Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 24 juin et 13 novembre 1991 au greffe de la cour, présentés pour la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE, représentée par son maire en exercice dûment autorisé par délibération du conseil municipal ;
La commune demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 18 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée au principal à verser à Mme Y... à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, Alexandra et Julien, les sommes respectives de 334.497,55 F, 60.000 F et 90.000 F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy, la somme de 13.421,64 F ;
2°) à titre principal de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer un partage de responsabilité entre elle-même et l'Etat ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, de fixer à 76.144,88 F, 23.217,88 F et 50.242,77 F les montants des préjudices économiques subis par les ayants droit de la victime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 1993 :
- le rapport de M. BRENIER conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat pour Mme Josette Y... ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE de DUILHAC-SOUS-PEYREPERTHUSE (Aude) demande la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme Y..., en son nom propre et en celui de ses deux enfants alors mineurs, les sommes de 334.497,55 F, 60.000 F et 90.000 F en réparation des conséquences dommageables subies par elle-même et ses enfants du fait de l'accident mortel survenu à M. Y..., leur mari et père, foudroyé lors de la visite, le 11 août 1986, du château de Peyrepertuse ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE, propriétaire des ruines du château, qui ne conteste pas le défaut d'entretien normal de l'ouvrage, soutient que la responsabilité en incombe à l'Etat ;
Considérant, d'une part, que si le préfet n'a pas fait usage du droit, que lui confère l'article R. 123-28 du code de la construction et de l'habitation en cas de défaillance des autorités municipales, de prendre des mesures de sécurité, il ne résulte, en tout état de cause, pas de l'instruction qu'en s'abstenant de se substituer au maire pour ordonner la mise en place d'un système de protection contre la foudre le préfet ait commis une faute lourde, seule de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que le château de Peyrepertuse est la propriété de la commune ; que la circontance que ce château est classé monument historique n'est pas par elle-même de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur l'évaluation des préjudices indemnisables :
Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en fixant les montants des préjudices matériels de Mme Y..., Melle Y... et M. Julien Y... à 294.497,55 F, 40.000 F et 70.000 F, sommes qui, contrairement à ce que soutient la commune, ne comprennent que le préjudice subi du fait de la perte du seul salaire de M. Y... ;
Considérant, par contre, que les premiers juges ont fait une insuffisante évaluation des préjudices moraux subis par ces mêmes personnes qui, par la voie de l'appel incident, demandent une augmentation des sommes fixées par le jugement attaqué ; qu'il sera fait une juste appréciation des réparations dûes à ce titre en fixant leurs montants à 60.000 F pour Mme Y... et à 30.000 F pour chacun de ses enfants ;
Considérant que le retard apporté par la commune au règlement des sommes dûes aux consorts Y... n'a pas causé à ceux-ci un préjudice distinct de celui qui doit être réparé par le versement d'intérêts moratoires ; qu'ainsi la demande incidente de revalorisation doit être rejetée ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme Y... et ses enfants ont droit aux intérêts des sommes de 354.497,55 F ; 70.000 F et 100.000 F à compter du 2 mai 1989, date de réception de leur demande par le maire de la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 juillet 1992 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant, en revanche, que les conclusions, présentées le 25 juillet 1992, tendant à la capitalisation des intérêts échus le 20 juillet 1990 ne peuvent, en l'absence de demande présentée à cette dernière date, qu'être rejetées ;
Sur l'appel provoqué :
Considérant que, par le présent arrêt, les conclusions de la requête de la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE, tendant à la réduction des condamnations prononcées contre elle par le jugement attaqué, sont rejetées ; que la situation des consorts Y... n'étant ainsi pas aggravée, leurs conclusions d'appel provoqué, dirigées contre l'Etat et tendant à ce que celui-ci soit condamné solidairement avec la commune, ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions, tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE à verser à Mme Y... et ses enfants la somme de 4.000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE est rejetée.
Article 2 : Les sommes de 334.497,55 F, 60.000 F et 90.000 F auxquelles la COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE a été condamnée par le jugement en date du 18 mars 1991 du tribunal administratif de Montpellier sont portées à 354.497,55 F, 70.000 F et 100.000 F. Ces sommes porteront intérêts à compter du 2 mai 1989. Les intérêts échus le 25 juillet 1992 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du 18 mars 1991 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La COMMUNE DE DUILHAC-SOUS-PEYREPERTUSE est condamnée à verser la somme de 4.000 F à Mme Y... et ses enfants au titre des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme Y... et son appel provoqué envers l'Etat sont rejetés.