Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2011, sous le n° 11BX00848, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900423-0900424 en date du 9 mars 2011 par lequel le tribunal Administratif de Poitiers a, d'une part, annulé ses décisions du 19 décembre 2008 refusant l'admission au séjour et décidant la réadmission à destination de la Pologne de M. Saïd-Akhmet B et de Mme Zarema B d'autre part, l'a condamné à verser à leur conseil la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme B ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2012 :
- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;
- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme B, ressortissants russes d'origine tchétchène, ont chacun demandé le 27 octobre 2008 à bénéficier de l'asile ; que ces demandes ont donné lieu à deux courriers du PREFET DE LA VIENNE, datés du 19 décembre 2008, que M. et Mme B ont soumis à la censure du tribunal administratif de Poitiers ; que le tribunal administratif, après avoir estimé que ces courriers opposaient à M. et à Mme B des refus d'admission au séjour et décidaient de leur réadmission vers la Pologne, a annulé ces décisions par le jugement n° 0900423-0900424 du 9 mars 2011, dont le PREFET DE LA VIENNE fait appel ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ; qu'en vertu de l'article L. 531-2 du même code : Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) ; que selon l'article L. 741-4 dudit code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; (...) ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes du d) de l'article 2 du règlement CE n° 343/2003 du 18 février 2003, on entend par demandeur ou demandeur d'asile , le ressortissant d'un pays tiers ayant présenté une demande d'asile sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003 susvisé : (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes : (...) e) l'Etat membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable (...) ;
Considérant que dans ses courriers du 19 décembre 2008, le PREFET DE LA VIENNE , après avoir relevé que la consultation du fichier Eurodac fait apparaître des demandes d'asile déposées le 14 septembre 2005 et le 10 octobre 2008 auprès des autorités polonaises par M. et Mme B, leur indique qu'il n'est pas en mesure de les admettre à séjourner sur le territoire français ; qu'il ajoute qu'il a saisi la Pologne le 4 décembre 2008, afin qu'elle assure leur reprise en charge et que les autorités polonaises ont donné leur accord pour leur réadmission ; qu'il les informe alors qu'il envisage d'organiser leur retour à destination de ce pays , qu'à cet effet, un billet d'avion à destination de la Pologne leur sera réservé et qu' un laissez-passer à destination du même pays sera établi par ses services ; qu'il précise que cette réadmission pourra être exécutée lors de leur prochaine présentation à la préfecture , puis leur donne huit jours pour présenter d'éventuelles observations en citant les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ainsi que celles du dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code précité ; que ces termes révèlent non seulement que le PREFET DE LA VIENNE refuse d'admettre M. et Mme B au séjour en France, mais aussi qu'il décide le transfert des intéressés vers la Pologne, leurs observations n'étant sollicitées qu'à fin d'exécution d'office de cette mesure ; que les premiers juges n'ont donc pas dénaturé les termes de ces courriers en les regardant comme portant refus de séjour et décisions de réadmission en Pologne ; que la circonstance que ces courriers aient été suivis de deux arrêtés pris le 5 mars 2009 par le PREFET DE LA VIENNE refusant, après avoir visé lesdits courriers et les mêmes demandes d'asile, d'admettre les demandeurs au séjour en France et les obligeant à se présenter aux autorités polonaises ne permet pas, contrairement à ce que soutient le préfet, de regarder les premières décisions prises le 19 décembre 2008 comme purement préparatoires des secondes ; que, par suite, le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a tenu pour recevables les recours dont il était saisi, dirigés contre les mesures contenues dans les courriers du 19 décembre 2008 ;
Considérant que, pour annuler les décisions en litige, les premiers juges relèvent qu'il ne ressort d'aucune pièce des dossiers que M. et Mme B, dont ils soulignent à juste titre qu'ils conservent la qualité de demandeurs d'asile, qualité que ne leur font pas perdre leurs demandes d'asile en Pologne, ont été informés par écrit dans une langue qu'ils comprennent des conditions d'application du règlement communautaire du 18 février 2003 précité, de ses délais et de ses effets ; qu'ils estiment alors qu'en l'absence d'une telle garantie, les décisions attaquées en date du 19 décembre 2008 méconnaissent les dispositions précitées de l'article 3-4 dudit règlement, sans que le PREFET DE LA VIENNE ne puisse utilement faire valoir que M. et Mme B ont eu nécessairement recours à un interprète pour former leur requête devant la juridiction administrative ou que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limitent l'obligation pour l'administration de communiquer ses décisions dans une langue étrangère ; qu'en appel, le PREFET DE LA VIENNE ne se prévaut pas d'autres éléments que ceux écartés avec raison par le tribunal, qui permettraient d'établir que les intéressés, dont les demandes d'asile en France avaient été présentées sur des formulaires traduits en russe, auraient pu comprendre les suites données à ces demandes par les courriers du 19 décembre 2008 ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter les moyens du PREFET DE LA VIENNE tirés de la régularité de ses actes au regard du règlement communautaire précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions en litige ;
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, le versement à la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles, conseil de M. et Mme B, de la somme globale de 800 euros, sous réserve que la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA VIENNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles la somme de 800 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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No 11BX00848