Vu la requête enregistrée le 6 février 1997 au greffe de la Cour, présentée pour Melle Michèle X..., demeurant ... au Pyla-sur-Mer (Gironde), par Me Ribes, avocat au barreau de Toulouse ;
Mlle X... demande à la Cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 17 octobre 1996 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2?) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3?) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires, ainsi qu'au remboursement des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2000 :
- le rapport de A. DE MALAFOSSE ;
- les observations de Me RIBES, avocat de Mlle X... ;
- et les conclusions de M. HEINIS, commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements contient, sur les motifs de fait et de droit conduisant à remettre en cause les déductions pratiquées par Mlle X... sur son revenu global au titre de l'article 156-I-3? du code général des impôts, des indications suffisantes pour permettre à l'intéressée d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ; qu'ainsi, cette notification n'est pas entachée d'insuffisance de motivation ;
Considérant, en deuxième lieu, que la réponse faite aux observations présentées par Mlle X... sur les redressements notifiés confirme, en les détaillant, les motifs déjà exprimés dans la notification de redressements, et ne modifie pas le montant des redressements précédemment notifiés ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'elle contient un nouveau motif de justification des redressements ne nécessitait pas l'envoi d'une nouvelle notification de redressements ;
Considérant, en troisième lieu, que l'absence de mention, sur cette notification de redressements et cette réponse aux observations du contribuable, du grade de l'agent signataire de ces deux documents n'est pas de nature à entacher la régularité de la procédure d'imposition dès lors, d'une part, que ces documents comportent le nom et la signature de cet agent, d'autre part, que l'administration établit que ce dernier, contrôleur des impôts au centre des impôts d'Arcachon, avait bien qualité pour notifier les redressements litigieux ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la notification de redressements ne mentionne pas les renseignements obtenus de tiers qui ont pu être utilisés par le service pour établir les redressements n'est pas, par elle-même, de nature à entacher la régularité de la procédure, dès lors qu'une telle mention ne doit pas nécessairement être portée dans la notification de redressements mais seulement à un stade de la procédure qui permette au contribuable, le cas échéant, de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, la communication des documents qui contiennent ces renseignements ; que, dans la réponse aux observations de Mlle X..., il a été indiqué à celle-ci qu'étaient tenus à sa disposition tous les plans, travaux et justificatifs conduisant au rejet des déductions qu'elle avait pratiquées ; que Mlle X... a été ainsi mise en mesure de demander et d'obtenir, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ayant servi aux redressements ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas écarté comme ne lui étant pas opposables les actes passés pour la réalisation de l'opération immobilière en litige, mais s'est bornée à vérifier dans quelle mesure les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de l'article 156-I-3? étaient remplies ; que l'examen de la qualification juridique des faits auquel s'est livrée l'administration ne peut s'analyser en la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit prévue par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est établi ...sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation ...3? des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ...cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L. 313-1 à L. 313-15 du code de l'urbanisme ..." ; que l'article 156-I-3? se réfère ainsi, notamment, aux dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'urbanisme, selon lesquelles les opérations de restauration d'immeubles situés à l'intérieur de "secteurs sauvegardés", créés et délimités aux fins et selon la procédure prévue par l'article L. 313-1 du même code, peuvent, en particulier, être décidées et exécutées "à l'initiative" de plusieurs propriétaires, "groupés ou non en association syndicale", auquel cas ceux-ci doivent y être "spécialement autorisés dans des conditions qui seront fixées par un décret en Conseil d'Etat qui précise notamment les engagements exigés d'eux quant à la nature et l'importance des travaux", et à celles de l'article L. 313-2, qui énoncent qu'à compter de la date à laquelle un "secteur sauvegardé" a été délimité, "tout travail ayant pour effet de modifier l'état de l'immeuble est soumis, soit à autorisation dans les conditions et formes prévues pour le permis de construire, soit à autorisation pour les travaux qui ne ressortissent au permis de construire" ;
Considérant qu'il résulte notamment de ces diverses dispositions que sont seuls autorisés à imputer sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de dépenses de restauration d'immeubles situés dans un "secteur sauvegardé", les propriétaires de ces immeubles qui, agissant dans le cadre d'un groupement, ont obtenu, avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle ils ont procédé à cette imputation, les autorisations exigées par les articles L. 313-2 et L. 313-3 du code de l'urbanisme, et ont satisfait à l'obligation d'assumer collectivement la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser, c'est-à-dire de les engager, de les financer et de les contrôler ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association foncière urbaine libre du nouveau Saint-Michel, dont était membre Mlle X..., a demandé le 20 février 1989 et obtenu le 18 juillet suivant, pour l'immeuble litigieux, qui est situé dans le "secteur sauvegardé" de Bordeaux, une autorisation spéciale de travaux valant permis de construire ; qu'elle a passé les marchés de travaux et a, de façon générale, assumé collectivement la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration de cet immeuble ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'administration, l'opération de restauration dont il s'agit a constitué une opération "groupée" ; que l'administration est, toutefois, fondée à relever que la délivrance en 1989 de l'autorisation spéciale de travaux n'autorisait pas Mlle X... à imputer sur son revenu de l'année 1988 le déficit foncier résultant des travaux de restauration ainsi autorisés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X... est seulement fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant au paiement des intérêts moratoires :
Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel sur ce point, ces conclusions sont irrecevables ;
Sur les conclusions présentées par Mlle X... sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mlle X... la somme de 6.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1ER : Il est accordé décharge à Mlle Michèle X... des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 17 octobre 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X... la somme de 6.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.