Vu 1°), enregistré au greffe de la cour les 8 août 1990 et 6 novembre 1990 sous le n° 90BX00494, la requête et le mémoire complémentaire présentés par M. Bernard X... demeurant Escoussans à Targon (Gironde) ;
M. X... demande que la cour :
1°) annule le jugement du 23 mai 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avant dire droit sur sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 à 1984 ainsi que des pénalités y afférentes a ordonné une expertise ;
2°) prononce la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;
Vu 2°), la requête enregistrée sous le n° 91BX00830 le 8 novembre 1991, présentée par M. Bernard X... demeurant Escoussans à Targon (Gironde) ;
M. X... demande que la cour :
1°) annule le jugement du 9 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 ;
2°) prononce la décharge de la totalité des impositions litigieuses ;
Vu 3°), enregistré au greffe de la cour sous le n° 91BX00966 le 23 décembre 1991, le recours présenté par le ministre chargé du budget ; le ministre demande que la cour :
1°) annule le jugement du 9 juillet 1991 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a accordé la décharge de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale auxquels M. X... a été assujetti au titre de l'année 1982 ;
2°) confirme pour les années 1983 et 1984 les redressements tels qu'ils ont été déterminés par le rapport d'expertise du 30 novembre 1990 ;
3°) mette les frais d'expertise à la charge de M. X... à hauteur de 93 % et de 7 % à la charge de l'Etat ; le ministre soutient que M. X... a entendu délibérément réduire son bénéfice taxable en majorant la valeur de son stock au 1er janvier 1981 ; que donc il ne peut se prévaloir de l'intangibilité de son bilan ; qu'en effet il connaissait les règles d'évaluation des stocks en sa qualité de membre d'un centre de gestion agréé ; que de toute façon il n'établit pas que le vin concerné était déjà en bouteilles ;
Vu le jugement attaqué ;
vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 1992, présenté par M. X... qui conclut au rejet du recours en ce qui concerne l'année 1982, au dégrèvement total des redressements relatifs à 1983 et 1984 et à la mise à la charge de l'Etat des frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 1993 :
- le rapport de M. BARROS, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre du budget et les requêtes de M. X... sont relatifs à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale auxquels ce dernier a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué et de l'expertise ordonnée par le tribunal :
Considérant que, d'une part, contrairement à ce que soutient M. X..., le jugement du 9 juillet 1991 du tribunal administratif n'est pas entaché de contradiction au regard de son jugement avant dire droit du 23 mai 1990 ; que le tribunal n'était pas tenu de se prononcer sur la valeur des documents versés au dossier par M. X... relatifs à l'évaluation de son stock dès lors que la méthode d'évaluation qu'il proposait avait été écartée ;
Considérant que, d'autre part, contrairement à ce que soutient M. X..., l'expert a intégralement exécuté la mission qui lui avait été confiée ; qu'il ne lui appartenait pas de se livrer à des constatations ou investigations que cette mission n'impliquait pas ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. X..., viticulteur, a à l'issue d'une procédure contradictoire fait l'objet de redressements au titre de ses bénéfices agricoles afférents aux années 1982, 1983 et 1984 ; que s'il soutient que la notification de redressement du 20 mai 1986 n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, il résulte de l'examen des pièces du dossier que le moyen manque en fait ; que la circonstance que la notification de redressement serait, selon le requérant, fondée sur une interprétation erronée et incomplète des textes applicables est sans influence sur ce point ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'intangibilité du bilan d'ouverture de l'exercice 1982 :
Considérant que le ministre soutient que M. X... ne saurait se prévaloir de l'intangibilité du bilan d'ouverture de l'exercice 1982 dès lors qu'il aurait délibérément surestimé son stock d'entrée au ler janvier 1981 en l'évaluant d'après le tarif des ventes en bouteilles alors qu'il ne possédait que du vin en vrac ; qu'en effet, il résulte de l'instruction comme il sera dit ci-après que bien que son stock n'ait été constitué que de vin en vrac, le contribuable, comme il le soutient d'ailleurs, a non par erreur ou inadvertance, mais volontairement, procédé à une évaluation de son stock en fonction de son mode de commercialisation future, évaluation qui n'était conforme ni aux dispositions du code général des impôts ni à la doctrine administrative ; qu'en raison du caractère délibérément irrégulier de ces écritures celles-ci n'étaient pas opposables à l'administration ; que le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, sur ce point, le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. X... pour l'année 1982 ;
En ce qui concerne la détermination des bases d'imposition :
Considérant que M. X... qui est passé du régime du forfait au régime d'imposition d'après le bénéfice réel à compter du ler janvier 1981, soutient que pour l'appréciation à cette date de la valeur des stocks de vin de son exploitation l'administration a fait une inexacte application des dispositions en vigueur en ne tenant pas compte de la qualité de la production viticole de la propriété et des conditions dans lesquelles il la commercialise ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdeciès OA de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de l'article 69 quater de ce code, "En cas de passage du régime du forfait au régime d'imposition d'après le bénéfice réel : ...les produits de la viticulture en stock à la date du changement de régime d'imposition sont évalués au cours du jour à la même date, sous déduction d'une décote forfaitaire ; un arrêté du ministre de l'économie et des finances fixe les taux de cette décote en fonction de l'âge des produits" ; qu'aux termes de l'article 4-0 de l'annexe IV de ce code : "En cas de passage d'un exploitant agricole du régime du forfait à un régime d'imposition d'après le bénéfice réel, les produits de la viticulture en stock à la date de changement de régime sont évalués en appliquant au cours du jour à la même date une décote calculée comme suit : 1° Décote applicable aux vins : Vins provenant de la dernière récolte levée à la date du changement de régime : 0 % ; Vins provenant de la deuxième et de la troisième récoltes antérieures au changement de régime : 8 % ; Vins provenant de la quatrième, de la cinquième et de la sixième récoltes antérieures au changement de régime : 20 % ; Vins provenant de récoltes plus anciennes : 30 % ..." ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... est passé du régime du forfait au régime d'imposition d'après le bénéfice réel à compter du ler janvier 1981 ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 38 sexdeciès OA de l'annexe III et de l'article 4 O de l'annexe IV au code général des impôts, qui étaient en vigueur à la date de clôture de l'exercice de l'exploitation du 31 décembre 1981 sont, pour la détermination des bases d'imposition de M. X..., seules applicables pour l'évaluation de son stock au 1er janvier 1981 ; qu'il suit de là que le contribuable n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions des articles 38 sexdeciès N et 38 sexdeciès OB de l'annexe III du code général des impôts ; que si, en vertu des dispositions de l'article 38 sexdeciès OG de la même annexe, en cas de passage du régime simplifié au régime du bénéfice réel aucune modification n'est apportée à la valeur des stocks, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que pour l'évaluation des bénéfices agricoles du contribuable il soit tenu compte de la valeur de son stock du 1er janvier de l'année où il est passé du régime forfaitaire au régime simplifié ;
Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 38 sexdeciès OA, le cours du jour s'entend du prix de vente, à la date du changement de régime d'imposition, des vins en vrac, en cubitainer et en bouteilles figurant à cette date dans les stocks de l'exploitant agricole ; que si M. X... est fondé à soutenir qu'il est en droit d'appliquer une méthode d'évaluation adaptée aux spécificités de son exploitation, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, que le contribuable au 1er janvier 1981 n'avait en stock que du vin en vrac ; qu'il suit de là, et alors que la destination de vente en cubitainer et en bouteilles qui a pu être ultérieurement donnée au stock de vin est sans influence sur l'évaluation de la valeur de ce stock au 31 décembre de l'année au cours de laquelle la récolte correspondante a été levée, qu'il y a lieu comme le soutient le ministre de ne retenir que le prix de vente des vins en vrac figurant dans le stock de M. X... au ler janvier 1981 ; que, contrairement à ce que prétend le contribuable, l'évaluation ainsi faite de son stock n'entraîne aucune surimposition ; qu'en revanche il convient de ramener de 166.146 F à 159.549 F la valeur du stock pour 1983, l'expert ayant tenu compte à tort pour procéder à son évaluation de ventes de vin en cubitainer survenues en 1981 alors que l'intégralité du stock était en vrac au 31 décembre 1980 ; qu'enfin le ministre ne saurait, au vu du rapport d'expertise, demander que le redressement initial effectué au titre de l'année 1984 soit augmenté ; qu'il suit de là que le montant des redressements s'élèvent pour 1982 à 169.554 F et pour 1983 à 159.549 F ; qu'il y a lieu de réformer sur ce point le jugement du 9 juillet 1991 ;
Considérant, il est vrai, que M. X... invoque à l'appui de sa demande de décharge des impositions en litige l'illégalité de la doctrine administrative relative à l'évaluation des stocks en cas de passage du régime du forfait à celui du bénéfice réel ; que, toutefois, si le contribuable affirme avoir, comme l'autorisait cette doctrine, écarté la méthode forfaitaire d'évaluation prévue par l'article 38 sexdeciès OA de l'annexe III du code général des impôts, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas appliqué pour évaluer son stock la méthode définie par la même doctrine ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'illégalité des instructions de l'administration sont inopérants ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de modifier la répartition des frais d'expertise telle qu'elle a été effectuée par les premiers juges en en mettant 92 % à la charge de M. X... et 8 % à la charge de l'Etat ;
Article 1er : Le rehaussement du bénéfice agricole de M. X... afférent à l'année 1983 est ramené à cent cinquante neuf mille cinq cent quarante neuf francs (159.549 F).
Article 2 : L'impôt sur le revenu et à la contribution sociale auxquels a été assujetti M. X... au titre de l'année 1983 sont réduits en conséquence du rehaussement fixé à l'article 1er.
Article 3 : M. X... est rétabli à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale afférents à l'année 1982 sur la base d'un rehaussement de bénéfice agricole de cent soixante neuf mille cinq cent cinquante quatre francs (169.554 F).
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mai 1990 seront supportés à concurrence de 92 % par M. X... et de 8 % par l'Etat.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 juillet 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget et de la requête de M. X... est rejeté.