Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société PDS Events a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune du Gosier à lui verser une provision d'un montant total de 16 147 863 euros, correspondant au paiement des rémunérations et des avances dues au titre des années 2017, 2018 et 2019 en exécution de la convention de délégation de service public conclue entre elles.
Par une ordonnance n° 2300193 du 23 mai 2023, le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.
Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 juin 2023, le 15 septembre 2023 et le 9 novembre 2023, la société PDS Events, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, membre de l'AARPI Adaltys, agissant par Me Heymans, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 2300193 du 23 mai 2023 ;
2°) de condamner la commune du Gosier à lui verser la somme de 16 147 863 euros à titre de provision ;
3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par la commune du Gosier ;
4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance :
- c'est à tort que le premier juge a rejeté comme irrecevable sa demande au motif qu'elle n'avait pas mis en œuvre le mécanisme de la conciliation préalable prévu à l'article 29 de la convention de délégation de service public ; elle a bien mis en œuvre ce mécanisme ainsi qu'en témoigne son courrier du 9 septembre 2020 par lequel elle a exposé à la commune leur différend, demandé le paiement des sommes dues en application du contrat et sollicité la mise en place d'une conciliation préalable ; elle a donné une réelle chance à la procédure de règlement amiable du litige ; sa demande de première instance n'était donc pas irrecevable ;
En ce qui concerne l'obligation non sérieusement contestable qu'elle détient sur la commune :
- la prescription quadriennale n'est pas opposable aux sommes dont elle demande le paiement ; les différentes demandes qu'elle a adressées à la commune depuis 2017, pour obtenir le paiement des sommes dues en exécution du contrat, ont interrompu le cours de la prescription ;
- les sommes demandées ne sont pas sérieusement contestables dès lors que leur paiement découle de l'exécution des clauses du contrat, relatives à la rémunération du régisseur et le paiement des avances ; le contrat ne prévoit aucune sanction en cas de retard de communication par le régisseur des états justificatifs exigés pour obtenir le paiement des avances ;
- concernant la rémunération due au titre de l'année 2017, les sommes dues par la commune se rapportent aux dépenses du régisseur, à la rémunération de celui-ci, soit 783 786 euros si l'on tient compte des sommes dues par ledit régisseur au délégataire (recettes et redevances) ; s'agissant des avances dues au titre de l'année 2017, elle est en droit d'obtenir une somme de 611 000 euros au titre des pénalités de retard ;
- concernant la rémunération due au titre de l'année 2018, les sommes dues par la commune se rapportent aux dépenses du régisseur, à la rémunération de celui-ci, soit 414 621 euros si l'on tient compte des sommes dues par ledit régisseur au délégataire (recettes et redevances) ; s'agissant des avances dues au titre de l'année 2018, elle est en droit d'obtenir une somme de 6 665 500 euros au titre des pénalités de retard ;
- concernant la rémunération due au titre de l'année 2019, les sommes dues par la commune se rapportent aux dépenses du régisseur, à la rémunération de celui-ci, soit 851 456 euros si l'on tient compte des sommes dues par ledit régisseur au délégataire (recettes et redevances) ; s'agissant des avances dues au titre de l'année 2019, elle est en droit d'obtenir une somme de 6 210 500 euros au titre des pénalités de retard ;
- elle a subi divers préjudices dès lors que ses actifs inscrits à son bilan se sont dégradés, qu'elle fait face à une dette importante ; elle subit également un préjudice commercial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, la commune du Gosier, représentée par la SELARL Landot et Associés, agissant par Me Landot et Me Karamitrou, conclut :
1°) au rejet de la requête de la société PDS Events ;
2°) à ce que la société soit condamnée, à titre reconventionnel, à lui verser la somme de 3 176 867,08 euros à parfaire ;
3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de première instance est irrecevable à défaut pour la société d'avoir mis en œuvre le mécanisme de conciliation préalable à la saisine du juge prévu à l'article 29 de la convention de délégation de service public ; au fond, elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ; enfin, elle soutient qu'elle est en droit d'obtenir, à titre reconventionnel, la condamnation de la société PDS Event à lui verser la somme de 3 176 867,08 euros représentant le trop-perçu de rémunérations et d'avances dont cette dernière a bénéficié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. C... A... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Gosier a conclu avec la société PDS Events, le 14 décembre 2015, une convention de délégation de service public confiant à cette dernière, sous la forme de régie intéressée, l'exploitation du Palais des sports et de la Culture du Gosier. Conclu pour une durée initiale de quatre ans, ce contrat a fait l'objet de plusieurs avenants dont le dernier signé le 14 décembre 2019 a notamment prolongé sa durée d'exécution jusqu'au 13 décembre 2020. Par deux courriers du 22 juillet 2020 et du 21 août 2020, la société PDS Events a notamment demandé au maire du Gosier de lui régler l'avance contractuelle due par la commune au titre de l'année 2020 ainsi que les pénalités de retard y afférentes.
2. La commune n'ayant pas fait droit à la demande de la société PDS Events, celle-ci a, le 26 octobre 2020, saisi une première fois le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que la commune du Gosier soit condamnée à lui verser une provision de 860 076 euros correspondant au paiement de l'avance due au régisseur au titre de l'année 2020 en exécution de la convention de la délégation de service public ainsi que la somme de 244 000 euros à titre de pénalités de retard. Par une ordonnance n° 2000955 du 24 mars 2021, le juge des référés a entièrement fait droit à la demande de la société PDS Events. Saisi au fond du même litige, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, par jugement n° 2000950 du 24 janvier 2023, rejeté la demande présentée par la société PDS Events et condamné celle-ci à rembourser à la commune du Gosier la provision qu'elle avait perçue à la suite de l'ordonnance précitée du 24 mars 2021.
3. Le 14 février 2023, la société PDS Events a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation de la commune du Gosier à lui verser une provision de 16 147 863 euros correspondant aux sommes auxquelles elle a droit, selon elle, au titre des avances contractuelles et des rémunérations du régisseur en exécution de la délégation de service public pour la période 2017, 2018 et 2019. Par une ordonnance n° 2300193 du 23 mai 2023, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, juge des référés, a rejeté la demande de la société PDS comme irrecevable. La société PDS Events relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article 29 du contrat de délégation de service public : " Les différends sont soumis à une instance de conciliation composée de trois membres : le premier désigné par le délégant, le second par le régisseur et le troisième par les deux premiers. A défaut d'accord dans un délai de quinzaine sur la personne du troisième membre, sa désignation est effectuée par le tribunal administratif territorialement compétent statuant à la requête de la partie la plus diligente. La commission ainsi constituée doit rendre sous deux mois un avis et/ou des propositions que les parties s'engagent à examiner de bonne foi. A défaut d'accord se traduisant par un avenant aux présentes dans un délai de deux mois à compter de la remise des conclusions de la commission ou, dans ce même délai, si la commission ne fait pas de proposition, le différend est alors soumis au tribunal administratif territorialement compétent à la requête de la partie la plus diligente ".
5. Les stipulations précitées prévoient la mise en œuvre, avant la saisine du juge administratif, d'une procédure de conciliation préalable faisant intervenir une instance collégiale. L'existence même de ce mécanisme prévu au contrat fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé. Cependant ce dernier peut être saisi dès lors qu'une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que l'autorité délégante se soit prononcé au terme de cette procédure.
6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 9 septembre 2020, la société PDS Events a demandé au maire du Gosier de mettre en place l'instance de conciliation prévue à l'article 29 de la convention en précisant qu'elle avait désigné le premier membre de cette instance en la personne de M. B..., et qu'à défaut de diligence de la part de la commune sous huitaine, elle se verrait contrainte de saisir le tribunal administratif. De plus, eu égard à ses termes, ce courrier du 9 septembre 2020 portait sur les sommes dues à la société PDS Events à titre d'avances et de rémunérations contractuelles non seulement pour l'année 2020 mais aussi pour les années 2017, 2018 et 2019 contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe.
7. Même si le délai de huit jours évoqué par la société PDS Events dans son courrier du 9 septembre 2020 n'est pas prévu au contrat, il incombait à la commune du Gosier de procéder, dans un délai raisonnable, à la désignation du deuxième membre de l'instance de conciliation à constituer en application de l'article 29 de la convention de délégation de service public s'agissant du différend qui opposait les parties contractantes. Il est constant que la commune du Gosier n'a jamais procédé à la désignation du deuxième membre de l'instance, ce qui a fait obstacle à la mise en place de l'instance de conciliation alors que la société PDS Events s'est, pour sa part, bien conformée aux stipulations précitées de l'article 29 de la convention en litige. Dans ces circonstances, l'absence de mise en place de l'instance de conciliation ne pouvait être opposée à la demande de la société PDS Events.
8. Il résulte de ce qui précède que la société PDS Events est fondée à soutenir que c'est à tort que, à l'article 1er de l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande comme irrecevable faute d'avoir soumis son différend à l'instance de conciliation préalable prévue au contrat.
9. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette la demande de provision présentée par la société PDS Events, de statuer par la voie de l'évocation sur cette demande de provision et, au titre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les autres conclusions.
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :
10. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
11. Aux termes de l'article 13.1 du contrat de délégation de service public : " 13.1 Avances et pénalités de retard. Avant le 20 de chaque mois, le régisseur produira un état détaillant l'ensemble des dépenses de la régie effectuées pour le compte du délégant. (...) Les avances seront sur cette base versées avant le 10 du mois suivant. A défaut, des pénalités de retard seront appliquées de cinq cents euros (500,00) par jour. Le montant de l'avance est égal à 1/12ème des dépenses prévisionnelles de l'exercice prévue au Cep (...) ". L'article 13.2 de la même convention stipule, quant à lui, que le régisseur doit reverser l'intégralité des recettes qu'il a encaissées au délégant. Par ailleurs, aux termes de l'article 13-3 du contrat, introduit par l'avenant n° 3 signé le 14 décembre 2019 : " Détermination du versement de la rémunération du régisseur. Modalité du calcul de la rémunération du régisseur. Le régisseur percevra une rémunération composée d'une part fixe et d'une part variable définie en fonction de critères de performances techniques et financières. La part fixe est arrêtée à un montant annuel correspondant à la contribution nécessaire à la couverture des charges fixes renseignées au CEP conventionnel annexé. La part variable sera déterminée en fonction du niveau de recettes générées par l'activité du régisseur et les dépenses engagées pour le compte du délégant. (...) La part variable ne pourra être positive que dans la mesure où la fraction des recettes précitées sera supérieure aux dépenses (...) ".
12. Il apparaît, au vu des stipulations précitées de l'article 13.1 de la convention de délégation de service public, que le délégataire a droit à percevoir des avances sur les dépenses qu'il a engagées ainsi qu'à une rémunération composée d'une part fixe et d'une part variable définies à l'article 13.3, également précité, de la convention. S'agissant des avances, leur versement est conditionné à la présentation par la société PDS Events, avant le 20 de chaque mois, d'un état détaillant l'ensemble des dépenses de la régie. S'agissant de la rémunération du régisseur, il résulte des stipulations de l'article 13.3 précité qu'elle est composée d'une part variable déterminée en fonction, notamment, du niveau des dépenses engagées pour le compte du délégant, cette part variable ne pouvant être positive que dans la mesure où la fraction des recettes encaissées serait supérieure aux dépenses. Afin d'établir le montant de ses dépenses, la société PDS Events produit quelques courriels adressés à l'autorité délégante contenant un lien internet renvoyant à ses documents comptables, une attestation de son expert-comptable, des tableaux de ventilation de ses dépenses et recettes ainsi que ses bilans des années 2017 à 2019. Toutefois, les sommes demandées, qui s'appuient sur des documents émanant exclusivement de la société PDS Events, sont contestées par la commune du Gosier. Aussi, au vu des éléments du dossier, la créance invoquée n'apparaît pas justifiée par des éléments permettant de retenir son existence avec un degré suffisant de certitude compte tenu de l'office du juge des référés. Dans ces conditions, la créance invoquée par la société requérante ne présente pas un caractère non sérieusement contestable dès lors qu'elle présente à juger des questions de fait soulevant des difficultés sérieuses qu'il appartient au juge du fond, auquel il est loisible aux parties de recourir, de trancher.
Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la commune du Gosier :
13. A titre reconventionnel, la commune du Gosier demande la condamnation de la société PDS Events à lui verser la somme de 3 176 867,06 euros représentant, selon elle, le trop-perçu dont cette dernière aurait bénéficié entre 2017 et 2019. Ce montant, calculé en additionnant les redevances dues au délégataire, les avances versées et les dépenses déclarées par le délégataire, est contesté par la société PDS Events et n'est pas non plus établi au dossier par des éléments justificatifs permettant de le retenir avec un degré suffisant de certitude. Dans ces conditions, la demande reconventionnelle de la commune du Gosier présente à juger des questions de fait soulevant des difficultés sérieuses qu'il appartient au juge du fond, auquel il est loisible aux parties de recourir, de trancher. Dès lors, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal a rejeté les conclusions reconventionnelles de la commune du Gosier.
Sur les frais de l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance n° 2300193 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 mai 2023 est annulée.
Article 2 : Les conclusions de première instance de la société PDS Events et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles présentées par la commune du Gosier sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PDS Events et à la commune du Gosier.
Fait à Bordeaux, le 4 décembre 2023.
Le juge des référés,
C... A...
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 23BX01530 2