Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 janvier 2006, présentée pour la COMMUNE DE SOSSAY (86230) et M. Lionel Y, ce dernier demeurant ... ; la COMMUNE DE SOSSAY et M. Y demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 novembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté l'intervention de M. Y et a condamné la COMMUNE DE SOSSAY à payer la somme de 2 000 euros à M. X en réparation de l'atteinte à sa réputation professionnelle ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'ordonner la suppression des écrits diffamatoires dans les écritures de M. X, de rejeter la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif et de le condamner à verser la somme de 2 001 euros à M. Y à titre de dommages intérêts ainsi que la somme de 2 000 euros à la COMMUNE DE SOSSAY au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2008 :
- le rapport de Mme Boulard, président assesseur ;
- les observations de Me Gendreau de la SCP Haie Pasquier Veyrier, avocat de la COMMUNE DE SOSSAY ;
- les observations de Me Gaston de la SCP Gaston Dubin Sauvetre, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le tribunal administratif de Poitiers a été saisi par M. X, agent d'entretien titulaire de la COMMUNE DE SOSSAY, de conclusions tendant à la condamnation de cette commune à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi par la faute de cette collectivité et qu'il évaluait à la somme de 10 000 euros ; que, par jugement du 30 novembre 2005, le tribunal administratif, après avoir admis expressément la recevabilité des conclusions de M. X et refusé d'accueillir l'intervention de M. Y, ancien maire de la commune, a rejeté la demande indemnitaire de M. X en tant qu'elle était présentée sur le fondement de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, en estimant que les faits de harcèlement moral dont l'intéressé se plaignait n'étaient pas constitués, mais a retenu la responsabilité fautive de la commune à raison de l'atteinte portée à la réputation professionnelle de son agent ; qu'à ce dernier titre, les premiers juges ont condamné la COMMUNE DE SOSSAY à verser à M. X la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, par une requête commune formée le 12 janvier 2006, la COMMUNE DE SOSSAY et M. Y ont fait appel de ce jugement ;
Sur la compétence de la cour :
Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa ajouté à l'article R. 811-1 du code de justice administrative par l'article 11 du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003, combinées avec celles de l'article R. 222-13 du même code, que les actions en réparation relatives à la situation individuelle d'un agent public sont susceptibles d'appel devant la cour administrative d'appel dès lors que les sommes demandées sont supérieures au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que l'article R. 222-14 fixe ce montant à 8 000 euros, qui a été porté à 10 000 euros par l'article 4 du décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006, lequel n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2007 ; qu'enfin, l'article R. 222-15 précise que ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance ;
Considérant que la somme demandée par M. X devant le tribunal administratif de Poitiers s'élevait, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à 10 000 euros ; que, par suite, la requête du 12 janvier 2006 dirigée contre le jugement du 30 novembre 2005 présente le caractère d'un appel qu'il incombe à la cour de juger, contrairement à ce que soutient M. X, et quelles qu'aient été les indications figurant à cet égard sur la notification par lui reçue du jugement contesté ;
Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la commune :
Considérant que le maire de la COMMUNE DE SOSSAY a été autorisé à faire appel du jugement attaqué par une délibération du conseil municipal du 8 janvier 2008 versée aux débats ; que le fait que le conseil municipal ait subordonné cette autorisation à la condition que « la commune se désiste de l'ensemble de ses conclusions si M. X se désiste lui-même de l'ensemble de ses conclusions » ne saurait priver d'effet cette délibération dès lors que M. X n'a pas renoncé au bénéfice du jugement attaqué ; qu'il suit de là que les conclusions de la COMMUNE DE SOSSAY sont recevables ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur l'intervention de M. Y :
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduits à l'article L. 741-2 du code de justice administrative : « Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts » ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, M. Y était recevable à intervenir volontairement devant le tribunal administratif afin de demander la suppression de passages de mémoires déposés devant ce tribunal par M. X dans le litige opposant ce dernier à la COMMUNE DE SOSSAY, dans la mesure où ces passages le concernaient personnellement ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, il était également recevable à demander à ce tribunal de condamner M. X à des dommages et intérêts à raison du préjudice à lui causé par les passages incriminés ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé d'admettre l'intervention présentée par M. Y ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées par M. Y devant les premiers juges ;
Considérant que les appréciations portées dans les mémoires de première instance de M. X sur le témoignage de M. Y que la commune avait produit en défense ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce, une imputation à caractère injurieux, diffamatoire ou outrageant au sens des dispositions précitées, de nature à en faire prononcer la suppression ; qu'en l'absence d'un préjudice établi, il n'y a pas lieu, par suite, de faire droit aux conclusions de M. Y tendant à obtenir leur suppression et le versement par M. X d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il condamne la COMMUNE DE SOSSAY à verser une indemnité de 2 000 euros à M. X :
Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance que le mémoire introductif d'instance présenté par M. X est accompagné d'une copie de l'intégralité de la demande préalable adressée le 24 mai 2004 à la COMMUNE DE SOSSAY ainsi que d'une copie de l'avis de réception du pli contenant cette demande ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les autres copies du même courrier jointes à ce mémoire seraient, quant à elles, incomplètes et auraient méconnu les dispositions de l'article R. 411-3 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir que la COMMUNE DE SOSSAY a opposée aux conclusions de M. X, sur le fondement des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 412-3 du code de justice administrative, doit être écartée, comme l'ont fait à juste titre les premiers juges ;
Considérant que, pour accueillir la demande indemnitaire présentée par M. X à cause de l'atteinte portée à sa réputation professionnelle, les premiers juges ont estimé que la déclaration du maire publiée dans le bulletin municipal de 2003 quant à l'entretien de la commune devait être regardée, en raison de ses termes, comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité à l'égard de son agent ; qu'à l'appui de son appel, la COMMUNE DE SOSSAY fait valoir que cette déclaration est rédigée en termes neutres, qu'elle repose sur des données objectives et qu'elle procède d'une « quasi-obligation pour le maire de s'exprimer publiquement » au sujet de l'entretien de la commune qui avait fait l'objet de remarques défavorables sur 9 des coupons-réponses qu'elle soutient avoir reçus à la suite d'une demande exprimée dans un précédent bulletin municipal portant sur les conditions de vie dans la commune, dont « les problèmes de voirie » ; qu'il résulte toutefois de l'examen de cette déclaration qu'elle met directement en cause le comportement et le travail de celui qui y est désigné comme « notre agent communal » et qui est aisément reconnaissable car seul chargé dans cette commune depuis 1996 des fonctions dont l'accomplissement est critiqué, et que les défaillances qui lui sont imputées sont présentées comme ne pouvant faire l'objet de rectification, ni de sanction ; que cette mise en cause directe et publique par le maire de la manière de servir d'un agent communal est constitutive d'une faute de service, à supposer même que ne soit pas exempte de critiques la façon dont cet agent accomplit ses missions, ce qu'il appartient au maire d'apprécier dans le cadre de son pouvoir hiérarchique ; qu'ainsi, la faute de service commise par le maire est de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE SOSSAY et M. X est fondé à s'en prévaloir pour demander la réparation de son préjudice moral ; que, pour s'affranchir de sa responsabilité ou l'atténuer, la COMMUNE DE SOSSAY ne peut se prévaloir de menaces de M. X à l'encontre du maire, dont la réalité n'est pas établie ; qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SOSSAY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à réparer le préjudice moral de M. X à hauteur de 2 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme à ce titre soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE SOSSAY à verser à M. X la somme de 1 300 euros en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 novembre 2005 est annulé en tant qu'il n'admet pas l'intervention de M. Y.
Article 2 : L'intervention présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Poitiers est admise.
Article 3 : Les conclusions de M. Y devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 4 : La COMMUNE DE SOSSAY versera la somme de 1 300 euros à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 06BX00063