Vu la requête, enregistrée le 10 février 2000 au greffe de la cour, présentée pour M. Guy X demeurant ..., par Me Lee Mow Sim, avocat ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant, d'une part à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de la Réunion du 18 janvier 1999 prononçant à son encontre la sanction du déplacement d'office, d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150.000 F en réparation des préjudices matériel et moral qu'il aurait subis du fait de cet arrêté ;
2°) d'annuler par voie d'exception le rapport de l'inspecteur pédagogique du 8 septembre 1997, la décision du recteur de l'académie de la Réunion du 27 avril 1998 retirant son arrêté du 18 décembre 1997, l'avis du conseil de discipline du 18 décembre 1998 ;
3°) d'annuler la décision du 18 janvier 1999 ;
Classement CNIJ : 36-09-05 C
4°) de rétablir l'intéressé dans ses fonctions, grades et traitements, avec reconstitution de sa carrière et de ses droits à l'égard des caisses de retraite de la fonction publique ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 280.000 F en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
6°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2003 :
- le rapport de M. Bichet, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du rapport de l'inspecteur pédagogique du 8 septembre 1997, de la décision du recteur de l'académie de la Réunion du 27 avril 1998 retirant son arrêté du 18 décembre 1997 et enfin de l'avis du conseil de discipline du 18 décembre 1998 :
Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel et comme telles, et en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de la Réunion du 18 janvier 1999 prononçant à l'encontre de M. X la sanction du déplacement d'office :
Considérant que M. X, professeur certifié au lycée Evariste Parny à Saint Paul, a fait l'objet de la sanction disciplinaire du déplacement d'office par arrêté du recteur de l'académie de la Réunion du 18 janvier 1999 pour avoir proféré des propos injurieux et déplacés à l'encontre du chef d'établissement ; qu'il résulte du témoignage du proviseur adjoint que le 7 avril 1997, lors de l'entretien de notation, M. X a tenu, en sa présence et devant le proviseur, des paroles déplacées à l'endroit du chef d'établissement ; qu'il ressort aussi tant du témoignage de deux professeurs, tel qu'il ressort à la fois de la fiche de visite dressée par l'inspecteur pédagogique régional le 8 septembre 1997, que des mentions du constat d'huissier établi le même jour, qu'au cours d'une conversation qu'ils ont eue avec M. X, lors de la rentrée scolaire 1998/1999, ce dernier, après avoir constaté que son nom ne figurait pas parmi l'effectif des enseignants du lycée appelé par le proviseur et qu'il n'était destinataire d'aucun emploi du temps, a expliqué, à la demande de l'un d'eux, la situation litigieuse qui l'opposait au proviseur en utilisant, au cours de l'entretien, deux termes injurieux à l'encontre de ce dernier ; que si ces faits, qui sont les seuls matériellement établis, étaient de nature a justifier une sanction disciplinaire et si l'administration était en droit, compte tenu de la perturbation apportée au bon fonctionnement du service par les mauvaises relations existant entre M. X et le chef d'établissement, de prononcer sa mutation dans l'intérêt du service, lesdits faits n'étaient pas d'une gravité telle, eu égard notamment au contexte dans lequel les propos tenus devant les deux professeurs sont intervenus, et compte tenu de la manière de servir de l'intéressé qui, enseignant depuis 1975, venait d'être promu dans le corps des professeurs certifiés, que le recteur ait pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur ces faits pour infliger à l'intéressé la sanction de déplacement d'office ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté du recteur de l'académie de la Réunion du 18 janvier 1999 est illégal ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant, en premier lieu, que l'illégalité dont est entaché l'arrêté en date du 18 janvier 1999 prononçant le déplacement d'office de l'intéressé est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant que les divers frais que M. X soutient, sans d'ailleurs en justifier, avoir engagés pour les besoins de la procédure n'ont pas le caractère d'un préjudice indemnisable ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. X du fait de l'illégalité de la sanction du déplacement d'office qui lui a été infligée en fixant la réparation de ce préjudice à 3.000 euros ;
Considérant, en second lieu, que M. X demande l'indemnisation du manque à gagner et du retard avec lequel il aurait été titularisé dans le corps des professeurs certifiés, en raison des mesures de suspension prises à son encontre le 9 septembre 1997 puis le 1er septembre 1998 ;
Considérant, d'une part, que la décision de suspension du 9 septembre 1997 a été retirée par décision du 27 avril 1997 ; qu'en l'absence de service fait durant cette période l'intéressé n'est pas fondé à demander le paiement de l'indemnité qu'il percevait en qualité de professeur principal ; que M. X n'invoque aucune faute qu'aurait commise l'administration en prenant cette mesure ; que, par suite, il n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices que lui aurait causés cette décision ;
Considérant, d'autre part, que le présent arrêt qui constate que les fautes commises par M. X étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire est sans incidence par lui-même sur la légalité de la mesure de suspension prise à compter du 1er septembre 1998 ; que le requérant n'invoque aucune illégalité propre de cette décision susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Guy X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de la Réunion en date du 18 janvier 1999 et, par voie de conséquence, toute demande d'indemnité ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou par le même arrêt ;
Considérant que l'annulation de la sanction du déplacement d'office prononcée à l'encontre de M. X implique nécessairement la réintégration de l'intéressé dans les fonctions qu'il exerçait au lycée Evariste Parny à Saint Paul à la date d'intervention de l'arrêté du 18 janvier 1999, avec reconstitution de son ancienneté au regard des droits à mutation ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à cette réintégration, et à cette reconstitution ;
Considérant, par contre, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la sanction du déplacement d'office ait entraîné de conséquences sur le déroulement de la carrière de l'intéressé ; que les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la reconstitution de sa carrière doivent ainsi être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer au requérant une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 20 octobre 1999, ensemble l'arrêté du recteur de l'académie de la Réunion du 18 janvier 1999 infligeant la sanction du déplacement d'office à M. Guy X, sont annulés.
ARTICLE 2 : l'Etat (ministère de l'éducation nationale) est condamné à payer à M. Guy X la somme de 3.000 euros.
ARTICLE 3 : l'Etat versera la somme de 1.000 euros à M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 4 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de réintégrer M. Guy X dans les fonctions qu'il occupait au lycée Evariste Parny à Saint Paul à la date du 18 janvier 1999, ainsi que de procéder à la reconstitution de son ancienneté au regard de ses droits à mutation.
ARTICLE 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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00BX00319