Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 30 octobre 2006, présenté par le PREFET DES HAUTES-PYRENEES ;
Le PREFET DES HAUTES-PYRENEES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601413 du 8 août 2006 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 31 juillet 2006 décidant de la reconduite à la frontière de M. X et lui a enjoint d'examiner à nouveau la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Pau ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2007 :
- le rapport de Mme Aubert ;
- et les conclusions de M. Gosselin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le PREFET DES HAUTES-PYRENEES demande l'annulation du jugement du 8 août 2006 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 31 juillet 2006 décidant de la reconduite à la frontière de M. X et lui a enjoint d'examiner à nouveau la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière : « Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa. » ; que, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application de l'article 642 du nouveau code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'un pourvoi présenté le premier jour ouvrable suivant ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau, en date du 8 août 2006, a été notifié dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa du code de justice administrative, au PREFET DES HAUTES-PYRENEES qui en a accusé réception le 27 septembre 2006 ; que le délai d'un mois prévu par les dispositions de l'article R. 776-20 du code de justice administrative étant un délai franc, le délai imparti au PREFET DES HAUTES-PYRENEES pour faire appel du jugement attaqué qui expirait normalement le samedi 28 octobre 2006, jour chômé, s'est trouvé prorogé jusqu'au lundi 30 octobre 2006, en application des dispositions précitées du nouveau code de procédure civile ; que le recours du PREFET DES HAUTES-PYRENEES a été enregistré au greffe de la cour le premier jour ouvrable suivant le jour chômé où expirait normalement le délai d'appel, et dernier jour du délai imparti pour contester ce jugement ; que, dès lors, il n'est pas tardif ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale ; que, pour annuler la mesure de reconduite à la frontière prononcée à l'encontre de M. X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau s'est fondé, en application des stipulations précitées, sur la double circonstance, d'une part, que par une ordonnance du 24 mars 2006, le juge des enfants du tribunal des enfants près la cour d'appel de Tarbes a ordonné une mesure d'investigation et d'orientation éducative à l'égard des enfants, pour une durée de six mois à compter du 29 mars 2006, et a désigné le service de la protection judiciaire de la jeunesse de Tarbes aux fins de procéder à une étude de la personnalité de ces mineurs et de la situation familiale et, d'autre part, que les deux enfants de M. et Mme X sont suivis en consultation dans le service de protection maternelle et infantile de Lannemezan ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'investigation ainsi ordonnée par le juge des enfants faisait obstacle à ce que M. X quitte le territoire français avec ses deux enfants ; qu'il n'est pas établi que ces derniers ne pourront pas bénéficier en Arménie de mesures judiciaires comparables à celles qui ont été prises en France et qui n'ont eu pour objet qu'une évaluation de leur situation familiale, justifiée par les difficultés matérielles et personnelles de leurs parents ; qu'ainsi le PREFET DES HAUTES-PYRENEES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau s'est fondé, pour annuler cet arrêté, sur la circonstance que la mesure de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 3-1 précité ;
Considérant toutefois qu'il appartient au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X à l'encontre de l'arrêté pris à son encontre ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière, qui mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-2 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte-tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées » ; que la mesure de reconduite à la frontière, dont il n'est pas établi qu'elle aurait pour effet de priver les deux enfants de M. X d'une protection et de soins dont ils ne pourraient bénéficier en Arménie, compte-tenu des devoirs qu'ont leurs parents envers eux, n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention de New-York ; que M. X ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, de la circonstance, postérieure à l'arrêté en litige, que le juge des enfants du tribunal de grande instance de Tarbes a pris une mesure d'assistance éducative d'une durée d'un an au profit de ses enfants ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ; que si M. X fait valoir qu'il vit en France avec son épouse depuis juin 2004, que ses deux enfants y sont respectivement nés le 25 juillet 2004 et le 19 septembre 2005 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment de la brièveté du séjour en France de M. X, la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales non plus que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant que M. X ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 qui ne créent des obligations qu'entre les Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DES HAUTES-PYRENEES du 31 juillet 2006 décidant sa reconduite à la frontière du territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'exécution du présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X par la voie de l'appel incident ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 août 2006 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 31 juillet 2006 est rejetée.
Article 3 : L'appel incident de M. X est rejeté.
2
No 06BX02256