Vu, enregistrée le 28 mai 2001 la requête présentée pour M. et Mme X demeurant ... par Me André Marsande, avocat associé de la société Deloitte et Touche Juridique et Fiscal ;
M. et Mme X demandent à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 8 février 2001 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991 et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés ;
- de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
- de condamner l'Etat à leur verser la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2005 :
- le rapport de M. Margelidon
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont reçu le 28 mars 2001 notification du jugement attaqué en date du 8 février 2001 ; que, dès lors, leur requête introductive d'instance, enregistrée le 28 mai 2001 au greffe de la cour, n'est pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Considérant que M. et Mme X font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1988 à 1991, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 111c du code général des impôts, en raison de la cession, formalisée par acte sous-seing privé du 29 juin 1991, d'actions détenues par eux dans la société anonyme Couturier dont M. X était le président-directeur général, à l' Union des Coopératives Poitouraine ;
Considérant qu'en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 dudit code : Sont notamment considérés comme revenus distribués...c) les rémunérations et avantages occultes ;
Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111c du code général des impôts ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société d'octroyer, et, pour le cocontractant de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;
Considérant qu'il résulte de l'acte sous-seing privé du 29 juin 1991 que M. X et sa famille ont cédé à l'Union des Coopératives Poitouraine leurs 328 actions de la SA Couturier pour un montant global de 12 500 000 F, soit un prix unitaire de 38 109, 76 F tandis que par le même acte la Laiterie Coopérative de Chaunay a cédé ses 600 actions de la même société, soit 60% du capital, à l'Union des coopératives Poitouraine pour un montant global de 12 195 126 F, soit un prix unitaire de 20 325, 21 F ; que l'administration a estimé que l'écart de la valeur des actions cédées au profit de M. X constituait un avantage occulte qui lui avait été consenti ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les circonstances de la cession et, notamment, la volonté de l'Union des Coopératives Poitouraine de prendre le contrôle de la SA Couturier, qui lui permettait de s'assurer de débouchés sur le marché nord-américain, à condition d'en acquérir la quasi-totalité du capital, ont placé la famille X détentrice de 328 actions et, par là même d'une minorité de blocage, dans une position de négociation favorable ; qu'il résulte également de l'instruction que la Coopérative de Chaunay, ne pouvant soutenir sur ses fonds propres le développement à l'exportation de sa filiale la SA Couturier, était favorable à ladite cession ; que si l'administration entend se prévaloir du contrat signé le même jour avec ladite Coopérative par lequel la SA Couturier s'était engagée à lui assurer l'écoulement de la totalité du lait collecté auprès des adhérents de la coopérative pour une période de 10 années, ces avantages commerciaux que lui procurait la cession sont de nature à expliquer une moindre valorisation des titres de la coopérative relativement à ceux de la famille X ;
Considérant que si l'administration conteste tant le montant que la méthodologie proposés par le rapport d'un expert-comptable produit en appel par les requérants, lequel conclut à une valorisation de la SA Couturier de 32 millions de Francs ainsi que les conclusions d'un courrier en date du 29 octobre 1990 de la société Cerail Finance adressé à M. X et estimant, au regard des conditions du marché, la valorisation de ses parts dans la SA Couturier à environ 11 000 000 F, elle ne propose aucune autre estimation de la valeur de l'entreprise de nature à justifier l'existence d'un écart significatif entre le prix de cession de leurs actions par les requérants et la valeur réelle des titres cédés ; que, dès lors, l'administration, qui d'ailleurs n'apporte aucun élément relatif à une intention libérale affectant la volonté des parties, n'établit pas, comme elle en a la charge, que la cession litigieuse dissimulerait un avantage occulte, constitutif de revenus distribués ; qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1988 à 1991 dans la catégorie des revenus mobiliers ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser la somme de 1 300 euros à M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 8 février 2001 est annulé.
Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1988 à 1991 à raison des revenus de capitaux mobiliers réalisés en 1991 et taxés sur le fondement de l'article 111c du code général des impôts.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 300 euros à M. et Mme X sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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N° 01BX01366