Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 2010, présentée pour M. et Mme Jean-Claude A, demeurant ..., par la SCP Eyquem-Barriere et Donitian ;
M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Aubin de Médoc à réparer le préjudice résultant du refus irrégulier d'un permis de construire ;
2°) de condamner la commune de Saint Aubin de Médoc à leur verser la somme de 103.371,12 euros avec intérêts aux taux légal depuis le 18 mai 2009, date du dépôt du mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, et capitalisation des intérêts par année échue ;
3°) de condamner la commune de Saint Aubin de Médoc à leur verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2011 :
- le rapport de M. Bec, président-assesseur ;
- les observations de Me Caillol, avocat de M. A ;
- les observations de Me Vincens-Hourez, avocate de la commune de Saint Aubin de Médoc ;
- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que M. et Mme A demandent à la cour d'annuler le jugement du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Aubin de Médoc à réparer le préjudice résultant du refus irrégulier d'un permis de construire ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du contrat passé par M. et Mme A avec la SARL Cazedevant pour la vente de leur parcelle, l'ensemble des conditions suspensives, parmi lesquelles figuraient les autorisations nécessaires à la construction, devaient, à peine de nullité de l'acte, être réalisées avant le 30 août 2007 ; qu'à la date du 31 août 2007, à laquelle est intervenu l'arrêté du maire de Saint Aubin du Médoc portant refus de permis de construire à la SARL Cazedevant, le compromis de vente du 19 juin 2007 était devenu caduc ; qu'à cet égard, la circonstance, à la supposer établie, qu'aucune des parties n'entendait faire jouer cette clause résolutoire est sans influence sur la caducité de l'acte ; qu'ainsi, l'abandon du projet de vente ne saurait résulter de l'intervention d'un refus de permis postérieur à la caducité du contrat de vente ; que les consorts A n'établissent pas qu'antérieurement à la date de caducité du 30 août 2007, la SARL Cazedevant aurait été titulaire d'un permis tacite, lequel, en tout état de cause, n'aurait pas permis de pallier les effets d'une caducité résultant du dépassement du délai fixé par les parties à l'acte ;
Considérant, en revanche, que le refus de permis opposé par le maire, et fondé non seulement sur l'aspect de la construction, mais aussi sur l'impossibilité d'implanter le projet sur la parcelle retenue, faisait obstacle à son utilisation à fin de construction ; que les époux A n'ont pu trouver preneur, le 30 mars 2008, que pour un prix largement inférieur au prix initialement convenu ; qu'ainsi le refus de permis est bien à l'origine de la perte de valeur de ces parcelles ; que l'illégalité de ce refus, qui a été annulé pour erreur de droit par un jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 11mars 2010, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint Aubin de Médoc ; que, dans cette mesure, les époux A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres conclusions des époux A ;
Sur la responsabilité :
Considérant que si le refus de permis est bien à l'origine de la perte de valeur de leur parcelle, les époux A ont fait preuve de précipitation en la vendant avant que le tribunal administratif ne statue sur la légalité de ce refus, pour l'annuler ; que la circonstance que leur situation financière les y a contraint n'est pas opposable à la commune de Saint Aubin de Médoc ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'incidence de cette précipitation sur la responsabilité de la commune en fixant à 20 % la part du préjudice devant demeurer à la charge des époux A ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la parcelle des époux A, pour laquelle ils avaient trouvé acquéreur pour 110.000 euros, a été finalement vendue 60.000 euros ; qu'il sera faite une exacte évaluation du préjudice subi à ce titre par les époux A en fixant à 40.000 euros la somme destinée à le réparer ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature que leur a causé l'insuffisance de financement de leur projet, résultant de la perte de valeur vénale de leur parcelle, en fixant à 5.000 euros la somme destinée à la réparer ;
Considérant, en revanche, que les retards divers et les frais de toute nature qui ont pu résulter du retard apporté à la vente de la parcelle trouvent leur origine dans la caducité de l'acte de vente initial, antérieure au refus de permis, dont elle ne peut donc résulter ; que, par suite, les conclusions des consorts A tendant à la réparation des préjudices ayant trait au retard apporté à la vente de la parcelle voisine, pour 1.376 euros, aux mensualités supplémentaires de prêt, pour 994 euros, à la hausse du coût de la construction, pour 30.000 euros, ainsi qu'aux frais de géomètre liés à la vente devenue caduque, pour 4.000 euros, doivent être écartés ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que les époux A ont droit comme ils le demandent aux intérêts au taux légal sur la somme de 45.000 euros à compter du 18 mai 2009, date d'enregistrement de leur requête devant le Tribunal administratif de Bordeaux ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 mai 2010 ; qu'à cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande à compter du 18 mai 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ; que, par suite, les intérêts susmentionnés seront capitalisés à cette date ainsi qu'à l'échéance annuelle suivante ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint Aubin de Médoc à verser à M. et Mme A la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que M. et Mme A n'étant pas, dans la présente instance, la partie qui succombe, les conclusions tendant à ce qu'ils soient condamnés à verser à la commune de Saint Aubin de Médoc une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La commune de Saint Aubin de Médoc est condamnée à payer M. et Mme A la somme de 45.000 euros, assorti des intérêts de droit à compter du 18 mai 2009, et de leur anatocisme à compter du 18 mai 2010.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saint Aubin de Médoc versera à M. et Mme A la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A et les conclusions de la commune de Saint Aubin de Médoc tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 10BX01153