Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juillet 2010, présentée pour le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, par la SCP d'avocats Vial, Pech de Laclause, Escale, Knoepffler ;
Le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002607 du 14 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal Administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 10 juin 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ainsi que les décisions du même jour fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 entré en vigueur le 21 décembre 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2011 :
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Considérant que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES relève appel du jugement du 14 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal Administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 10 juin 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ainsi que les décisions du même jour fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur les fins de non recevoir opposées par Mme X ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.811-7 du code de justice administrative : Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la Cour administrative d'appel doivent être présentés à peine d'irrecevabilité par l'un des mandataires mentionnés à l'article R.431-2 ; qu'aux termes dudit article : Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé (...) . La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui ; qu'il résulte de ces dispositions que les avocats ont qualité devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client ; que, par suite, la requête signée par l'un des membres de la société d'avocats avec laquelle le préfet avait passé un marché de prestations juridiques, est recevable ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'arrêté en date du 12 avril 2010 portant délégation de signature du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, que Mme Danielle Delcros, attachée de préfecture, avait délégation pour signer la demande à la société d'avocats d'interjeter appel pour l'Etat du jugement contesté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non recevoir opposées par Mme. X doivent être écartées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.513-2 du même code : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...) ; que l'article L. 531-1 du même code dispose que : Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2, peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union Européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis à même de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ; qu'aux termes des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-espagnol sus visé : 1. Chaque partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a été interpellée le 10 juin 2010 à bord d'un véhicule lors d'un contrôle routier dans la zone du Perthus munie d'un passeport bolivien en cours de validité, dépourvu de visa Schengen, et a reconnu, lors de son audition par les services de police, se maintenir en situation irrégulière en Espagne depuis 2004 ; que, d'une part, si les autorités françaises ont engagé une procédure de réadmission de l'intéressée avec l'Espagne postérieurement à l'arrêté en litige, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a statué sur sa situation et a pris la mesure d'éloignement litigieuse, elle ne disposait d'aucun document lui permettant d'entrer ou de séjourner dans ce pays et ne justifiait donc pas pouvoir y être légalement admissible et ainsi relever de la procédure de remise prévue à l'article L.531-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, les stipulations précitées de l'article 5 de l'accord franco-espagnol n'imposent pas aux autorités françaises de demander la réadmission en Espagne d'un étranger en situation irrégulière qui a précédemment séjourné dans ce pays ; que, dans ces conditions, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, qui n'était pas tenu d'engager la procédure de remise a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre à son encontre une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES- ORIENTALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur ce que l'autorité administrative était tenue d'avoir recours à la procédure de remise sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 de l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ;
Considérant que l'arrêté du 10 juin 2010, qui vise notamment l'article L. 511-1, II° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de Mme X et notamment, qu'elle se trouve en dépassement de séjour sur l'espace Schengen depuis le 30 mars 2005, qu'elle est divorcée et sans aucune charge de famille en France, qu'elle possède des attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et ses frères ; qu'il contient ainsi l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES pour prononcer à son encontre une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de son droit au séjour avant de prendre l'arrêté attaqué ; que, par suite, les moyens tirés par Mme X de l'absence d'examen de sa situation personnelle et de l'insuffisance de motivation de la décision prononçant sa reconduite à la frontière ne sauraient être accueillis ;
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ; que les allégations de l'intéressée relatives à l'ancienneté de son séjour et à l'existence d'attaches familiales en Espagne ne sont appuyées d'aucun justificatif susceptible de permettre à la Cour de se prononcer sur leur bien-fondé ; que la requérante, dont il est constant qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère ainsi que ses trois frères, n'est ainsi pas fondée à soutenir que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi ;
Considérant que la décision fixant le pays de renvoi vise les textes dont elle fait application, à savoir la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 3, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, cette décision est suffisamment motivée ; que le moyen tiré d'une insuffisance de sa motivation ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation compte tenu de ses attaches personnelles et familiales en Espagne est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, laquelle n'a pas, elle-même, pour objet ou pour effet d'éloigner l'intéressée ou de la séparer de sa famille ;
Sur la légalité de la décision portant maintien en rétention administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français ; que selon les dispositions de l'article L. 551-2 du même code, la décision de placement est écrite et motivée ;
Considérant que la décision par laquelle le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a ordonné le maintien de Mme X dans un local non pénitentiaire durant un délai de quarante-huit heures à compter du 10 juin 2010 a été prise au motif que l'intéressée ne pouvait déférer à la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet en raison d'une absence de transport immédiat et qu'elle ne présente aucune garantie de représentation effective ; qu'une telle formulation fondée sur l'article L. 551-1 précité, énonce les considérations de droit et de fait justifiant le placement de Mme X en rétention administrative ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que ladite décision ne satisfait pas aux exigences légales de motivation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a annulé ses décisions en date du 10 juin 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse en date du 14 juin 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
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N° 10BX01620