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16/07/2013 | FRANCE | N°12BX03254

France | France, Cour administrative d'appel de, 5ème chambre (formation à 3), 16 juillet 2013, 12BX03254


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Da Ros ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202576 du 9 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juillet 2012 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant

une durée de deux ans ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre a...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Da Ros ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202576 du 9 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juillet 2012 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2013 :

- le rapport de M. Michel Dronneau, président ;

- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;

- les observations de Me Da Ros, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant de nationalité tunisienne, interjette appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 9 octobre 2012, rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2012 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que l'arrêté du 18 juillet 2012 vise les textes dont il fait application et énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite et alors même que la décision attaquée ne comporterait pas de manière exhaustive les éléments tenant à la situation personnelle et familiale dont M. A...entend se prévaloir, la décision portant obligation de quitter le territoire français satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

3. Considérant que si M. A... soutient que le préfet de la Gironde a entaché d'irrégularité la procédure en se fondant sur un procès-verbal de police qui lui aurait été transmis en violation de l'article 11 du code de procédure pénale, il ne peut, à raison de l'indépendance des procédures, utilement invoquer à l'encontre de la procédure suivie devant le juge administratif une violation du secret de l'instruction pénale ; qu'au demeurant il n'est pas établi que ledit procès-verbal provienne d'une procédure pénale ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d 'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ; que M. A...fait valoir qu'il est père d'un jeune garçon, de nationalité française, né le 8 décembre 2009 ; que, cependant, si son état d'impécuniosité l'empêche de contribuer régulièrement à l'entretien de l'enfant, l'intéressé n'établit pas davantage par les éléments qu'il produit, à savoir les copies d'une carte d'anniversaire et d'un colissimo envoyés postérieurement à la décision attaquée ainsi que quelques photos, contribuer à l'éducation de son fils placé dans une famille d'accueil ; qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de la mère de l'enfant qu'il n'y a pas lieu d'écarter, que le requérant n'a que rarement rencontré son fils ; que, dans ces conditions et alors même que le juge des enfants a accordé à l'intéressé, par une ordonnance postérieure à l'arrêté contesté, un droit de visite médiatisé une fois par mois, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code précité ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que selon l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'ainsi qu'il a été exposé au point 4, le requérant n'établit pas contribuer à l'entretien ou à l'éducation de son fils et ne vit d'ailleurs pas avec la mère de l'enfant ; qu'il suit de là que la décision par laquelle le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni méconnu l'intérêt supérieur de son fils ;

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

6. Considérant que la décision contestée vise l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé est entré il y a six mois environ sur le territoire français, sans être en possession des documents et visas exigés à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité et de voyage en cours de validité, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la présente décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite décision serait insuffisamment motivé doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes du 4) de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil relatif au " départ volontaire " : " S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l 'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce " risque de fuite " comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. L'autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. " ;

8. Considérant qu'en estimant que dans les cas énumérés au 3° précité du II de l' article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il existe, sauf circonstance particulière, un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, le législateur, a, pour définir le risque de fuite prévu par les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008, retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec cette directive, notamment avec les objectifs de proportionnalité et d'efficacité poursuivis par celle-ci ; qu'ainsi, le moyen invoqué par M.A..., et tiré de l'incompatibilité de la loi postérieure à la directive précitée, doit être écarté ;

9. Considérant que si le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'inexactitudes matérielles en ce que, contrairement à ce que fait valoir le préfet, il dispose d'un domicile fixe, l'attestation d'hébergement peu circonstanciée qu'il produit, selon laquelle il est hébergé par Mme C...à L'Isle-Saint-Denis, est contredite par ses déclarations lors de son audition par les services de police, selon lesquelles il a indiqué être domicilié... ;

10. Considérant que la circonstance que l'intéressé honorerait ses rendez-vous avec les services sociaux, à la supposer fondée, ne saurait suffire à entacher d'erreur manifeste d'appréciation la décision contestée du préfet, dès lors que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire et qu'il ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes en l'absence de domicile fixe ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification./ (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui a rappelé les dispositions de droit applicables, a motivé l'interdiction de retour sur le territoire en visant l'entrée irrégulière de l'intéressé, l'absence de domicile fixe et de ressources, le défaut de justification de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et l'existence d'une fausse déclaration de nationalité lors d'un précédent séjour, outre trois condamnations pour séjour irrégulier ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., dont la situation personnelle a été examinée par le préfet, n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision d'interdiction de retour, l'illégalité dont serait entachée l'obligation de quitter sans délai le territoire français ; que la circonstance qu'il soit l'auteur d'un ouvrage intitulé " Ma vie de clandestin en France ; 17 ans d'errance dans la France d'en dessous ", écrit sous un pseudonyme, n'établit pas que le motif du préfet tiré de l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France soit erroné, pas plus que le fait qu'il soit occasionnellement hébergé en France par une amie n'établit que l'absence de domicile fixe, également relevée par le préfet, soit inexacte ; qu'il résulte de ce qui précède et de l'ensemble des pièces du dossier que l'interdiction de retour de deux ans prononcée par le préfet n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, quand bien même l'intéressé avait, à la date de la décision, entrepris des démarches auprès du juge des enfants pour son fils, qui ont abouti, postérieurement à celle-ci, à la reconnaissance de son droit de visite ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M.A..., n'appelle pas de mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde d'effacer du fichier Schengen l'interdiction de retour du territoire et de réexaminer sa situation, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

16 Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au conseil de M.A..., en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, la somme qu'il demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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No 12BX03254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX03254
Date de la décision : 16/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: M. Michel DRONNEAU
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-16;12bx03254 ?
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