Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2002, présentée pour la Société BEC FRERES S.A., dont le siège est situé ... d'Orques (34680), venant aux droits de la société PERFOREX, et la Société CHAGNAUD, dont le siège est situé ..., par la SCP Rambaud, Martel, avocat au barreau de Paris ; les requérantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 13 juin 2002, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) à leur verser une somme de 25 874 954 F HT assortie des intérêts à compter du 5 novembre 1998 dont devra être déduit le versement effectué par ASF en 1999 ;
2°) de condamner le maître d'ouvrage à payer cette somme ;
3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise aux fins d'analyser les difficultés rencontrées par le groupement et décrire et évaluer les conséquences ;
4°) de condamner le maître d'ouvrage au paiement d'une somme de 10 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2005 :
- le rapport de M. Dronneau ;
- les observations de Me X..., représentant la Société BEC FRERES S.A et la Société CHAGNAUD ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par acte d'engagement du 30 juillet 1996, la société des Autoroutes du Sud de la France (A.S.F.) a confié à un groupement d'entreprises solidaires constitué par les sociétés PERFOREX et CHAGNAUD les travaux de génie civil pour la réalisation du tunnel dit de « Pech Brunet » (Tarn-et-Garonne) dans le cadre de la construction de la section Montauban-Cahors de l'autoroute A20, pour un montant global et forfaitaire de 68 072 373,24 F hors taxes ou 82 095 282, 49 F TTC ; qu'au terme de la signature de deux avenants, le montant total du marché a été porté à la somme de 95 646 456,04 F TTC ; que lesdites entreprises, en désaccord avec la maître de l'ouvrage sur le décompte général des travaux notifié par ordre de service du 16 octobre 1998, ont adressé le 5 novembre 1998 au maître d'oeuvre un mémoire de réclamation aux fins d'obtenir une somme supplémentaire de 28 778 236,84 F hors taxes ; que, par courrier en date du 9 décembre 1998, ASF a notifié sa réponse en consentant une indemnisation à hauteur de 2 083 305 F hors taxes ; que, par lettre en date du 8 mars 1999, le groupement a adressé un mémoire complémentaire au maître d'ouvrage ; que celui-ci a confirmé sa position par lettre du 19 mai 1999 ; que les sociétés BEC FRERES SA, venant aux droits de la société PERFOREX, et CHAGNAUD relèvent appel du jugement en date du 13 juin 2002, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande du 19 novembre 1999 tendant à la condamnation d'ASF à leur payer une somme complémentaire de 25 874 954 F hors taxes avec intérêts à compter du 5 novembre 1998 ;
Considérant qu'aux termes de stipulations de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux , qui est au nombre des documents contractuels du marché, l'entrepreneur dispose d'un délai fixé selon le cas à 30 ou 45 jours à compter de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage pour faire valoir, dans un mémoire en réclamation, ses éventuelles réserves, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50 ; que l'article 50, auquel il est ainsi renvoyé, stipule que : « 50-22- Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. 50-23- La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage (…). 50-32- Si, dans un délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable » ;
Considérant que les stipulations des articles 50-11 et 50-12 du cahier des clauses administratives générales applicable concernent le règlement de différends survenus entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, et ne s'appliquent, dès lors, pas au différend qui survient dans l'établissement du décompte général qui constitue un différend entre l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage ; que le renvoi à l'article 50 auquel procède l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales doit ainsi s'entendre comme concernant les dispositions des articles 50-22 et 50-23, applicables lorsque le différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, sans que les dispositions de l'article 50-21, qui ne visent que les réclamations préalablement transmises au maître d'oeuvre ne trouvent à s'appliquer ;
Considérant que, dans le cas d'un différend survenu lors de la procédure d'établissement du décompte général, le mémoire en réclamation mentionné à l'article 50-22 est nécessairement celui mentionné à l'article 13-44 du CCAG travaux ; qu'en conséquence les stipulations de l'article 50-22 n'ont pas pour objet, dans le cadre de l'établissement de ce décompte général, d'imposer à l'entrepreneur, qui a déjà adressé un mémoire en réclamation au maître d'oeuvre en application des stipulations de l'article 13-44, à charge pour celui-ci de le transmettre au maître de l'ouvrage, d'adresser un nouveau mémoire de réclamation à la personne responsable du marché ;
Considérant que le mémoire en réclamation adressé par le groupement des entreprises susmentionnées au maître d'oeuvre le 5 novembre 1998 concernait un différend survenu lors de l'établissement du décompte général du marché entre ASF, maître de l'ouvrage, et lesdites entreprises ; que, par la lettre du 9 décembre 1998, ASF, en qualité de maître de l'ouvrage, a fait savoir au groupement des entreprises qu'il décidait « de prendre en charge pour l'ensemble des chefs de réclamation (…) le montant global et forfaitaire s'élevant à 2 083 305 F HT, soit 2 512 465,83 F TTC à titre d'indemnisation des sujétions, aléas et imprévus rencontrés au cours des travaux (révisions et frais financiers inclus) » ; que cette lettre constituait la décision du maître de l'ouvrage au sens de l'article 50-23 précité du CCAG travaux, et ne revêtait pas, contrairement à ce que soutient le groupement, le caractère d'une proposition, quand bien même y était annexé « un projet de protocole », dès lors que le même courrier précisait que ce document formalisait « la décision de la société Autoroutes du Sud de la France pour solde de tout compte » ; que la circonstance que ce courrier a été signé par M. Y..., directeur de la construction d'ASF, personne responsable du marché, et dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il était habilité à représenter le maître de l'ouvrage, n'est pas de nature à ôter à cette lettre le caractère d'une décision expresse du maître de l'ouvrage ; que, d'ailleurs, ASF a procédé unilatéralement, conformément à cette décision, au versement de la somme de 2 512 465,83 F TTC le 10 juin 1999 ; que la décision du 9 décembre 1998 constituait donc le point de départ du délai de six mois, imparti au groupement par les stipulations précitées de l'article 50-32 du CCAG travaux pour saisir, le cas échéant, le tribunal administratif ; que le mémoire complémentaire adressé par le groupement au maître de l'ouvrage, le 8 mars 1999, était sans incidence sur le décompte de ce délai ; que, dès lors, la demande présentée par lesdites sociétés devant le tribunal administratif de Toulouse, enregistrée le 19 novembre 1999, a été introduite postérieurement à l'expiration du délai de six mois ; que, par suite, elle n'était pas recevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés BEC FRERES SA et CHAGNAUD ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme tardive leur demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société ASF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer aux sociétés BEC FRERES SA et CHAGNAUD la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, les sociétés BEC FRERES SA et CHAGNAUD verseront à ASF une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête des sociétés BEC FRERES SA et CHAGNAUD est rejetée.
Article 2 : Les sociétés BEC FRERES SA et CHAGNAUD verseront à ASF une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4
N° 02BX01878