Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 5 octobre 2005 par télécopie, confirmée par courrier le 10 octobre 2005, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;
LE PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 26 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 16 août 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Merita X ;
- de rejeter la demande présentée par Mme Merita X devant le tribunal administratif de Toulouse ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2006 :
- le rapport de M. Le Gars,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de Serbie-Monténégro, est entrée en France avec son époux de façon irrégulière ; que sa demande d'asile politique a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 novembre 2003, confirmée le 22 novembre 2004 par la commission de recours des réfugiés ; qu'elle a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour et d'une invitation à quitter le territoire en date du 14 décembre 2004, notifiée le 25 janvier 2005 et confirmée, suite à un recours gracieux, le 4 avril 2005 ; que, l'intéressée se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article L. 511-1 précité, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X est mère de deux enfants, âgés respectivement de deux ans et de quatre mois ; que l'arrêté de reconduite à la frontière de son époux Sadri X, dont elle est moralement et matériellement dépendante, a été annulé ; qu'alors même qu'elle serait entrée récemment sur le territoire français et qu'elle ne serait pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 16 août 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a, par suite, méconnu l'article 8 précité de la convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 16 août 2005 ordonnant la reconduite de Mme X ;
Sur les conclusions tendant aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l' étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;
Considérant que l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière n'implique pas nécessairement que le préfet délivre à l'intéressé un titre de séjour ; que, cependant, il lui incombe, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il y a donc lieu de prescrire au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de se prononcer sur la situation de Mme XX dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme XX a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 ;1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Amari de Beaufort, avocat de Mme X X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Amari de Beaufort la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme Merita X et de se prononcer sur sa situation administrative dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Me Amari de Beaufort, avocat de Mme XX, la somme de 1000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Amauri de Beaufort renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N° 05BX02038