X, demeurant ..., par la Sarl Gangate et Associés, avocat ;
M. Hubert X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900344 en date du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté ses conclusions à fin d'annulation, a donné acte de son désistement sur les conclusions à fin de réintégration et l'a condamné à verser au centre hospitalier Gabriel Martin la somme de 1.200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus opposé par le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin à sa demande en date du 30 octobre 2008 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier Gabriel Martin de le réaffecter dans son emploi de chirurgien - praticien hospitalier temps plein, avec reprise de son traitement au 10ème échelon ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier Gabriel Martin de procéder à la régularisation de sa situation administrative au regard de la caisse de retraite dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au centre hospitalier Gabriel Martin de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 8 novembre 2005 ;
6°) de l'indemniser des différents préjudices subis ;
7°) de condamner le centre hospitalier Gabriel Martin à lui verser des intérêts au taux légal sur l'ensemble de ces indemnités à compter du 4 novembre 2008 ;
8°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 30 novembre 2009, date d'enregistrement du mémoire le sollicitant en première instance ;
9°) de condamner le centre hospitalier Gabriel Martin à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité de soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2012 :
- le rapport de M. Bec, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée au greffe de la cour le 3 février 2012, produite pour M. X ;
Considérant que M. X demande à la cour d'annuler le jugement n° 0900344 en date du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de refus opposé par le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin à sa demande de réintégration en date du 30 octobre 2008 ;
Considérant que M. X, affecté au centre hospitalier Gabriel Martin en qualité de chirurgien hospitalier titulaire à compter d'août 1997, a été placé en congé de longue maladie du 24 novembre 2003 au 24 octobre 2004, puis en congé de longue maladie du 25 octobre 2004 au 24 avril 2005, à l'issue duquel il a été réintégré dans ses fonctions à compter du 25 avril 2005; que, par avis du 9 mai 2005, le médecin du travail l'a reconnu apte à reprendre ses fonctions ; que, toutefois, par lettre du 21 juin 2005, le directeur a décidé de retirer M. X du tour de garde, et lui a prescrit de suivre un stage de reprise de confiance ; qu'en réponse, M. X a cessé son service et a refusé de se rendre au stage prévu par son administration ; que, par arrêté en date du 30 novembre 2005, le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin a décidé de suspendre le traitement de M. X pour absence de service fait, à compter du 8 novembre 2005 ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier Gabriel Martin ;
Considérant, d'une part, que la requête de M. X devant le tribunal administratif de Saint-Denis comportait des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin à la demande d'indemnisation présentée par M. X le 4 novembre 2008 ; que, d'autre part, la recevabilité de conclusions tendant à la réparation d'un préjudice n'est pas subordonnée à l'annulation d'une décision, mais à son illégalité ; que les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier Gabriel Martin doivent par suite être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant, en premier lieu, que, devant le tribunal administratif de Saint Denis, M. X avait initialement demandé la condamnation du Centre Hospitalier Gabriel Martin à le réintégrer au sein de ses effectifs, dans son emploi de chirurgien ; que ce n'est que par un mémoire enregistré le 30 novembre 2009 que M. X a déclaré se désister de ses conclusions à fin de réintégration, ce dont le tribunal administratif lui a donné acte ; que M. X n'est par suite pas fondé à soutenir qu'en le regardant comme demandant sa réintégration, le tribunal administratif de Saint Denis aurait dénaturé ses conclusions ;
Considérant, en second lieu, que pour retenir que le centre hospitalier Gabriel Martin n'avait commis aucune faute, le tribunal administratif s'est fondé sur la légalité des mesures prises par le directeur, qui auraient participé d'une appréciation non manifestement erronée de l'intérêt du service et de ses usagers ; que ces mesures, qui consistaient en l'accomplissement d'un stage, et en son placement en situation hors activités , correspondaient bien à ce que M. X qualifie de fautes conduisant au dénigrement de ses compétences professionnelles ; qu'ainsi M. X n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif ne se serait pas ainsi prononcé sur l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier Gabriel Martin :
Considérant qu'aux termes de l'article 31du décret 84-131 du 24 Février 1984, en vigueur jusqu'au 26 juillet 2005, date de sa codification dans le code de la santé publique : Les médecins, biologistes et odontologistes régis par le présent décret ont la responsabilité médicale de la continuité des soins, conjointement avec les autres membres du corps médical de l'établissement. Les pharmaciens régis par le présent décret ont la responsabilité de l'organisation de la permanence pharmaceutique, conjointement avec les autres pharmaciens de l'établissement. A ce titre, ils doivent en particulier : a) Dans les services organisés en temps continu, assurer le travail de jour et de nuit dans les conditions définies par le règlement intérieur et le tableau de service ; b) Dans les autres services et départements, assurer le travail quotidien du matin et de l'après-midi ; en outre, ils participent à la continuité des soins, ou à la permanence pharmaceutique organisée soit sur place, soit en astreinte à domicile. Toutefois, si l'intérêt du service l'exige, le préfet du département, sur proposition du médecin inspecteur de santé publique du département ou du directeur de l'établissement et après avis motivé de la commission médicale d'établissement, peut décider qu'ils cessent de participer à la continuité des soins ou à la permanence pharmaceutique la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés pour une durée maximale de trois mois. Si, à l'issue de cette période de trois mois, le praticien n'est pas autorisé à participer à nouveau à la continuité des soins ou à la permanence pharmaceutique, sa situation doit être examinée dans le cadre des dispositions prévues par l'article 36 ou par les titres XI et XII du présent décret;; que selon l'article 29 dudit décret : Les praticiens relevant du présent décret, en position d'activité, consacrent la totalité de leur activité professionnelle à l'hôpital et aux établissements, services ou organismes liés à celui-ci par convention, sous réserve des dispositions de l'article 28. Les modalités selon lesquelles les praticiens régis par le présent décret accomplissent leurs obligations de service sont précisées par le règlement intérieur de l'établissement dans lequel ils sont affectés. Afin d'assurer la continuité des soins, l'organisation du temps de présence médicale, pharmaceutique et odontologique établie en fonction des caractéristiques propres aux différents services ou départements est arrêtée annuellement par le directeur d'établissement après avis de la commission médicale d'établissement. Un tableau de service nominatif, établi sur cette base, est arrêté mensuellement par le directeur sur proposition du chef de service ou de département. ; qu'aux termes de l'article 11 de l'arrêté interministériel en date du 30 avril 2003 : Le tableau de service nominatif mensuel répartit les sujétions résultant de la participation à la permanence des soins par roulement entre les praticiens visés au chapitre III du présent arrêté et notamment celles attachées à la mise en place du repos quotidien et du repos de sécurité selon les dispositions respectives applicables aux différentes catégories de personnels. (...) Ce tableau comporte l'indication détaillée des périodes de temps de travail de jour et de nuit et d'astreinte à domicile, en précisant à chaque fois le nom et la qualité du praticien qui en est chargé, qu'il soit personnel enseignant et hospitalier, praticien hospitalier, praticien à temps partiel, assistant, praticien contractuel, praticien adjoint contractuel ou praticien attaché. (..) ;
Considérant que la décision du 21 juin 2005 par laquelle le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin a prescrit de ne plus porter le Dr X sur le tableau de service ne constitue pas une mesure d'organisation du temps de présence des médecins de l'établissement prise en application de l'article 29 du décret précité, mais une mesure d'éviction du service intervenant en application de l'article 31, que seul pouvait prendre le préfet du département, sur proposition du médecin inspecteur de santé publique du département ou du directeur de l'établissement, et après avis motivé de la commission médicale d'établissement ; que le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin n'était pas compétent pour prendre la décision de ne plus porter le Dr X sur le tableau de garde ; que la décision du directeur du centre hospitalier Gabriel Martin constitue ainsi une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
Considérant en revanche qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires ; qu'aux termes de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique : Les praticiens perçoivent après service fait : 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés. Ces émoluments sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Ils suivent l'évolution des traitements de la fonction publique, constatée par le ministre chargé de la santé ; 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret ; qu'aux termes de l'article 31-1 du décret du 24 février 1984 Les praticiens hospitaliers doivent entretenir et perfectionner leurs connaissances. Leur formation continue est organisée par la commission médicale d'établissement selon les dispositions prévues au 3° de l'article R. 6144-1. ; que, selon l'article R. 714-16 du code de la santé publique, alors applicable, La commission médicale d'établissement prévue à l'article L. 6144-1 (...) 3° Organise la formation continue et l'évaluation des pratiques professionnelles des praticiens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 et, à cet effet, prépare avec le directeur dans les hôpitaux locaux et avec le conseil exécutif dans les autres établissements publics de santé les plans de formation et actions d'évaluation correspondants ; examine, dans la formation restreinte prévue à l'article R. 714-16-24, les mesures relatives au respect de l'obligation de formation continue prises par les conseils régionaux mentionnés à l'article L. 6155-3 en vertu des 2° et 3° de l'article L. 4133-4 ainsi que les conclusions des organismes agréés chargés de l'évaluation des praticiens mentionnée à l'article L. 4133-1; que M. X ne conteste pas l'absence de service fait constatée par le centre hospitalier ; que le refus, illégal, de l'inscrire au tableau des gardes ne peut justifier de sa part l'abandon de ses autres attributions, constituées par les consultations et la participation aux visites des malades hospitalisés ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en date du 30 novembre 2005, par lequel le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin a décidé de suspendre son traitement pour absence de service fait à compter du 8 novembre 2005, serait illégal ; que la décision du directeur du centre hospitalier Gabriel Martin de ne pas inscrire M. X sur les tableaux de garde est fondée sur la nécessité pour l'intéressé, du fait de l'absence de pratique chirurgicale pendant plus d'une année, d'effectuer un stage de remise à niveau, lequel constituait dans ces conditions une mesure de formation continue, intervenue en application de l'article R. 714-16 du code de la santé publique, et à laquelle l'intéressé ne pouvait se soustraire ; qu'il est constant qu'au 30 novembre 2005, date à laquelle est intervenue la décision du directeur du centre hospitalier Gabriel Martin de suspendre le versement de ses salaires, M. X refusait toujours d'effectuer ce stage et de reprendre son service ; que la formation effectuée par la suite, à sa seule initiative, sans contrôle ni validation par le centre hospitalier Gabriel Martin, ne pouvait tenir lieu du stage qui lui était demandé ; qu'à cet égard, l'illégalité de son placement antérieur en congé de maladie est sans influence sur la nécessité d'une remise à niveau ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait subordonné sa reprise du service à une condition illégale ; que la prolongation de l'absence de service fait étant ainsi le résultat de sa propre attitude, l'absence de poursuites disciplinaires ou de reconnaissance de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé est sans influence sur la légalité de la mesure par laquelle le directeur du centre hospitalier a suspendu le traitement de M. X, laquelle pouvait ainsi intervenir en dehors de toute procédure disciplinaire ou d'insuffisance professionnelle ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette mesure de suspension constituerait une sanction déguisée, entachée de détournement de pouvoir, ou révèlerait une attitude de harcèlement ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en suspendant le traitement de M. X, le directeur du centre hospitalier Gabriel Martin n'a pas commis de faute ;
Sur le préjudice :
Considérant que les pertes de salaire subies par M. X sont la conséquence de son départ de du service, et non du retrait du tableau de garde, qui en lui-même ne faisait pas obstacle à la perception par M. X de son salaire, dès lors qu'il maintenait sa présence dans son service ; que le préjudice de carrière qu'il invoque est la conséquence directe du départ du service ; que le préjudice matériel, constitué par la vente de son patrimoine, et les troubles divers dans ses conditions d'existence, sont la conséquence de la suspension de son salaire; que la procédure pénale en cours à l'encontre du centre hospitalier Gabriel Martin ne permet pas d'établir l'existence du harcèlement moral allégué ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral causé par son éviction irrégulière du tableau de garde en fixant à 5.000 euros la somme destinée à la réparer ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que les intérêts sont dûs depuis le 4 novembre 2008, date de la première demande de M. X devant le centre hospitalier ; que leur capitalisation a été demandée le 30 novembre 2009 ; qu'à cette date une année entière était écoulée ; qu'il y a lieu de les accorder pour chacune des années écoulées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;
Considérant que le présent arrêt, qui répare seulement le préjudice moral causé à M. X résultant de l'irrégularité de l'éviction, n'implique pas nécessairement la réintégration de M. X et la régularisation subséquente de sa situation ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le réintégrer, de rétablir ses droits en matière de retraite et de reconstituer sa carrière à compter du 8 novembre 2005 doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal Administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier Gabriel Martin à payer à M. X la somme de 1.500 euros au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. X n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les conclusions présentées par le centre hospitalier Gabriel Martin et tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier Gabriel Martin est condamné à payer à M. X la somme de 5.000 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 4 novembre 2008, et de leur capitalisation à compter du 30 novembre 2009.
Article 2 : Le centre hospitalier Gabriel Martin versera à M. X la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 28 octobre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
''
''
''
''
7
No 11BX00057