Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 avril 2009 sous le n° 09BX00815, présentée pour M. Jacques X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 février 2009 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a limité à la somme de 20 000 euros le montant des sommes mises à la charge de France Télécom et de l'Etat en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;
2°) de condamner solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros majorée des intérêts à compter de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu, II, la requête enregistrée le 7 mai 2009 sous le n° 09BX01070, présentée pour la société FRANCE TELECOM dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris (75505 cedex 15) ; FRANCE TELECOM demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du 3 février 2009, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de M. Jacques X, mis à sa charge la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi par lui ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu, III, le recours, enregistré le 15 mai 2009 sous le n° 09BX01148, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du 3 février 2009, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de M. Jacques X, mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel et moral ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2010, présentée pour M. X ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 58-777 du 25 août 1958 ;
Vu le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 ;
Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Boulard, président assesseur ;
- les observations de Me Menceur de la SELARL Horus avocats, avocat de M. X ;
- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Menceur ;
Considérant que, par lettres en date du 24 mars 2005, M. X, membre du corps de reclassement des techniciens de FRANCE TELECOM a vainement demandé au président de FRANCE TELECOM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'indemnisation de préjudices qu'il estime avoir subis à cause du blocage de sa carrière, faute en particulier qu'aient été arrêtées des listes d'aptitude lui permettant d'accéder au corps des inspecteurs de FRANCE TELECOM ; que, saisi par M. X d'une demande indemnitaire dirigée contre la société FRANCE TELECOM et l'Etat, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 3 février 2009, condamné FRANCE TELECOM à lui verser une indemnité de 10 000 euros et l'Etat à lui verser une indemnité de même montant en réparation du préjudice matériel et moral subi par lui ; que, par l'instance enregistrée sous le numéro 09BX00815, M. X fait appel de ce jugement en tant qu'il lui accorde une réparation qu'il estime insuffisante ; que, par les instances enregistrées respectivement sous les numéros 09BX01070 et 09BX01148, FRANCE TELECOM et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI font appel de ce jugement en tant qu'il les condamne ; qu'il y a lieu de joindre ces trois instances dirigées contre un même jugement pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Toulouse a retenu la responsabilité de FRANCE TELECOM et de l'Etat en exposant suffisamment, et sans contradictions, les raisons pour lesquelles il regardait leurs comportements comme fautifs ; que la circonstance que, s'agissant de la responsabilité de l'Etat, il ne se soit prononcé qu'au regard de sa carence règlementaire, sans répondre expressément au moyen tiré de défaillances dans son activité de tutelle, n'entache pas son jugement d'irrégularité dès lors qu'il n'était pas allégué que les fautes invoquées comme se rattachant à cette dernière activité auraient été la source d'un préjudice distinct ; que, dans leur dévolution de la charge de la preuve, les premiers juges n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en déterminant le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice qu'il définit et regarde comme indemnisable, le tribunal a suffisamment motivé son jugement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à FRANCE TELECOM : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;
Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de FRANCE TELECOM de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de FRANCE TELECOM, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par FRANCE TELECOM de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;
Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de FRANCE TELECOM a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de FRANCE TELECOM, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France TELECOM ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat et FRANCE TELECOM ont eu, à l'égard des fonctionnaires reclassés , un comportement fautif de nature à entraîner leur responsabilité ; que cette dernière société ne peut utilement se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité, ni de la faute de l'Etat, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à des promotions dans les corps de reclassement ; que, toutefois, les fautes de l'Etat et de FRANCE TELECOM n'ouvrent droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;
Sur le préjudice :
Considérant que, pour estimer que M. X, recruté en 1974, nommé technicien des installations en 1975, promu technicien supérieur des installations en 1986, avait subi un préjudice lié à la perte d'une chance sérieuse d'accéder au corps des inspecteurs dont il remplissait les conditions d'accès dès 1995, les premiers juges ont relevé les excellentes appréciations quant à sa manière de servir dont il bénéficiait ainsi que les indications de ses évaluations selon lesquelles il était jugé digne d'une promotion, qu'il a au demeurant obtenue en 2006 dans un corps de reclassification ; que ni FRANCE TELECOM ni le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI n'apportent d'élément de nature à réduire la portée de l'évaluation des mérites de l'intéressé quant à ses chances de promotion ; que, dans ces conditions, la perte de chance sérieuse d'accéder à ce grade doit être regardée comme établie, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal administratif ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à 20 000 euros au total le préjudice matériel et moral subi par le requérant, le tribunal en ait fait une inexacte estimation, sous la réserve que cette somme s'entende tous intérêts confondus au jour de son jugement ; que, si le requérant persiste dans ses conclusions devant la cour à demander la condamnation solidaire de FRANCE TELECOM et de l'Etat, il ne fait valoir aucun moyen propre au partage de responsabilité par moitié retenu par le tribunal dont il ne conteste pas même le principe ;
Considérant que M. X demande en appel que l'indemnité allouée soit majorée des intérêts moratoires décomptés à partir de sa demande préalable ; que, toutefois, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que cette indemnité inclut tous les intérêts qui sont échus à la date du jugement attaqué ; que, par suite, ses conclusions relatives aux intérêts ne peuvent être accueillies ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. X et par FRANCE TELECOM ainsi que le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, autres que celles présentées par les requêtes et le recours visés par l'article 1er, sont rejetées.
''
''
''
''
5
Nos 09BX00815, 09BX01070, 09BX01148