Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 2 mars 2007 sous le n° 07BX00477 présentée pour la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS, société à responsabilité limitée dont le siège social est Les Petits Champs à Chaillevette (17890) et pour la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS, société à responsabilité limitée dont le siège social est 57 rue de Béthencourt à La Rochelle (17000), représentées par leur gérant en exercice par la SCP d'avocats Drageon ;
La SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0500378 en date du 4 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté de communes de la Pointe du Médoc à verser au groupement d'entreprises qu'elles constituent une somme de 248 353,27 euros à titre d'indemnités pour résiliation abusive du marché de remise en état des digues de la commune de Valeyrac, à voir fixer à 15 jours le délai d'exécution du jugement à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de ladite communauté de communes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la communauté de communes de la Pointe du Médoc à leur verser la somme de 248 353,27 euros HT correspondant au préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de la résiliation abusive du marché de travaux de confortement des digues de la commune de Valeyrac ;
3°) de fixer à 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, le délai d'exécution de cet arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Pointe du Médoc le versement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2008,
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
Les observations de Me Noyer pour la communauté de communes de la Pointe du Médoc et de Me Despaux pour le Port autonome de Bordeaux ;
et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un acte d'engagement du 21 janvier 2003, la communauté de communes de la Pointe du Médoc a conclu un marché public de travaux avec le groupement constitué par la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS pour la remise en état des digues situées sur le territoire de la commune de Valeyrac (33) dont la maîtrise d'oeuvre était confiée au Port autonome de Bordeaux ; qu'après avoir adressé, le 26 janvier 2004, aux entreprises susmentionnées une mise en demeure de déférer à l'ordre de service n°6 sous peine de voir le marché résilié à leurs torts exclusifs, la communauté de communes de la Pointe du Médoc a notifié auxdites entreprises, le 1er mars 2004, sa décision de résilier le marché ; que le groupement d'entreprises susnommé, dont la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS, était le mandataire, interjette appel du jugement en date du 4 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté de communes de la Pointe du Médoc soit condamnée à lui verser la somme de 248 353,27 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette résiliation ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que la requête présentée en appel par la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS était accompagnée de la copie du jugement attaqué ; que, dès lors et contrairement à ce que soutient la communauté de communes de la Pointe du Médoc, elle est recevable ;
Sur la régularité de la procédure de résiliation :
Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : « 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations / 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation./ L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur (...) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par lettre du 20 janvier 2004 réceptionnée le 26 janvier, le groupement d'entreprises requérant a contesté l'ordre de service n°6 du 16 janvier 2004 notifié le 19 janvier qui lui accordait un délai de 15 jours pour respecter le planning de travaux remis le 6 octobre 2003 ; que la communauté de communes a, dès le 26 janvier 2004, avant même que le délai de 15 jours prévu par cet ordre de service ne soit arrivé à expiration, adressé aux sociétés dont s'agit une mise en demeure de se conformer à cet ordre de service ; que cette mise en demeure qui n'a pas été précédée de la proposition du règlement du différend prévue par les stipulations sus-rappelées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ne répondait pas aux obligations préalables prévues par les dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision de résiliation avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé de la résiliation :
Considérant qu'aux termes de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : « ( ....) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) » ; qu'aux termes de l'article 49.2 du même cahier : « Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée ou la résiliation du marché peut être décidée. » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49.4 dudit cahier : « La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. »
Considérant que la résiliation du marché a été motivée par le fait que les sociétés requérantes n'auraient pas satisfait à la mise en demeure du 26 janvier 2004 leur enjoignant d'exécuter l'ordre de service n°6 du 16 janvier 2004 ; que les carences reprochées à ces entreprises qui faisaient l'objet de cet ordre de service étaient constituées par une inorganisation dans l'approvisionnement du chantier et par la méconnaissance des délais contractuels d'exécution des travaux de mise en place de la protection en enrochements des digues ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites sociétés n'auraient pas pris les dispositions nécessaires pour respecter les délais impartis par le planning des travaux remis le 6 octobre 2003 et assurer les approvisionnements ordonnés par l'ordre de service en cause ; que si le volume des approvisionnements en enrochements n'était à la date du 2 mars 2004, lors de l'établissement du constat contradictoire d'avancement des travaux, que de 24% et celui de la réalisation des travaux de remise en état des digues que de 9% du total, ces éléments, compte tenu du délai de 6 mois restant à courir, sont insuffisants pour établir que les sociétés requérantes auraient méconnu leurs obligations contractuelles ; qu'en outre, s'agissant de la qualité des prestations fournies, il résulte, notamment, du compte rendu de chantier du 27 janvier 2004 que les enrochements réalisés à cette date étaient conformes aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières ; que, par suite, les sociétés requérantes ne peuvent être regardées comme ayant commis une faute de nature à justifier la résiliation du marché dont elles étaient titulaires ;
Considérant qu'eu égard au caractère injustifié de la résiliation, la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS sont fondées à demander la réparation de leur manque à gagner ; que ce manque à gagner doit être calculé sur la marge brute de 4% que l'entreprise aurait pu dégager à la fin du chantier ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce manque à gagner en condamnant la communauté de communes de la Pointe du Médoc à leur verser une indemnité de 38 000 euros tous intérêts compris ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions de la requête tendant à ce que les conséquences de la résiliation du marché soient évaluées à un montant différent ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS ET LA SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS sont seulement fondées à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a refusé de faire droit à leur demande d'indemnité dans la limite de 38 000 euros tous intérêts compris ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la communauté de communes de la Pointe du Médoc de payer ladite somme aux sociétés requérantes dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et de la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS le paiement de la somme que la communauté de communes de la Pointe de Médoc et le Port autonome de Bordeaux demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de la Pointe du Médoc le versement de la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°0500378 du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 4 janvier 2007 est annulé.
Article 2 : La communauté de communes de la Pointe du Médoc est condamnée à verser à la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et à la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS la somme de 38 000 euros tous intérêts compris.
Article 3 : Il est enjoint à la communauté de communes de la Pointe du Médoc de payer à la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et à la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS ladite somme, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La communauté de communes de la Pointe du Médoc versera à la SOCIETE NOUVELLE ROYANNAISE DE TRAVAUX PUBLICS et à la SOCIETE ETUDES REALISATIONS DE CHANTIERS TRAVAUX PUBLICS une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la communauté de communes de la Pointe du Médoc et celles du Port autonome de Bordeaux tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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07BX00477