Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2009, présentée pour la SOCIETE CARI, dont le siège est Immeuble La Colombe zone du Perget BP 50145 à Colomiers (31770), par Me Baudelot ;
La SOCIETE CARI demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Pau n° 0600562 du 29 septembre 2009, en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat au titre de l'exécution d'un marché qu'elle a passé avec lui à la somme de 710 090,05 euros TTC ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 892 265,76 euros TTC à titre de restitution des pénalités de retard, la somme de 241 909,30 euros TTC au titre des frais supplémentaires de chantier, la somme de 66 165 euros TTC au titre de la révision de prix, outre les intérêts moratoires sur ces sommes à compter du 10 mars 2004, capitalisés à compter du 27 mars 2006, ainsi que les intérêts au taux légal sur toutes les sommes allouées à compter du 27 mars 2006 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code des marchés publics ;
Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;
Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2011 :
le rapport de M. Katz, premier conseiller ;
les observations de Me Baudelot, pour la SOCIETE CARI ;
les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que l'Etat a passé le 3 avril 2002 un marché avec la société Carillon BTP Nicoletti, aux droits de laquelle vient la SOCIETE CARI, en vue de la construction d'une tranchée couverte dans le cadre de l'aménagement de la route nationale n° 21 en deux fois deux voies entre Lourdes et Argelès-Gazost ; que ces travaux, réalisés sous maîtrise d'oeuvre de l'Etat, initialement prévus pour une durée de 12 mois et devant s'achever le 10 juillet 2003, ont été achevés le 24 décembre 2003, date de leur réception par le maître d'ouvrage ; que, par jugement du 29 septembre 2009, le Tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à la SOCIETE CARI la somme de 710 090,05 euros TTC, outre des intérêts moratoires et les intérêts au taux légal sur ces intérêts moratoires, en réparation des préjudices résultant de l'allongement des travaux ; que la SOCIETE CARI relève appel de ce jugement, en ce qu'il a limité à la somme précitée l'indemnité due par l'Etat et demande à la cour de condamner l'Etat à lui payer la somme de 892 265,76 euros TTC au titre de la restitution des pénalités de retard, la somme de 241 909,30 euros TTC au titre des frais de chantier et la somme de 66 165 euros TTC au titre de la révision de prix, outre les intérêts moratoires sur ces sommes à compter du 10 mars 2004, capitalisés à compter du 27 mars 2006, ainsi que les intérêts au taux légal sur toutes les sommes allouées à compter du 27 mars 2006 ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant que le décompte général du marché a retenu 167 jours de retard à l'encontre de la SOCIÉTÉ CARI pour la période allant du 10 juillet au 24 décembre 2003 et mis à la charge de cette société les pénalités correspondantes pour un montant de 892 265,76 euros TTC ; que le jugement attaqué a considéré que ce retard de 167 jours mis dans l'achèvement des travaux a résulté, premièrement, du changement de la configuration du sol en raison de manquements du maître d'oeuvre, laquelle configuration s'est révélée différente de celle décrite dans le cahier des clauses techniques particulières et le dossier géotechnique sur lequel la SOCIETE CARI avait présenté son offre, deuxièmement, à la modification des hypothèses de calcul de l'ouvrage par le maître d'oeuvre, troisièmement à des travaux de stabilisation de la paroi rocheuse à la suite d'un détachement d'une partie d'un talus, dont la durée excessive et la désorganisation du chantier qui en a résulté était imputable à l'Etat et, quatrièmement, à la procédure d'agrément du béton utilisé par la SOCIETE CARI, béton dit de type B30 sans entraineur d'air , qui n'était pas celui initialement prévu dans le contrat ; que les premiers juges ont estimé que sur ces 167 jours, 10 jours de retard seulement étaient imputables à l'Etat, en considérant que la majeure partie du retard était due à la procédure d'agrément du béton utilisée par la SOCIETE CARI ; que le tribunal administratif a, en conséquence, condamné l'Etat à restituer à la SOCIETE CARI la somme de 53 429,09 euros TTC, correspondant à 10 fois la pénalité journalière de retard fixée par l'article 4-3-1 du cahier des clauses administratives particulières à 1/1000 du montant du marché, lequel s'élevait à 4 467 315 euros HT, soit 5 342 908,74 euros TTC ;
Considérant que la SOCIETE CARI soutient que le jugement attaqué, qui a admis que sur quatre causes de retard, trois sont entièrement imputables à l'Etat, ne pouvait, comme il l'a fait, la tenir majoritairement responsable du retard pris dans l'achèvement des travaux ;
Considérant que le cahier des clauses techniques particulières prévoyait l'utilisation d'un béton type B 30 avec entraîneur d'air, laquelle était subordonnée à l'obtention d'un agrément ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIÉTÉ CARI a déposé une demande de dérogation aux stipulations de ce cahier en vue de l'utilisation d'un béton sans entraîneur d'air ; que l'épreuve de convenance de ce béton sans entraîneur d'air a été validée le 4 septembre 2002 par le laboratoire régional des ponts et chaussées de Toulouse ; que, par ordre de service du 15 octobre 2002, le maître d'oeuvre a néanmoins demandé à la SOCIÉTÉ CARI que lui soit soumise une proposition de substitution en ce qui concerne la résistance du béton aux sels de déverglaçage et que l'acceptation de cette proposition permettrait d'agréer ce type de béton ; que par ordre de service du 25 octobre 2002, le maître d'oeuvre a indiqué à la SOCIETE CARI accepter le principe d'une protection contre le sel par l'ajout d'un produit extérieur, en précisant cependant que le produit utilisé devrait faire l'objet de références probantes et satisfaire à des essais ; qu'ainsi, l'agrément concernant l'utilisation d'un béton de type B30 sans entraineur d'air pour la construction des parties de l'ouvrage non exposées à l'action des sels de déverglaçage devait être regardée comme accordé à la SOCIETE CARI au plus tard le 25 octobre 2002 ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient la SOCIETE CARI, ni l'ordre de service du 15 octobre 2002, ni celui du 25 octobre suivant, n'ont constitué un agrément du béton de type B 30 sans entraîneur d'air pour les parties de l'ouvrage exposées aux sels de déverglaçage, dès lors que le maître d'oeuvre avait subordonné son acceptation à la satisfaction des tests auxquels devait être soumis le produit d'adjonction ; que ce n'est que par ordre de service du 17 janvier 2003 que le maître d'oeuvre a donné son accord pour l'utilisation du produit destiné à la protection extérieure du béton de type B 30 sans entraîneur d'air pour ces parties d'ouvrage ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les travaux d'édification de l'ouvrage permettant l'utilisation du béton de type B30 sans entraineur d'air et sans adjonction de produit destiné à la protection contre le sel de déverglaçage, qui ont concerné les files B et C de l'ouvrage, n'ont pu débuter que le 2 décembre 2002 en raison du retard lié à la configuration réelle du sol d'assise de l'ouvrage et en raison du retard lié à la modification des hypothèses de calcul de l'ouvrage ; qu'ainsi, compte tenu de ce que, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, ces retards étaient imputables à l'Etat, la procédure d'agrément du béton de type B 30 sans entraineur d'air n'a entrainé, pour les parties précitées de l'ouvrage, aucun retard dans l'achèvement du chantier, dès lors que pour ces parties d'ouvrages l'agrément été acquis au 25 octobre 2002 ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les travaux nécessitant l'emploi d'un produit de protection contre le sel, qui ont concerné la file A, n'ont débuté qu'en mars 2003, en raison du retard imputable à l'Etat lié à la stabilisation de la paroi rocheuse ; qu'ainsi, la circonstance que la SOCIETE CARI ait demandé, par dérogation aux clauses contractuelles, de pouvoir utiliser un béton du type B30 sans entraineur d'air avec adjonction d'un produit de protection contre le sel, et que l'agrément de ce matériaux n'a été délivré que le 17 janvier 2003 n'a, en l'espèce, entrainé aucun retard dans les travaux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le retard pris dans l'achèvement des travaux est entièrement imputable à l'Etat ; que, dès lors, la SOCIETE CARI est fondée à demander la décharge des pénalités de retard pour un montant de 892 265,76 euros TTC ;
Sur le coût supplémentaire des frais de chantier :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise réalisée par M. Marsault, que les frais de chantier, qui sont proportionnels à la durée du chantier, représentent 16 % du prix du marché ; que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ne conteste d'ailleurs pas cette part représentative des frais de chantiers ; que, compte tenu de l'allongement de la durée des travaux imputable à l'Etat, il sera fait une juste appréciation des frais de chantiers résultant de cet allongement en allouant à la SOCIETE CARI la somme de 202 265,30 euros HT, soit 241 909,30 euros TTC, qu'elle réclame ;
Sur la révision des prix :
Considérant qu'aux termes de l'article 10.44 du cahier des clauses administratives générales : L'actualisation ou la révision des prix se fait en appliquant des coefficients établis à partir d'index de référence fixés par le marché. / Si les travaux ne sont pas achevés à l'expiration du délai d'exécution fixé par le marché ou prolongé dans les conditions prévues à l'article 19, l'actualisation des prix reste acquise et la révision des prix se poursuit ; qu'aux termes de l'article 33-4 du cahier des clauses administratives particulières : (...) En complément à l'article 10.44 du cahier des clauses administratives générales, la valeur finale des références utilisées pour l'application de cette clause est appréciée au plus tard à la date de réalisation contractuelle des prestations ou à la date de réalisation réelle si celle-ci est antérieure. (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que si le prolongement de l'exécution des travaux au-delà du délai contractuel ne peut donner lieu, quelle qu'en soit la cause, à l'application d'une autre formule de révision que celle prévue par les pièces du marché, l'actualisation des prix reste acquise et la révision des prix se poursuit après l'expiration du délai d'exécution fixé par le marché dans le cas où les travaux n'ont été pas achevés dans ce délai ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Etat a cessé de faire application de la clause de révision de prix à compter du 10 juillet 2003, date initialement prévue pour l'achèvement des travaux ; qu'en application des stipulations précitées, la SOCIETE CARI avait droit à ce que le prix des travaux réalisés entre le 10 juillet 2003 et le 24 décembre 2003 soit révisé à l'indice contractuel TP02 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le montant de la révision du prix de ces travaux s'est élevé à la somme de 55 321,91 euros HT, soit 66 165 euros TTC ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à verser cette somme à la SOCIETE CARI ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE CARI la somme globale de 1 200 340,06 euros TTC et, dans cette mesure, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires et la capitalisation de ces intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article 96 du code des marchés publics alors en vigueur : Les sommes dues en exécution d'un marché public sont payées dans un délai prévu par le marché (...). Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. (...) ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 21 février 2002 susvisé : Le présent décret est applicable aux marchés dont la procédure de consultation est engagée ou l'avis d'appel publié à la concurrence est envoyé à la publication postérieurement au 1er mars 2002. (...) ; qu'aux termes de l'article 3-2-7 du cahier des clauses administratives particulières : Les délais de mandatement maximum des acomptes et du solde sont fixés respectivement à 35 jours et 60 jours. ; qu'aux termes de l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales : Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ; (...) ;
Considérant, d'une part, que la SOCIÉTÉ CARI demande le versement des intérêts moratoires sur les sommes qui lui étaient dues au titre des pénalités de retard, des frais de chantiers et de la révision de prix, d'un montant global de 1 200 340,06 euros ; que la SOCIÉTÉ CARI a droit au versement des intérêts moratoires sur cette somme à compter du 11 mars 2004, en application de l'article 3-2-7 du cahier des clauses administratives particulières ;
Considérant, d'autre part, que la capitalisation de ces intérêts a été demandée à compter du 27 mars 2006, date de l'enregistrement de la demande au Tribunal administratif de Pau ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les intérêts au taux légal :
Considérant que la SOCIÉTÉ CARI sollicite le versement des intérêts au taux légal sur la somme de 1 200 340,06 euros, ainsi que sur les intérêts moratoires qui lui sont dus ; qu'elle a droit aux intérêts au taux légal sur le principal et les intérêts moratoires, à compter de la date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif, soit le 27 mars 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE CARI et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE CARI la somme de 1 200 340,06 euros TTC, ainsi que les intérêts moratoires sur cette somme à compter du 10 mars 2004, lesquels seront capitalisés à compter du 27 mars 2006.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE CARI les intérêts au taux légal, courant à compter du 27 mars 2006, sur la somme de 1 200 340,06 euros TTC et sur les intérêts moratoires afférents à ladite somme.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 29 septembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE CARI la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 09BX02774