Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés tous deux le 22 avril 1991 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentés pour la S.A.R.L. "POUM et ZETTE", dont le siège est ..., représentée par sa gérante domiciliée au dit siège, qui demande que la cour :
1°) annule le jugement en date du 19 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des cotisations de T.V.A. qui lui ont été assignées pour la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1986 par avis de mise en recouvrement n° 888345-I du 29 mars 1988 ;
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;
3°) décide que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête, il sera sursis à l'exécution du jugement et de l'avis de mise en recouvrement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 1991 :
- le rapport de M. ROYANEZ, conseiller ;
- les observations de Mme X..., gérante de la S.A.R.L. ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision n° 4751, notifiée postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Dordogne a accordé à la S.A.R.L. "POUM et ZETTE" le dégrèvement des droits supplémentaires de T.V.A. et des pénalités y afférentes qui lui avaient été assignés au titre de la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1983 à concurrence de 54.817 F ; que les conclusions de la requête de la dite société sont dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur la charge de la preuve et le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'exercice clos le 31 décembre 1985 :
Considérant qu'aux termes de l'article L 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ..." ; que ces dispositions s'appliquent aux avis émis par lesdites commissions postérieurement au 9 juillet 1987, date de publication au journal officiel des dispositions de la loi du 8 juillet 1987 pré-citée ;
Considérant, d'une part, que la S.A.R.L. "POUM et ZETTE", qui exploite à Bergerac (Dordogne) plusieurs magasins de vente de vêtements et lingerie a fait l'objet en 1986 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1986 ; que le compte caisse de ladite société a présenté, sans aucune justification, au cours de l'exercice 1984-1985, une dizaine de soldes créditeurs qui laissent supposer que les recettes encaissées ont été plus importantes que celles portées en comptabilité ; que dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que la comptabilité de la S.A.R.L. "POUM et ZETTE", qui n'est pas sincère, comporte pour l'exercice clos le 31 janvier 1985, de graves irrégularités ; que le moyen tiré de ce que les premiers juges ont, en matière d'impôt sur les sociétés, estimé que ces irrégularités n'affectaient pas l'exercice 1982-1983 est inopérant ;
Considérant, d'autre part, que les redressements de T.V.A. dudit exercice assignés à ladite société selon la procédure contradictoire ont été établis conformément à l'avis, en date du 10 novembre 1987, de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Dordogne ; qu'il suit de là que la société requérante doit, en application des dispositions précitées de l'article L 192 du livre des procédures fiscales, pour obtenir la décharge des droits supplémentaires contestés, soit établir que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires, suivie par l'administration, est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle proposée par l'administration ;
Considérant que, pour déterminer le chiffre d'affaires toutes taxes comprises, le vérificateur a dégagé à partir des achats revendus hors taxe dans les deux magasins de la société qui lui ont été communiqués un coefficient de marge brute théorique de 2,19 pour le premier magasin et de 2,06 pour le second magasin, très voisin de ceux qui étaient proposés par le contribuable et qui donnent un chiffre d'affaires de 4.861.000 F pour l'exercice 1984-1985 diminué conformément aux propositions de la commission de la somme de 735.000 F ; que compte tenu d'un taux de T.V.A. à 18,60 %, estimé selon les constatations effectuées dans l'entreprise par le vérificateur à 7/12 des ventes et d'un taux à 17,60 représentant les 5/12 restant, le montant des droits supplémentaires de T.V.A. a été calculé à 37.907 F pour l'exercice 1984-1985 ;
Considérant qu'en se bornant à soutenir que cette reconstitution aboutit à un chiffre d'affaires trop élevé, que les associés ne se sont pas enrichis, ou que sa situation de trésorerie démontre qu'elle n'a pu réaliser un tel chiffre d'affaires, la société n'apporte pas la preuve de l'exagération de l'évaluation de ses bases d'impositions pour l'exercice clos le 31 décembre 1985 ;
En ce qui concerne l'exercice clos le 31 décembre 1986 :
Considérant que l'existence, d'une part, de deux soldes créditeurs constatés en tout début d'exercice lors de la vérification de comptabilité mentionnée ci-dessus, d'autre part, d'une variation du coefficient de marge brute par rapport à ceux des exercices antérieurs et de quelques erreurs affectant les inventaires dont la nature et le montant ne sont pas précisés, n'est pas suffisante pour faire regarder la comptabilité de l'exercice clos le 31 janvier 1986 comme irrégulière ; que par suite l'administration qui n'apporte pas la preuve de l'irrégularité de la comptabilité de la société pour l'exercice clos le 31 janvier 1986 ne pouvait procéder à la reconstitution des chiffres d'affaires de la société "POUM et ZETTE" pour cet exercice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la S.A.R.L. "POUM et ZETTE" est seulement fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de T.V.A. qui lui ont été assignés au titre de l'exercice 1985-1986 ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les droits simples et les pénalités en matière de T.V.A. qui ont été assignés à la S.A.R.L. "POUM et ZETTE" au titre de la période du 1er février 1982 au 31 janvier 1983 pour un montant de 54.817 F.
Article 2 : La S.A.R.L. "POUM et ZETTE" est déchargé des droits supplémentaires et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignées au titre de l'exercice clos le 31 janvier 1986 par avis de mise en recouvrement du 29 mars 1988.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 février 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A.R.L. "POUM et ZETTE" est rejeté.