Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 29 janvier 1999, présentée pour M. Franck Y..., demeurant ..., au lieu-dit Ales Pièces Ouest à Jau- Dignac-et-Loirac (33590), par Me Gravellier, avocat à la cour de Bordeaux ;
M. Y... demande à la Cour :
- de réformer le jugement du 3 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête ;
- d'annuler la décision du 8 mars 1995 par laquelle le sous-préfet de Lesparre-Médoc a précisé les mesures d'exécution des décisions de justice relatives aux taxes d'assainissement de l'association syndicale des Mattes du X... Médoc et d'annuler par suite les titres de perception émis par le trésor public, et particulièrement par le trésorier de Saint-Vivien-de-Médoc ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 16 septembre 1807 ;
- Vu la loi du 21 juin 1865 ;
- Vu le décret du 18 décembre 1927 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2001 :
- le rapport de Mme Texier, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement en date du 7 avril 1992, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la requête du groupement foncier agricole (G.F.A.) de Lancelot, considéré que les travaux de drainage réalisés par l'association syndicale des Mattes du Bas-Médoc excédaient, par leur importance, l'objet assigné à l'association syndicale et que la taxe syndicale à laquelle avait été assujetti le G.F.A. de Lancelot au titre de l'année 1991 était illégale en tant qu'elle avait pour but le financement de ces travaux et des frais d'entretien y afférents ; qu'il a, en conséquence, accordé au groupement requérant la réduction de la taxe à laquelle il avait été assujetti ; qu'à la suite de ce jugement, le préfet de la Gironde a arrêté une nouvelle base de répartition des dépenses syndicales et que de nouveaux rôles, rendus exécutoires le 31 décembre 1994, ont été émis pour les années 1988 à 1993 notamment à l'encontre de M. Y..., sur le fondement des nouvelles bases ainsi arrêtées ; que le sous-préfet de Lesparre-Médoc a, par une décision en date du 8 mars 1995, refusé de réviser ces nouvelles bases de répartition ; que M. Y... conteste cette décision ainsi que les titres de recettes émis à son encontre pour les années 1988 à 1993 ;
Sur la légalité de la décision du 8 mars 1995 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que par le jugement susvisé du 7 avril 1992, le tribunal administratif de Bordeaux s'est borné à accorder au groupement foncier agricole de Lancelot la réduction des taxes syndicales mises à sa charge au titre de l'année 1991 en tant qu'elles correspondaient à des dépenses de drainage ; que le tribunal administratif n'a pas annulé la décision qui a fixé les bases de répartition des dépenses et ne pouvait d'ailleurs le faire ; que, dans ces conditions, l'exécution du jugement du tribunal n'impliquait pas, par elle-même, l'intervention d'une nouvelle décision de répartition des dépenses entre tous les propriétaires ; que les nouvelles bases de répartition arrêtées par le préfet de la Gironde en 1994, pour les années 1988 à 1991, sont ainsi entachées d'une rétroactivité illégale ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le sous- préfet de Lesparre-Médoc n'avait pas méconnu le principe de non-rétroactivité en refusant de réviser les nouvelles bases de répartition arrêtées par le préfet de la Gironde ;
Sur les titres de recettes émis à l'encontre de M. Y... :
Considérant, en premier lieu, que dès lors que le préfet de le Gironde n'a pu, sans méconnaître le principe de non- rétroactivité des actes administratifs, fixer de nouvelles bases de répartition des dépenses syndicales pour les années 1988 à 1991, l'association syndicale ne pouvait légalement émettre de nouveaux titres de recettes pour les années en cause, en se fondant sur les nouvelles bases de répartition ainsi arrêtées ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte du jugement susvisé du 7 avril 1992 que les travaux de drainage individuel réalisés par l'association syndicale des Mattes du Bas-Médoc excédaient l'objet assigné à cette association par ses statuts ; que, par suite, l'association ne pouvait, en tout état de cause prétendre, pour recouvrer sur M. Y... les sommes supplémentaires qu'elle prétendait lui être dues, faire usage de l'article 15, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1865, en vertu duquel le recouvrement des créances des associations syndicales de propriétaires Aest fait comme en matières de contributions directes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'annuler les titres de recette émis à son encontre par l'association syndicale des Mattes du Bas-Médoc au titre des années 1988 à 1993 et rendus exécutoires par le préfet de la Gironde le 31 décembre 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. Y... une somme de 6 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui ont été reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 novembre 1998 est annulé.
Article 2 : La décision du sous-préfet de Lesparre-Médoc en date du 8 mars 1995 est annulée, ensemble les titres de recettes émis à l'encontre de M. Y... par l'association syndicale des Mattes du Bas-Médoc au titre des années 1988 à 1993.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. Y... une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.