Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 novembre 1999, présentée pour M. et Mme Raymond X, demeurant ..., par Me Hervé Laplace, avocat à la Cour ;
M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires sur les sommes acquittées ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F (1 524,49 euros) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Classement CNIJ : 19-01-03-01-02-03
19-01-03-02-02-01
19-04-02-01
19-01-03-05 C+
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2004 :
- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller ;
- les observations de Me Laplace, pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X ont été soumis à un complément d'impôt sur le revenu au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991 à raison de la quote-part leur revenant des résultats redressés de la société à responsabilité limitée Garage X soumise par option au régime des sociétés de personnes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial... ;
Considérant que lorsque l'administration entend, en application des dispositions législatives précitées, procéder à un redressement, il lui appartient de mentionner, dans la notification de redressement, la nature de la procédure d'imposition qu'elle entend suivre à cette fin ; que, toutefois, l'omission de cette mention ou l'erreur que cette dernière pourrait comporter n'entache pas d'irrégularité la procédure en cause lorsque cette omission ou erreur n'a pas eu pour effet de priver le contribuable de l'une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier ; qu'il ressort de l'instruction que les notifications de redressement des 17 décembre 1991 et 30 novembre 1992 portent les mentions du délai dont dispose le contribuable pour présenter ses observations et de la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix ; qu'ainsi, l'absence d'indication de la nature de la procédure d'imposition suivie n'a privé les requérants d'aucune des garanties auxquelles ils pouvaient prétendre ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que les autres associés de la société Garage X n'auraient pas reçu une notification de redressement est sans effet sur la régularité de l'imposition personnelle de M. et Mme X qui, dans le dernier état de leurs écritures, prennent acte de ce que l'administration justifie leur avoir régulièrement notifié la quote-part leur revenant des redressements des résultats sociaux ;
Considérant, en troisième lieu, qu'est également inopérant, eu égard au principe d'indépendance des procédures, le moyen tiré de l'absence de réponse apportée aux observations qu'aurait formulées la société après réception de la notification de redressement afférente à l'année 1988 ; ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la pose d'une enseigne :
Considérant que les dépenses exposées par la société Garage X en 1989 pour la pose d'une enseigne publicitaire doivent être regardées comme faisant partie du coût d'acquisition des éléments de l'actif immobilisé ; que, par suite, elles ne pouvaient être incluses dans les charges déductibles des résultats de cet exercice ;
En ce qui concerne les frais de voyages et de déplacements :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celle-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre... Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ... ;
Considérant que les requérants ne justifient, ni même ne précisent, la nature des fonctions exercées par M. X dans la société ; que c'est donc à bon droit que le service a exclu des charges déductibles, par une motivation suffisante, les frais exposés par ce dernier lors de séminaires d'études et de formation à Boston en 1989 et à Phoenix en 1990 ;
En ce qui concerne les dépenses de bateau :
Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 39 du code général des impôts : Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt ... Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : ... Aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur ainsi que de leur entretien... ; que la société Garage X a déduit pour les années 1989, 1990 et 1991, les loyers du contrat de crédit-bail conclu en 1989 pour l'acquisition d'un bateau de marque Riva et les frais d'entretien dudit bateau ; que ni les deux opérations de location du bateau, au demeurant contestées, ni le projet de participation des concessionnaires d'automobiles Ferrari ou d'autres véhicules de luxe à la commercialisation des bateaux de marque Riva, ni la circonstance que la disposition de cet équipement aurait pu avoir un effet favorable sur la clientèle particulière du garage, ne constituent des justifications suffisantes pour que soient déductibles les dépenses en cause ;
En ce qui concerne les cotisations sociales :
Considérant, d'une part, qu'en vertu du 3° de l'article 8 du code général des impôts, les membres des SARL qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que l'article 60 du même code ajoute que : Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues par les exploitants individuels... ; qu'en application de ces dispositions, les cotisations sociales personnelles d'un associé d'une société soumise au régime des sociétés de personnes, prises en charge par la société, ne constituent pas une charge déductible des bénéfices sociaux, mais un élément de détermination de la part de ces bénéfices revenant à l'associé concerné ; d'autre part, que selon l'article 39 du code précité : .-1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature .. ; que les cotisations personnelles versées pour Mme X, ayant pour objet l'octroi d'une rente viagère, ne sont pas, non plus, déductibles en application du 1 de l'article 39 susrappelé ; que, par suite, les cotisations versées en 1991 par la société Garage X à la société Legal et Général à raison d'un contrat dit de complément de retraite au profit de Mme X, associée-gérante de la société Garage X, ont été réintégrées à juste titre dans les résultats imposables de la personne morale ;
En ce qui concerne les recettes non comptabilisées :
Considérant que l'administration ne justifie pas du rattachement aux résultats de l'année 1991 de sommes versées par la société Mercier en 1989 et en 1990 et inscrites au crédit du compte courant ouvert au nom de M. X dans les écritures de la société Garage X au titre de ces mêmes années ; que les requérants sont donc fondés à solliciter la décharge correspondant à la diminution du résultat imposable de la société Garage X de l'année 1991 d'une somme de 286 989 F (43 751,19 euros) et ainsi de leur revenu imposable de la même année d'une somme de 282 684 F (43 094,90 euros), compte tenu de leurs droits dans la société ;
Sur la compensation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition ;
Considérant que si, par jugement du 28 novembre 1995, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné l'expert-comptable de la société Garage X à verser à cette dernière le supplément d'impôt sur le revenu qu'elle a payé pour avoir omis de comptabiliser en 1988 l'achat de deux véhicules neufs, cette circonstance n'est pas suffisante, compte tenu des imprécisions du jugement, en particulier sur le montant de ces achats, et alors que lors de la première intervention sur place du vérificateur, le 23 juillet 1991, les écritures comptables de l'exercice 1988 n'avaient pas été clôturées, pour justifier de la surtaxe invoquée résultant de l'omission ainsi commise dans les charges déductibles ; que la demande de compensation ne peut donc qu'être rejetée ;
Sur les pénalités :
Considérant que l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, alors en vigueur, prévoit que la décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts doit être prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal qui vise le document comportant la motivation des pénalités ; qu'il résulte de l'instruction que la décision d'appliquer la majoration de 40 % aux indemnités versées par la société Patrick Mercier en 1991 constituant des recettes sociales imposables, n'a pas été signée par un inspecteur principal ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à demander la décharge des pénalités de mauvaise foi appliquées aux dites indemnités ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'excepté la réduction de leur revenu imposable de l'année 1991 d'une somme de 282 684 F (43 094,90 euros) et la décharge des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts appliquées aux indemnités versées par la société Patrick Mercier en 1991, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel entre le comptable du Trésor et M. et Mme X concernant les intérêts moratoires, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. et Mme Raymond X au titre de l'année 1991 est réduite d'une somme de 43 094,90 euros (282 684 F).
Article 2 : M. et Mme X sont déchargés de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : M. et Mme X sont déchargés des pénalités pour mauvaise foi appliquées aux indemnités versées en 1991 par la société Patrick Mercier.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 30 septembre 1999, est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.
99BX02563 - 5 -