Vu, enregistrée le 21 juillet 2003 au greffe de la cour sous le n°03BX01476, la requête présentée, par la SCP Haie-Pasquet-Veyrier, pour le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE, dont le siège est 1, Boulevard du Docteur Velhac à Brive (19100) ;
Le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant-dire droit du 22 mai 2003 en tant que le tribunal administratif de Limoges l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'urétéroscopie subie par M. X le 1er juin 1993 et a désigné un expert aux fins d'évaluation des différents préjudices subis ;
2°) de rejeter la demande présentée M. X devant le tribunal administratif de Limoges ;
3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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II) Vu, enregistrée le 4 juin 2004 au greffe de la cour sous le n°04BX00964, la requête présentée, par la SCP Boyreau-Monroux, pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE, dont le siège est 6, rue Souham à Tulle (19033) ;
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 8 avril 2004 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier de Brive qu'à lui verser la somme de 5 000 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Brive à lui verser la somme de 26 411,39 euros ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Brive à lui verser la somme de 800 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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III) Vu, enregistrée au greffe le cour le 7 juin 2004 sous le n°04BX00969, la requête présentée, par la SCP Nicolet-Riva-Vacheron, pour M. Alain demeurant ... ;
M. demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 8 avril 2004 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il n'a évalué le montant total de son préjudice qu'à la somme de 15 000 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Brive à lui verser une somme totale de 207 022,16 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable du 4 août 1999, les intérêts étant capitalisés à compter du 16 janvier 2001 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2006 :
- le rapport de M. Margelidon, premier conseiller,
- les observations de Me Gendreau pour le centre hospitalier de Brive,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°03BX01476 présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE, 04BX00964 présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE et 04BX00969 présentée pour M. se rapportent toutes aux conséquences dommageables d'une seule et même intervention pratiquée au CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE sur la personne de M. ; qu'il y a donc lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. a été admis en urgence, le 31 mai 1993, au CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE pour une crise de colique néphrétique gauche ; qu'à la suite d'investigations radiologiques permettant de poser le diagnostic d'un calcul de l'uretère lombaire gauche, l'intéressé a subi, le 1er juin 1993, une manoeuvre endoscopique type urétéroscopie ; que si l'intervention a permis d'extraire un calcul situé au niveau de l'uretère tout terminal, elle n'est pas parvenue, en revanche, à atteindre le calcul situé au niveau de l'uretère lombaire ; que, dans ces conditions, le praticien hospitalier a mis en place une sonde autostatique en double J6,28 ; que, lors de la consultation post-opératoire, programmée le 22 juin, l'échographie abdominale pratiquée à cette occasion n'a mis en évidence aucune anomalie ; que, cependant, M. s'étant plaint de céphalées et d'une tension artérielle anormalement forte, un bilan est réalisé du 18 au 20 octobre 1993 au cours duquel une urographie intraveineuse a permis d'identifier une altération fonctionnelle et morphologique du rein gauche ; qu'en dépit de plusieurs tentatives thérapeutiques par voie endoscopique et la pose d'une nouvelle sonde autostatique du mois de novembre 1993 au mois de mai 1994, la mutité du rein gauche a été confirmée ; qu'au mois de janvier 1999, M. a été hospitalisé à l'hôpital Henri Mondor de Créteil pour une ablation du rein gauche ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports de l'expert désigné par le président du tribunal administratif que le patient a été revu par le praticien qui l'a opéré 3 semaines après l'intervention et 12 jours après l'ablation de la sonde autostatique ; qu'il a alors fait l'objet d'une échographie rénale qui n'a mis en évidence aucune anomalie ; que selon l'expert, il s'agit d'une mesure classique pour permettre de faire le point sur le résultat du traitement ; que ce dernier souligne également qu'en pareil cas un acte plus intrusif, telle une urographie intraveineuse, n'est pas indispensable ; que, cependant, il ressort également du rapport d'expertise que le délai habituel entre l'ablation de la sonde et l'échographie rénale de contrôle est de l'ordre d'un mois à 45 jours ; qu'en outre, il est recommandé de suivre plus attentivement un patient ayant subi une intervention difficile , comme c'était le cas en l'espèce eu égard au caractère infructueux de l'urétéroscopie ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que le patient s'étant plaint, dans les mois qui ont suivi, devant ledit praticien de douleurs violentes, ce dernier s'est borné à lui prescrire des anti-inflammatoires alors même qu'il ressort du rapport de l'expert qu'une échographie rénale pratiquée plus tardivement aurait pu permettre de déceler l'anomalie à l'origine de la perte du rein gauche ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE a commis une faute dans le suivi post-opératoire de M. de nature à engager sa responsabilité ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER de BRIVE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l'a déclaré responsable en raison de la faute commise à l'occasion du suivi consécutif à l'intervention pratiquée le 1er juin 1993 ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. souffre d'une incapacité permanente partielle de 10% ; qu'âgé de 52 ans à la date de consolidation déterminée par l'expert, le 8 avril 1994, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément, en l'évaluant à 10 000 euros dont 50% au titre de l'atteinte à son intégrité physique ; qu'en outre, les souffrances physiques endurées par le patient ont été estimées à 5 sur une échelle de 7 et son préjudice esthétique à 1 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques endurées, lesquelles comprennent, notamment, la présence d'une sonde autostatique dans la voie urinaire gauche du mois de novembre 1993 au mois de mai 1994 et la soumission à de nombreuses tentatives thérapeutiques par voie endoscopique, et du préjudice esthétique de l'intéressé en les évaluant respectivement à 10 000 euros et 700 euros ;
Considérant que, si M. demande l'octroi d'une indemnité au titre, d'une part, de son incapacité temporaire totale d'une durée évaluée à 105 jours, d'autre part, de son incapacité temporaire partielle d'une durée évaluée à 73 mois, le préjudice subi du fait desdites incapacités ne peut donner lieu, en lui-même, à une réparation distincte de l'indemnisation pour perte de revenus ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé a reçu pendant la durée de son incapacité temporaire totale des indemnités journalières de la part de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze destinées, précisément, à compenser une telle perte de revenus ; qu'en outre, M. ne soutient pas que lesdites indemnités n'auraient pas permis de compenser la perte de revenus subie du fait des hospitalisations et des arrêts de travail consécutifs auxdites hospitalisations ;
Considérant, toutefois, que M. soutient avoir subi un préjudice financier qu'il évalue, dans ses dernières écritures, à 120 006,69 euros en raison de l'impact des complications consécutives à l'intervention litigieuse sur sa courbe de carrière professionnelle ; qu'il soutient que, cadre à la Société générale, il a dû s'arrêter à de nombreuses reprises, prendre un mi-temps thérapeutique de 4 mois, a été licencié le 4 avril 1998 et est demeuré au chômage jusqu'au 31 octobre 2002, date à laquelle il a pris sa retraite ;
Considérant, néanmoins, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, d'un courrier en date du 27 septembre 2004 émanant du service des ressources humaines de la délégation régionale de Bordeaux de la société générale, que l'intéressé, eu égard à l'évolution classique de la carrière d'un cadre dans le réseau d'agences de la banque, avait 43% de chances d'être promu à une « classe » supérieure à celle à laquelle il appartenait à la date de l'opération ; que, dans ces conditions, le préjudice de carrière allégué présente un caractère hypothétique faisant obstacle à toute condamnation du centre hospitalier à ce titre ; qu'enfin, il n'établit pas le lien de causalité directe entre son licenciement et les suites de l'opération dont il a fait l'objet ;
Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE produit un état détaillé des frais qu'elle a engagés pour M. en raison des complications dont ce dernier a eu à souffrir consécutivement à l'intervention litigieuse, nonobstant la circonstance qu'ils aillent au-delà de la date de consolidation fixée par l'expert ; qu'en outre, si l'expert, au titre de la durée de l'incapacité temporaire totale dont a souffert l'intéressé, n'a retenu que les seules durées d'hospitalisation, il résulte de l'instruction que ce dernier a, également, fait l'objet d'arrêts de travail liés aux conséquences dommageables de l'intervention litigieuse, pour lesquels la CAISSE lui a versé des prestations en espèce ; qu'ainsi, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE justifie de débours directement liés à la faute du centre hospitalier à hauteur de 26 411,39 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices qu'il y a lieu de retenir est de 47111,39 euros, y compris les débours de la CAISSE ;
Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE est fondée à demander que le montant de la condamnation du centre hospitalier de Brive soit porté à la somme de 26 411,39 euros ;
Sur les droits de M. :
Considérant que M est fondé seulement à demander que le montant de la condamnation du centre hospitalier de Brive soit porté à la somme de 20 700 euros ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la somme susmentionnée de 20 700 euros portera intérêts au taux légal à compter de la notification, le 4 août 1999, de la réclamation préalable de M. au CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE ; que M. a demandé, par un mémoire du 16 janvier 2001, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions du code de justice administrative font obstacle à ce que tant M. que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE qui, dans la présente instance ne sont pas des parties perdantes, soient condamnés à verser au CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par contre, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE à verser à M. et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE les sommes respectives de 1 300 et 800 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE est condamné à verser la somme de 20 700 euros à M. , laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 4 août 1999. Lesdits intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter tant du 16 janvier 2001 qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE est condamné à verser la somme de 26 411,39 euros à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE BRIVE est condamné à verser les sommes respectives de 1 300 et 800 euros à M. et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. est rejeté.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 avril 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N°s 03BX01476/04BX00964/04BX00969