Vu le recours, enregistré le 3 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES lequel demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n°0900080 du 26 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a annulé, à la demande de M. Jean-Marie X, l'arrêté du 16 janvier 2009 par lequel le ministre requérant l'a suspendu de ses fonctions de chef de service éducatif et a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et notamment son article 30 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2011 ;
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public,
Considérant que par un arrêté du 16 janvier 2009, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES a suspendu de ses fonctions, à titre conservatoire, M. Jean-Marie X, chef de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse affecté au centre d'action éducative de Cayenne ; que par un jugement en date du 26 mai 2009, le Tribunal administratif de Cayenne a annulé cet arrêté de suspension ; que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES fait appel du jugement ;
Sur la recevabilité de l'appel du ministre ;
Considérant que le ministre appelant, qui était défendeur en première instance, est recevable à présenter tout moyen au soutien de cet appel ;
Sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ; qu'eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il soit membre de la formation se prononçant ultérieurement au fond sur la demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant que, contrairement à ce que fait valoir le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES, il ne résulte pas des motifs de l'ordonnance du 5 mars 2009 du juge des référés du Tribunal administratif de Cayenne que celui-ci aurait pris position sur le fond du présent litige ; qu'ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la participation à la formation de jugement de son président qui s'était prononcé en qualité de juge des référés sur la demande de suspension de l'arrêté du 16 janvier 2009 en litige, méconnaissait le droit à un procès équitable et que la composition du Tribunal administratif de Cayenne était irrégulière ;
Sur la légalité de l'arrêté du 16 janvier 2009 ;
Considérant que l'arrêté en litige qui ne comporte aucune précision sur les griefs retenus comme fondement de la mesure de suspension prononcée à l'encontre de M. X se borne à se référer à un rapport du procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Cayenne en date du 16 décembre 2008 ; que si dans ce rapport transmis au procureur général, le procureur de la République relève le contenu, d'après lui, foncièrement raciste des propos tenus par M. X à l'occasion de son audition dans l'enquête préliminaire diligentée par le parquet du Tribunal de Grande Instance de Cayenne , cette observation ne présente qu'un caractère incident dans l'ensemble de son rapport ; que la qualification de propos racistes pour désigner les propos incriminés qui n'est reprise dans aucune autre pièce versée au dossier ne constitue en rien l'appréciation portée sur les faits par l'administration pour justifier la suspension de M. X ; que, par suite le tribunal administratif a commis une erreur dans la qualification juridique des faits pour avoir qualifié de racistes les propos de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 16 janvier 2009, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif susanalysé ; qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ; qu'aux termes de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat : Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...). Le pouvoir de prononcer les sanctions du premier et deuxième groupes peut être délégué indépendamment du pouvoir de nomination (...) ;
Considérant que la mesure de suspension prévue par ces dispositions législatives est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation ; qu'elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave ;
Considérant que la suspension de fonctions d'un fonctionnaire est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'elle n'est pas au nombre des mesures qui doivent être précédées d'une procédure contradictoire et pour lesquelles l'agent concerné doit faire l'objet d'un entretien et de la communication de son dossier préalablement à son adoption ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté ;
Considérant que l'arrêté attaqué qui ne constitue pas une sanction disciplinaire et qui ne peut être regardé comme une mesure retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du 1er alinéa de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale, les chefs de services à compétence nationale (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : (...) les agents mentionnés à l'article 1er qui sont alors en fonction disposent à compter de cette date de la délégation prévue au même article. ;
Considérant que M. Philippe-Pierre Cabourdin, nommé directeur de la protection judiciaire par décret du 19 avril 2007 avait compétence, conformément aux dispositions des articles 1 et 6 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, pour signer, au nom du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que le moyen d'incompétence soulevé par le requérant doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il est reproché à M. X d'avoir dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Cayenne à la suite d'une plainte pour diffamation déposée par le juge pour enfants du Tribunal de Grande Instance de Cayenne, déclaré à l'officier de police judiciaire à propos de ce magistrat, le 11 décembre 2008, j'ai autre chose à faire que perdre mon temps avec un petit juge qui est venu faire carrière dans les colonies ; que ces déclarations non démenties dont M. X ne pouvait ignorer au moment et dans les circonstances où il les a prononcées qu'elles seraient rapportées au Procureur de la République ont été consignées sur le procès-verbal d'enquête ; qu'elles ont donné lieu à un rapport susmentionné en date du 16 décembre 2008 du procureur de la République au procureur général près la Cour d'Appel de Fort de France où le procureur de la République manifestait son intention de poursuivre pénalement M. X pour outrage à magistrat ; que les propos de M. X critiquant le prétendu arrivisme d'un fonctionnaire au détriment de l'intérêt des habitants de la Guyane excédaient, par leur nature péjorative et leur tonalité provocatrice, les limites que le fonctionnaire doit respecter en raison de la réserve à laquelle il est tenu ; qu'étant donné la position hiérarchique de M. X et ses fonctions de chef de service éducatif qui participe à l'action du juge des enfants et eu égard au contexte conflictuel existant au sein de cette structure de taille limitée, ces propos, ne pouvaient qu'affecter la relation entre l'autorité judiciaire et les éducateurs et compromettre la bonne marche du service ; que par suite, les manquements de M. X à son devoir de réserve, passibles de poursuites tant disciplinaires que pénales, avaient à la date de la décision attaquée un caractère de gravité suffisante au sens des dispositions précitées, pour justifier dans le seul intérêt du bon fonctionnement du service public qu'il soit éloigné, provisoirement, de son lieu de travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cayenne a annulé l'arrêté en date du 16 janvier 2009 par lequel il a suspendu provisoirement M. X de ses fonctions de chef de service éducatif au centre d'action éducative de Cayenne ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°0900080 du Tribunal administratif de Cayenne en date du 26 mai 2009 est annulé.
Article 2: La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif et ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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