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12/12/2023 | FRANCE | N°23TL02371

France | France, Cour administrative d'appel, 12 décembre 2023, 23TL02371


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure :



La communauté de communes du Pays viganais a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de désigner un expert, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, chargé de se prononcer sur les désordres affectant le bâtiment de B... des finances suite au phénomène météorologique survenu le 2 mars 2020 et d'indiquer le coût nécessaire pour remédier à ces désordres et, d'autre part, de réserve

r les frais irrépétibles et les dépens.



Par une ordonnance n° 2300943 du 12 septembr...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays viganais a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de désigner un expert, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, chargé de se prononcer sur les désordres affectant le bâtiment de B... des finances suite au phénomène météorologique survenu le 2 mars 2020 et d'indiquer le coût nécessaire pour remédier à ces désordres et, d'autre part, de réserver les frais irrépétibles et les dépens.

Par une ordonnance n° 2300943 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2023, la communauté de communes du Pays viganais, représentée par Me Bernardin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 septembre 2023 rendue par le tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de désigner un expert aux missions de :

- se rendre sur les lieux, entendre tout sachant et se faire communiquer tout document qu'il estimera utile à l'exécution de sa mission ;

- examiner et décrire les désordres ayant affecté le bâtiment dit B... des finances, du fait du phénomène météorologique survenu le 2 mars 2020 ; décrire ce phénomène si besoin au recours d'un sapiteur ;

- donner tous les éléments permettant au tribunal de porter une appréciation sur les causes et les origines des désordres ayant affecté le bâtiment de B... des finances et, dans l'hypothèse de causes multiples, déterminer dans quelles proportions chacune d'elles est responsable de ces désordres ;

- recenser les sinistres imputables à ce même épisode météorologique du 2 mars 2020 dans la commune du Vigan ou dans les communes avoisinantes et dire s'ils ont concerné des bâtiments de bonne construction ;

- indiquer le coût des travaux nécessaires pour remédier à ces désordres ;

- d'une manière générale, fournir tous éléments de nature à permettre d'apprécier ses préjudices ;

3°) de réserver les dépens ainsi que les frais non-compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'a pas été signée et méconnaît ainsi l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le premier juge a omis de statuer sur le moyen tiré du manque d'impartialité de l'expertise réalisée, lequel n'était pourtant pas inopérant ;

- les conclusions de l'expertise mandatée par son assureur la société mutuelle d'assurance des collectivités locales sont irréalistes ainsi que l'établit le rapport du bureau d'études Calder Ingénierie, ce qui rend indispensable la conduite d'une nouvelle expertise préalablement à l'introduction d'une demande indemnitaire devant le tribunal ;

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'expertise amiable réalisée par le cabinet Elex n'est pas de son fait, mais de celui de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, et cette expertise n'a pas eu pour effet de déterminer le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres ;

- la mesure d'expertise est utile dès lors que l'expertise amiable, qui est entachée d'imprécisions, a été menée par une société ne disposant pas des compétences techniques nécessaires et ne se prononçant pas sur le coût définitif des travaux engagés,

- les pièces qu'elle produit démontrent qu'il existe une divergence d'appréciation sur l'origine du désordre et qu'en définitive la cause réelle du dommage reste inconnue à ce jour ;

- la mesure d'expertise est utile en raison de la nécessité pour elle d'établir le coût définitif des travaux engagées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, la société mutuelle d'assurances des collectivités locales, représentée par le cabinet Gil-Gros-Crespy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté de communes du Pays viganais de la somme de 2 000 euros.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'établissement public requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes du Pays viganais est propriétaire d'un bâtiment dit B... des finances sis au 30A route du pont de la croix, au Vigan (Gard). Une partie de la toiture de ce bâtiment s'est envolée au cours de l'épisode de vent violent survenu le 2 mars 2020. Devant le refus opposé par son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, de garantir les travaux de réparation qu'elle a dû effectuer, la communauté de communes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner une expertise aux fins de déterminer l'origine des désordres survenus sur le bâtiment. Par une ordonnance du 12 septembre 2023 dont la communauté de communes du Pays viganais relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple demande et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. Il appartient au juge des référés, saisi en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'apprécier l'utilité de la mesure d'expertise demandée au vu des pièces du dossier, notamment des expertises déjà réalisées, et des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, cette mesure. Ainsi, la seule circonstance qu'une expertise ait déjà été réalisée ne dispense pas le juge d'apprécier l'utilité d'une nouvelle expertise demandée.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société mutuelle d'assurance des collectivités locales a diligenté une expertise amiable auprès du cabinet Elex aux fins de déterminer si les dommages subis par le bâtiment dit B... des finances étaient susceptibles d'être couverts par la garantie contractuelle " Tempête ". Le rapport, qui a fait l'objet d'un accedit le 15 février 2021, conclut à l'absence d'évènement météorologique de nature suffisamment importante pour être à l'origine des désordres subis par B... des finances en raison notamment de l'absence de relevé de vent supérieur à 62,8 kilomètres par heure sur la station météorologique la plus proche. L'expert estime que la survenue du dommage a été rendue possible par l'existence d'un défaut de construction au niveau de la charpente et de la toiture, qui a été révélé par l'épisode venteux. La société mutuelle d'assurance des collectivités locales a ainsi refusé d'appliquer la garantie contractuelle susmentionnée en raison de l'absence de lien de causalité entre l'évènement météorologique du 2 mars 2020 et les désordres causés à B... des finances.

5. La communauté de communes du Pays viganais a toutefois produit un rapport avant-travaux établi par le bureau de contrôle Veritas en 2008 sur le bon état du bâtiment et de la toiture et des tests de résistance réalisés par le bureau d'études Calder le 9 décembre 2021 concluant à l'impossibilité d'un soulèvement de la toiture avec un vent d'une vitesse de 66 kilomètres par heure et qui contredisent ainsi l'hypothèse du défaut de construction comme unique cause des dommages. L'établissement public de coopération intercommunale a d'ailleurs adressé à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales par un courrier du 5 avril 2022 une critique circonstanciée du rapport d'expertise du cabinet Elex et qui concerne tant les approximations matérielles commises par l'expert tenant à la structure même de la charpente et de la couverture du toit que l'analyse superficielle des données météorologiques disponibles. Il est en outre constant que, d'une part, deux autres bâtiments situés sur la commune du Vigan, un garage et un centre commercial, ont subi des dégâts le même jour et que, d'autre part, la communauté de communes a sollicité et obtenu de Météo France un certificat attestant de la forte vraisemblance d'un épisode venteux d'une intensité supérieure à 110 kilomètres par heure sur la commune du Vigan à la date de survenue des désordres. Il résulte de ces éléments que pourrait exister un lien de causalité entre ce phénomène météorologique et les désordres causés à B... des finances, une telle hypothèse ayant par ailleurs déjà été avancée dans le diagnostic solidité effectué par la société Socotec le 6 mars 2020. Alors que l'expertise réalisée à la demande de l'assureur ne présente pas des garanties suffisantes et équivalentes à celle d'une mesure d'instruction ordonnée par une juridiction, une expertise contradictoire apparaît de nature à éclairer les parties sur l'origine et l'imputabilité des désordres causés à B... des finances. L'expertise permettra de déterminer rapidement d'éventuelles suites contentieuses sur le manquement invoqué à ses obligations contractuelles commis par la société mutuelle d'assurance des collectivités locales en refusant d'appliquer la garantie " Tempête ", alors que la communauté de communes du Pays viganais expose avoir entièrement financé le coût des travaux de réparation de B... des finances, à hauteur de 153 877,38 euros. Par suite, la mesure demandée entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la communauté de communes du Pays viganais.

Sur les réserves exprimées :

7. Il n'appartient pas au juge administratif de donner actes de protestations ou de réserves. Les conclusions de la communauté de communes du Pays viganais en ce sens doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les conclusions de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors que la communauté de communes du Pays viganais n'est pas la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 12 septembre 2023 est annulée

Article 2 : Il sera procédé à une expertise contradictoire entre les parties.

Article 3 : M. C... A..., domicilié à Saint-Gély-du-Fesc, expert en bâtiment/étude de risque, aura pour mission de :

- se rendre sur les lieux et se faire communiquer tout document qu'il estimera utile à l'exécution de sa mission et le cas échéant entendre tout sachant ;

- examiner et décrire le phénomène météorologique survenu le 2 mars 2020 à proximité du bâtiment dit B... des finances sis 30A route du Pont de la croix au Vigan, ainsi que les désordres ayant affecté ce bâtiment depuis cette même date ;

- produire tous éléments permettant à la juridiction saisie d'apprécier le lien de causalité entre ce phénomène météorologique et lesdits désordres ; dans l'hypothèse de causes multiples, déterminer la proportion relevant de chacune d'elles ;

- recenser les sinistres imputables au phénomène météorologique du 2 mars 2020 dans la commune du Vigan ainsi que les communes avoisinantes, et dire s'ils ont affecté des bâtiments de bonne construction ;

- détailler le coût des travaux nécessaires pour remédier à ces désordres ;

- d'une manière générale, fournir tous éléments de nature à permettre d'apprécier les préjudices subis par la communauté de communes du Pays viganais.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera les frais et honoraires.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté de communes du Pays viganais, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales et à M. C... A..., expert.

Fait à Toulouse, le 12 décembre 2023.

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N° 23TL02371 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 23TL02371
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GIL, CROS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23tl02371 ?
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