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09/06/2011 | FRANCE | N°06BX01135

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 06BX01135


Vu I, sous le n°06BX01135, l'arrêt avant dire droit en date du 30 décembre 2008 par lequel la Cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la nullité de deux contrats et ordonné, avant de statuer sur les conclusions à fin d'indemnité de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE, une expertise en vue de déterminer, sur la période de 1991 à 2004, l'ensemble des recettes et des dépenses de la requérante dans le cadre de l'exécution des deux conventions qu'elle a conclues avec la commune de Castres le 21 septembre 1990 en vue de l'exploitation des services publics de distribution d'

eau et d'assainissement, le mode de comptabilisation des cont...

Vu I, sous le n°06BX01135, l'arrêt avant dire droit en date du 30 décembre 2008 par lequel la Cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la nullité de deux contrats et ordonné, avant de statuer sur les conclusions à fin d'indemnité de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE, une expertise en vue de déterminer, sur la période de 1991 à 2004, l'ensemble des recettes et des dépenses de la requérante dans le cadre de l'exécution des deux conventions qu'elle a conclues avec la commune de Castres le 21 septembre 1990 en vue de l'exploitation des services publics de distribution d'eau et d'assainissement, le mode de comptabilisation des contributions spéciales versées à la commune et des annuités d'emprunt qu'elle a prises en charge et notamment de dire dans quelle mesure et selon quelles modalités ces dépenses ont été répercutées dans les tarifs des services publics concernés, ainsi que les frais financiers générés par l'ensemble de ces dépenses et les profits financiers qu'auraient pu produire le montant de ces dépenses, et enfin de rechercher et d'évaluer tous les éléments qui auraient participé à l'appauvrissement de la société durant cette période et à l'enrichissement de la commune de Castres ;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la cour le 2 juillet 2010 ;

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Vu II), sous le n° 09BX00894, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 avril 2009 par télécopie, régularisée le 20 avril 2009, présentée pour la COMMUNE DE CASTRES, représentée par son maire, par Me Courrech, avocat ;

La COMMUNE DE CASTRES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400012-0400013-0403443 du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse, d'une part, a déclaré nulles et de nul effet les conventions qu'elle a conclues avec la société Lyonnaise des Eaux le 21 septembre 1990 en vue de l'exploitation des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement, d'autre part, avant de statuer sur les conclusions de la société Lyonnaise des Eaux tendant à l'indemnisation des biens de reprise, a ordonné une expertise afin de déterminer la consistance et la valeur des biens de reprise, mobiliers et immobiliers, financés par la société et remis à la commune, en tenant compte notamment de leur vétusté ;

2°) d'annuler le jugement n° 0400012-0400013-0403443 du 6 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse, d'une part, l'a condamnée à verser à la société Lyonnaise des Eaux une somme de 479.162, 24 euros hors taxes, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2005 et de la capitalisation le 15 juillet 2008 des intérêts échus à cette date, d'autre part a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 9 mars 2006 ainsi que ceux de l'expertise ordonnée en référé le 4 juin 2004 ;

3°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par la société Lyonnaise des Eaux à l'exception de la demande fondée sur l'indemnisation des biens de reprise, en fixant la créance de cette dernière à ce titre à la somme de 240.128,93 euros ;

4°) de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 9 mars 2006, liquidés et taxés à la somme de 14.858,82 euros à la charge de la société Lyonnaise des Eaux ;

5°) de mettre une somme de 5.000 euros à la charge de la société Lyonnaise des Eaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 :

- le rapport de M. Péano, président-assesseur ;

- les observations de Me Richer, avocat de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE ;

- les observations de Me Courrech, avocat de la COMMUNE DE CASTRES ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Richer, avocat de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE et à Me Courrech, avocat de la COMMUNE DE CASTRES ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées à la cour le 13 mai 2011, présentées pour la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE, par Me Richer, avocat ;

Considérant premièrement que, sous le n°06BX01135, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, devenue SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE, relève appel du jugement n° 040012-040013-043443 en date du 9 mars 2006 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Castres à lui verser la somme de 16.198.769 euros au titre des contributions spéciales mises à sa charge par les deux contrats de délégation de service public de distribution d'eau et d'assainissement en date du 21 septembre 1990 et une somme de 29.750.000 euros au titre des annuités d'emprunt non amorties au 1er juillet 2004 et des intérêts financiers sur les contributions spéciales ; qu'avant de statuer sur la requête, la cour a ordonné, par arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008, une expertise en vue de déterminer, sur la période de 1991 à 2004, l'ensemble des recettes et des dépenses de la requérante dans le cadre de l'exécution des deux contrats du 21 septembre 1990, le mode de comptabilisation des contributions spéciales versées à la commune de Castres et des annuités d'emprunt qu'elle a prises en charge et notamment de dire dans quelle mesure et selon quelles modalités ces dépenses ont été répercutées dans les tarifs des services publics concernés ainsi que les frais financiers générés par l'ensemble de ces dépenses et les profits financiers qu'auraient pu produire leur montant, enfin de rechercher et d'évaluer tous les éléments qui auraient participé à l'appauvrissement de la société durant cette période et à l'enrichissement de la commune de Castres ; que dans le dernier état de ses conclusions, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE demande la condamnation de la commune de Castres à lui verser au titre de l'enrichissement sans cause la somme de 29.457.000 euros telle que déterminée par l'expert ;

Considérant deuxièmement que, statuant ensuite par jugement n° 0400012-0400013-0403443 du 6 février 2009, le Tribunal administratif de Toulouse, d'une part, a condamné la commune de Castres à verser à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, au titre de l'indemnisation des biens de retour et de reprise, une somme de 479 162, 24 euros hors taxes, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2005 et de la capitalisation le 15 juillet 2008 des intérêts échus à cette date, d'autre part a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 9 mars 2006 ainsi que ceux de l'expertise ordonnée en référé le 4 juin 2004 ; que, sous le n°09BX00894, la COMMUNE DE CASTRES relève appel des jugements n° 0400012-0400013-0403443 du 9 mars 2006 et du 6 février 2009 ;

Considérant que les requêtes sus-analysées présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions de la commune tendant à la contestation de la nullité des conventions :

Considérant qu'au soutien de sa requête n° 09BX00894, la COMMUNE DE CASTRES fait valoir que le jugement avant-dire droit du 9 mars 2006 a perdu son fondement juridique depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2006, qui a validé les contrats conclus par les communes ou leurs groupements avant le 10 juin 1996 pour la gestion de leur service public dans la mesure où ils seraient contestés pour un motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de leur signature, de la délibération autorisant cette signature, et sous réserve de la transmission effective de ladite délibération au représentant de l'État dans le département au titre de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ; que toutefois, par arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008 sur la requête n° 06BX01135, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a écarté les moyens tirés par la commune de Castres de la validation législative des conventions par l'article 101 de la loi du 30 décembre 2006 et a jugé que la déclaration de nullité prononcée par le jugement du 9 mars 2006 est passée en force de chose jugée et que les conventions conclues le 21 septembre 1990 n'étaient pas validées ; que ce motif constitue le support nécessaire du dispositif de cet arrêt, qui a ordonné une expertise en vue de déterminer si la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX a subi, du fait de l'exécution des deux conventions entachées de nullité, un appauvrissement ou des dommages du fait de l'illégalité fautive commise par la commune de Castres résultant de la passation de deux contrats entachés de nullité, ou versé indûment des sommes à cette commune dont elle serait fondée à demander la répétition ; que l'arrêt du 30 décembre 2008, qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de la commune de Castres, rejeté par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 6 novembre 2009, est devenu définitif sur ce point ; que ce caractère définitif fait obstacle à ce que la commune de Castres remette en cause, à l'occasion du présent appel, l'autorité de chose jugée qui s'attache tant au dispositif de cet arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; que, par suite, les conclusions de la commune de Castres tendant à l'annulation du jugement avant-dire droit du tribunal administratif en tant qu'il a constaté la nullité des conventions conclues le 21 septembre 1990 avec la société sont en tout état de cause devenues sans objet ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant en premier lieu, que le Tribunal administratif de Toulouse n'a pas entaché le jugement du 9 mars 2006 d'une contradiction de motifs en ordonnant une expertise aux fins d'évaluer les biens de reprise et de chiffrer l'indemnité due à ce titre par la commune de Castres, après avoir déclaré nulles et de nul effet ces conventions, dès lors qu'il n'a donné à l'expert aucune obligation de se référer aux clauses des conventions conclues le 21 septembre 1990, lesquelles peuvent au demeurant servir, au regard de l'accord des parties sur les principes qu'elles déterminent, d'élément de méthode pour apprécier l'enrichissement de la commune ;

Considérant en second lieu, qu'en mettant, dans le jugement du 6 février 2009, à la charge de la commune de Castres les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 9 mars 2006, le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement écarté le moyen invoqué par elle et tiré de ce que les circonstances particulières de l'affaire auraient justifié qu'ils ne soient pas mis à sa charge ou qu'ils soient partagés entre les parties ; que, dès lors, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis d'examiner ce moyen et ainsi entaché le jugement du 6 février 2009 d'un défaut de motivation de nature à entraîner son annulation ;

Sur l'expertise destinée à déterminer l'enrichissement de la commune de Castres :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Castres a été convoquée et a effectivement participé aux réunions de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008 ; que si l'expertise a été effectuée essentiellement à partir des documents comptables fournis par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, et dont certains n'ont été communiqués à la commune que tardivement, les opérations menées par l'expert n'ont pas de ce seul fait méconnu le caractère contradictoire ; que les insuffisances du rapport de l'expert, à qui il incombait notamment de déterminer, sur la période de 1991 à 2004, l'ensemble des recettes et des dépenses de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX dans le cadre de l'exécution des deux conventions d'exploitation des services de distribution d'eau et d'assainissement signées le 21 septembre 1990 avec la commune, et qui a décidé de lui-même, compte tenu de l'ampleur de la tâche, de limiter ses investigations seulement à certaines des années en litige et de réutiliser, après en avoir contrôlé la cohérence avec ses propres observations, les travaux des autres experts déjà préalablement désignés, ne font pas obstacle à ce que la cour prenne ce rapport en considération à titre d'élément d'information en tenant compte des observations présentées par les parties sur ses conclusions ; que la commune de Castres, qui ne propose pas d'autres méthodes pour déterminer l'ensemble des recettes et dépenses de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX sur la période de 1991 à 2004, n'est pas fondée à demander que le rapport d'expertise soit écarté des débats ;

Sur l'enrichissement sans cause :

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, il peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service font retour à l'administration, des dépenses d'investissement qu'il a consenties, ainsi que du déficit qu'il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, pour autant toutefois qu'il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant, en premier lieu, que le contrat conclu par la commune de Castres le 21 septembre 1990 en vue de l'exploitation du service de distribution d'eau prévoyait notamment qu'en contrepartie des droits et prérogatives que le contrat lui conférait, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX s'engageait à lui verser une somme de 131.423.724 francs, soit 20.035.417 euros correspondant d'une part, à une contribution spéciale au titre du droit d'utilisation, d'autre part, aux annuités restant à régler à la date de prise d'effet du contrat, capital et intérêts, des emprunts contractés par la ville au titre de ce service pour 81.423.724 francs, soit 12.412.967 euros, ainsi qu'une redevance annuelle d'un million de francs, soit 152.449 euros ; que le contrat conclu le même jour en vue de l'exploitation du service d'assainissement prévoyait également qu'en contrepartie des droits et prérogatives que le contrat lui conférait, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX s'engageait à verser à la commune une somme de 121.797.798 francs soit 18.567.954 euros correspondant d'une part, à une contribution spéciale au titre du droit d'utilisation, d'autre part, aux annuités restant à régler à la date de prise d'effet du contrat, capital et intérêts, des emprunts contractés par la ville au titre de ce service pour 75.797.798 francs, soit 11.555.300 euros, ainsi qu'une redevance annuelle de 600.000 francs, soit 91.469 euros ; que la nullité des contrats prive de base légale ces versements qui n'ont plus de contrepartie ; que toutefois il est constant que si les droits d'entrée ont fait l'objet d'un paiement intégral en trois versements en 1991, 1992 et 1993, les annuités d'emprunt ont cessé d'être remboursées en 2003 ; que, par suite, seul le montant effectivement versé doit être pris en compte pour la détermination des dépenses exposées par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX au profit de la commune de Castres ; que la circonstance que la commune ait affecté le montant des contributions obtenues à son budget général n'est pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de nature à faire obstacle à ce que la trésorerie ainsi apportée soit regardée comme utile à la commune, qui l'a utilisée pour financer d'autres investissements ; que la faute alléguée par la commune, qui aurait été commise par la société en acceptant en 1990 de verser de telles sommes alors que l'article 76 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 a interdit tout versement de droits d'entrée par le délégataire d'un service public d'alimentation en eau, n'est en tout état de cause pas de nature, pour les raisons sus-indiquées, à limiter son droit au remboursement des dépenses utilement exposées au profit de la collectivité publique ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la commune de Castres critique le montant des charges directes d'exploitation retenu dans l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008, elle n'apporte pas d'éléments permettant d'établir le caractère excessif de l'évaluation faite par l'expert, qui est en cohérence sur ce point avec les conclusions d'expertises précédentes ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX justifie le montant des frais de siège affectés à l'exécution des contrats conclus le 21 septembre 1990, pris en compte par l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008, notamment par une attestation des commissaires aux comptes, produite en annexe de son dire du 28 septembre 2009, décrivant les missions exercées par les directions du siège au profit des différents contrats ; que, pour contester la quote-part des frais généraux affectés, en fonction de clés de répartition analysées par l'expert, à l'exécution des contrats conclus le 21 septembre 1990, la commune ne peut sérieusement reprocher à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX d'avoir procédé à la mutualisation de ses services dès lors que cette méthode, commune à de nombreuses entreprises et en particulier aux distributeurs d'eau, qui a été validée dans le cadre du décret du 14 mars 2005 sur les comptes-rendus financiers des délégataires, produit des économies d'échelle et une réduction des coûts ; qu'au demeurant l'expert a procédé à une réduction du montant des frais généraux locaux et des frais de siège qu'il a retenu par rapport aux montants indiqués dans les comptes-rendus financiers de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX en ramenant le taux global de ces frais à 10,5 % par rapport au chiffre d'affaires ; que la commune de Castres, qui n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère excessif du montant retenu par l'expert, n'est pas fondée à soutenir qu'il doit être retiré des charges à prendre en compte pour la détermination de l'indemnité due à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE au titre de l'enrichissement sans cause ;

Sur la valeur des biens de reprise :

Considérant que, pour déterminer le montant de l'indemnité due par la commune de Castres à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX au titre des biens de reprise, le tribunal administratif a retenu, dans son jugement du 6 février 2009, notamment la valeur des compteurs d'eau installés sur le réseau remis à la commune, fixée par l'expert à 423.553, 09 euros HT ; que contrairement à ce qu'a relevé le tribunal administratif, il ressort du rapport de l'expert que cette estimation inclut, en sus du prix moyen d'achat des compteurs, les frais de pose, au demeurant recalculés par lui, les frais de magasin et une quote-part des frais généraux ; que l'expert indique que le prix d'achat des compteurs ne représente que 48,80 % de la valorisation globale des compteurs par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX à 445.171,36 euros, soit 217.243,62 euros ; que les frais de pose et de magasin correspondent pour l'essentiel, selon l'expert, à des frais de personnel ; que de tels frais sont pris en compte au titre des dépenses globales imputées ci-avant aux contrats conclus par la commune de Castres, et ne sauraient donc être indemnisés deux fois, de même que les frais généraux ; que, par suite, la commune de Castres est fondée à demander que la somme due au titre de la reprise des compteurs d'eau soit ramenée de 423.553, 09 euros à 217.243,62 euros HT ; que le calcul des autres éléments inclus dans l'indemnité allouée au titre de la valeur des biens de reprise par le jugement du 6 février 2009 n'est pas contesté ; que par suite l'indemnité due au titre de l'ensemble des biens de reprise doit être ramenée de 479.162, 24 à 273.052,77 euros HT ;

Sur la prise en compte des investissements pour la détermination de l'enrichissement sans cause :

Considérant que les biens de reprise faisant ainsi l'objet d'une indemnisation séparée dans le cadre de l'instance n° 09BX00894, il y a lieu de retirer du montant global de l'enrichissement de la commune estimé par l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire-droit dans le cadre de l'instance n° 06BX01135 la somme brute de 532.000 euros indiquée en page 149 du rapport de l'expert au titre des dépenses de compteurs ; que si le même rapport a retenu des dépenses d'investissements du domaine privé correspondant pour l'essentiel aux frais d'aménagement d'un local pris à bail à Castres par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, au mobilier y afférent et à divers petits matériels, il ne résulte pas des pièces du dossier que ces investissements auraient bénéficié à la ville et n'auraient pas été complètement amortis ; que dans ces conditions, il y a lieu d'écarter l'utilité de la somme de 219.000 euros estimée à ce titre, et affectée par l'expert au contrat de distribution d'eau ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des dépenses utiles exposées pour la commune de Castres, comprenant tant les dépenses de fonctionnement que les dépenses d'investissements incorporels, en ce compris les montants versés au titre des droits d'entrée et des annuités d'emprunts, doit être fixé à la somme de 32.850.000 euros du fait de l'exécution du contrat d'assainissement et à celle de 39.375.000 euros du fait de l'exécution du contrat de distribution d'eau ;

Considérant que les produits que la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX a tirés de l'exploitation des services de distribution d'eau et d'assainissement de la commune de Castres doivent venir en déduction des dépenses exposées ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que les produits dont a bénéficié la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX s'élèvent à la somme de 25.402.000 euros du fait de l'exécution du contrat d'assainissement et à celle de 34.820.000 euros du fait de l'exécution du contrat de distribution d'eau ; que, par suite, la différence entre le montant des dépenses utiles supportées par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX et celui des recettes venant en déduction s'établit à la somme de 4.555.000 euros du fait de l'exécution du contrat de distribution d'eau et à celle de 7.448.000 euros du fait de l'exécution du contrat d'assainissement, soit un total de 12.003.000 euros ; que cette dernière somme doit être mise à la charge de la commune de Castres au titre des dépenses utiles exposées par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX ;

Considérant qu'à cette somme, doit être ajouté le montant des frais financiers correspondant à l'immobilisation des capitaux engagés par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, pour l'exécution des contrats conclus le 21 septembre 1990 dès lors qu'ils ont été effectivement nécessaires, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ; que pour déterminer le montant des frais financiers sur la différence entre le montant des dépenses utiles et celui des recettes qu'elle a encaissées du fait de l'exécution des contrats conclus le 21 septembre 1990, l'expert a comparé deux méthodes, celle déterminant le coût de l'emprunt de ces ressources, en retenant le taux moyen des obligations, et celle, qu'il a retenue, déterminant les produits qu'aurait généré le placement de cette somme, qui a été admise par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX ; qu'il y a lieu de rectifier proportionnellement ce dernier calcul, compte tenu des corrections apportées ci-avant à la base, pour l'arrêter à 15.723.930 euros ; que la commune, qui ne propose aucune autre méthode, n'apporte pas d'éléments permettant d'établir le caractère excessif de cette évaluation ; que le montant des frais financiers supportés par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX doit alors être arrêté à 15.723.930 euros ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter à ce montant les intérêts que cette somme aurait pu produire et les intérêts qu'auraient eux-mêmes produits ces intérêts, lesquels ne constituent pas une dépense utile effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ;

Sur la responsabilité quasi-délictuelle :

Considérant que si, dès lors que la nullité des contrats conclus le 21 septembre 1990 résulte d'une faute de la commune de Castres, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX peut prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, et peut demander, à ce titre, l'indemnisation des gains dont elle a été effectivement privée par leur nullité, elle n'apporte devant la cour aucun élément de nature à établir qu'elle aurait subi un tel préjudice, au demeurant demandé à titre subsidiaire et non chiffré ; qu'ainsi et sans avoir à examiner si l'indemnité à laquelle elle a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution des contrats lui aurait procurée, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX, qui a au demeurant demandé l'indemnisation du manque à gagner qu'elle aurait subi du fait de la faute de la commune dans une requête présentée le 15 mai 2007 devant le Tribunal administratif de Toulouse, et sur laquelle il n'a pas encore été statué, n'est pas fondée à demander la réparation de ce préjudice dans la présente instance ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE est seulement fondée à demander la condamnation de la commune de Castres à lui verser une indemnité de 27.726.930 euros en réparation de l'enrichissement sans cause de la commune de Castres du fait de la nullité des contrats conclus le 21 septembre 1990 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 27.726.930 euros, à compter de la date d'enregistrement de sa première demande d'indemnité au titre de la nullité des conventions, soit la date d'enregistrement de sa requête au greffe du Tribunal administratif de Toulouse le 1er octobre 2004 ; que le bénéfice de la capitalisation des intérêts a été demandé par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX dans cette demande enregistrée le 1er octobre 2004 ; qu'à cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 1er octobre 2005, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant que, s'agissant des biens de reprise, la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle sa demande d'indemnisation préalable a été reçue en mairie le 5 avril 2005 ; que pour contester cette date, la commune de Castres ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle était alors dans l'impossibilité de verser l'indemnité due au titre des biens de reprise en raison de l'incertitude sur leur montant et du comportement de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX ; que dès lors, il y a lieu de décompter les intérêts sur la somme sus-déterminée à partir du 5 avril 2005 et jusqu'au 6 mars 2009, date du paiement par la commune de Castres en exécution du jugement du 6 février 2009, les intérêts échus le 15 juillet 2008 étant capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ;

Considérant en premier lieu que, par le jugement du 6 février 2009, le Tribunal administratif de Toulouse a mis à la charge de la commune de Castres, qui était la partie perdante, les frais de l'expertise qu'il avait ordonnée afin de déterminer la consistance et la valeur des biens de reprise, mobiliers et immobiliers, financés par la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX et remis à la commune, en tenant compte de leur vétusté ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'expertise ordonnée par le jugement du 6 février 2009 aurait été rendue nécessaire du seul fait de la carence de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX à fournir des justificatifs ou à répondre aux demandes de renseignements de la commune ou du tribunal administratif ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction et notamment du rapport remis par l'expert que la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX aurait rendu les opérations d'expertise plus difficiles ; que, par suite, la commune de Castres ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant de faire supporter les frais de l'expertise ordonnée en première instance à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX ;

Considérant en second lieu que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de partager par moitié entre les parties les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008, liquidés et taxés à la somme de 35.276 euros par ordonnance du 14 octobre 2010 du président de la cour ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Castres a été condamnée à verser à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX au titre des biens de reprise par le jugement n° 040012-040013-043443 du 6 février 2009 est ramenée de 479.162, 24 euros HT à 273.052,77 euros HT. Cette somme portera intérêts à partir du 5 avril 2005 et jusqu'au 6 mars 2009. Les intérêts échus le 15 juillet 2008 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La commune de Castres versera à la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE une somme de 27.726.930 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2004, les intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 1er octobre 2005 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 30 décembre 2008, liquidés et taxés à la somme de 35.276 euros par ordonnance du 14 octobre 2010 du président de la cour sont mis à la charge, pour moitié de la commune de Castres et pour moitié de la SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE.

Article 4 : Les jugements n° 040012-040013-043443 du Tribunal administratif de Toulouse en date du 9 mars 2006 et 6 février 2009 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Nos 06BX01135 - 09BX00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06BX01135
Date de la décision : 09/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP TONNET-LESPRIT-BAUDOIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-06-09;06bx01135 ?
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