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16/12/2010 | FRANCE | N°10BX02205

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 16 décembre 2010, 10BX02205


Vu la requête, enregistrée le 24 août 2010 sous le n° 10BX02205, présentée pour M. Louider X demeurant ..., par Me Germany, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000507 en date du 2 août 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 juillet 2010 par lequel le préfet de la Martinique a décidé sa reconduite à la frontière et à l'annulation de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la

reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision attaqués ;

2°) d'enjoindre au ...

Vu la requête, enregistrée le 24 août 2010 sous le n° 10BX02205, présentée pour M. Louider X demeurant ..., par Me Germany, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000507 en date du 2 août 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 juillet 2010 par lequel le préfet de la Martinique a décidé sa reconduite à la frontière et à l'annulation de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision attaqués ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier :

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2010 :

- le rapport de M. Péano ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

Considérant que M. X, de nationalité haïtienne, relève appel du jugement n° 1000507 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 juillet 2010 par lequel le préfet de la Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et à l'annulation de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a, dans son jugement, notamment mentionné différents éléments de la situation personnelle et familiale de M. X ; que, pour écarter le moyen tiré du détournement de procédure, il a également fait état de ce que le préfet avait connaissance de la demande de réexamen du dossier de demande d'asile déposée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que M. X n'est donc pas fondé à soutenir que le premier juge qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés au soutien des moyens présentés, aurait entaché son jugement d'irrégularité faute d'avoir suffisamment motivé la réponse à ces moyens ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que Mme Corinne Blanchard, chef du bureau de la nationalité et des étrangers a, par arrêté du préfet de la région Martinique en date du 27 mai 2010, reçu délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, de la secrétaire générale adjointe et du directeur des libertés publiques de la préfecture de la Martinique (...) les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière et les décisions fixant le pays de renvoi consécutives aux dits arrêtés de reconduite à la frontière (....) ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général, la secrétaire générale adjointe et le directeur des libertés publiques de la préfecture n'auraient pas été absents ou empêchés le 29 juillet 2010 ; que M. X n'est pas fondé à soutenir que Mme Blanchard n'était pas compétente pour signer l'arrêté du 29 juillet 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise notamment l'article L. 511-1, II, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de M. X ; que l'arrêté contient ainsi l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de l'ensemble de situation de M. X au regard de son droit au séjour avant de prendre l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1, II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité haïtienne, est entré en France le 23 mai 2005 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 10 mai 2006, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile le 27 octobre 2008 ; que M. X, qui avait quitté la France en 2008, puis y était revenu le 29 janvier 2009, a fait l'objet le 30 avril 2009 d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par jugement devenu définitif en date du 13 octobre 2009, le Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; qu'ainsi à la date de l'arrêté attaqué, M. X, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an et n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité alors même qu'il avait présenté une nouvelle demande d'asile qui avait été rejetée selon la procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2010, se trouvait dans le cas où le préfet peut décider de le reconduire à la frontière en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;

Considérant que M. X soutient qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants de nationalité française ; que d'une part, il ressort des pièces du dossier que les deux derniers, Louinelson X-Y, né le 12 octobre 2006 et Bernadin Louis X-Y, né le 9 mai 2010, qu'il a eus avec une compatriote, ne sont pas français ; que d'autre part, les documents produits devant la cour, qui pour l'essentiel avaient déjà été produits en première instance, ne suffisent pas à établir que M. X contribue effectivement, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, à l'entretien et à l'éducation du premier de ses trois enfants, Stanley Patrick Népert, né le 4 juillet 2005 à Trinité, alors que M. X vit séparé de sa mère et n'a pas allègué exercer l'autorité parentale sur cet enfant ; que, dès lors, M. X, qui ne produit aucun élément de nature à établir qu'il remplirait les conditions prévues par les dispositions des 1° à 5° et 7° à 11 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de cet article font obstacle à l'édiction de l'arrêté du 29 juillet 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que, pour contester l'arrêté du 29 juillet 2010 prononçant sa reconduite à la frontière, M. X fait valoir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants, qui sont tous français et qu'il vit avec la mère de deux derniers ; que, pour les motifs précédemment énonçés, les documents produits devant la cour ne suffisent pas à établir que M. X contribue à l'éducation et à l'entretien des trois enfants qui sont nés de mère différente ; qu'il ne produit aucun document de nature à établir l'ancienneté et la stabilité des relations avec la compagne, de nationalité haïtienne, dont il a reconnu les enfants ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, M. X, qui n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales à Haïti, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans et où il est retourné en 2008, n'est pas fondé à soutenir que la mesure de reconduite prise à son encontre a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, qui est retourné à Haïti en 2008, serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France, avec sa compagne, de même nationalité que lui, et les enfants qu'il a reconnus ; que la seule circonstance que les conditions actuelles de vie en Haïti sont incertaines pour toute personne en raison de l'insécurité dans laquelle se trouve le pays et ont été aggravées par le récent tremblement de terre et les cyclones n'est, par elle-même, pas de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté du 29 juillet 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ; que le moyen tiré de ce que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que M. X, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France avec sa compagne et leurs enfants, ne fait état d'aucune circonstance de nature à établir qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'aurait pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants et méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant que la circonstance que l'arrêté du 29 juillet 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X a été pris à la suite de son interpellation par les services de police dans le cadre d'un contrôle routier, en flagrant délit de conduite d'un véhicule sans permis de conduire et de sa convocation à la Brigade des accidents et délits routiers de Fort-de-France n'est pas de nature à entacher d'irrégularité cet arrêté ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière a été pris le 29 juillet 2010, après que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant selon la procédure prioritaire la nouvelle demande d'asile qu'il a avait présentée lui ait été notifiée le 16 juillet 2010 ; qu'en conséquence, M. X n'est pas davantage fondé à soutenir que la mesure prise à son encontre aurait fait obstacle à l'examen de sa nouvelle demande d'asile et aurait porté atteinte au droit d'un demandeur d'asile de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, tel que garanti par l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté du 29 juillet 2010 est entaché d'un détournement de procédure ne saurait être accueilli ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'il y a lieu, pour les motifs précédemment exposés, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision, de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi, qui mentionne l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'absence d'examen de sa situation personnelle au regard de son droit au séjour, déjà invoqués par M. X au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que pour l'application des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'en se bornant à faire état de ce que sa maison a été détruite par le feu le 29 février 2004 par des bandes armées lui reprochant d'être membre du parti Lavalas dirigé par le Président Aristide, M. X, qui est retourné à Haïti en 2008, n'apporte pas d'éléments de nature à établir qu'il encourt des risques actuels pour sa sécurité et sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine et pourrait y être exposé personnellement à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la décision fixant le pays dont M. X a la nationalité comme pays de renvoi ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X ne sauraient être accueillies ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. X de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 10BX02205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10BX02205
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : GERMANY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-12-16;10bx02205 ?
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