Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 avril 2025 par lequel le préfet de Guyane l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par une ordonnance n° 2500680 du 16 mai 2025, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la contrariété manifeste des articles L. 521-7, L. 542-2 et L. 931-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec le droit de l'Union européenne ;
3°) d'annuler l'ordonnance du 4 avril 2025 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;
4°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision d'éloignement contestée est susceptible d'être exécutée d'office ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de ne pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants dès lors que le territoire haïtien subit une situation de violence aveugle généralisée d'une intensité exceptionnelle à laquelle il est particulièrement exposé en raison de sa région d'origine et qu'il appartient au préfet, lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé le bénéfice de la protection subsidiaire en application du 4° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de démontrer l'absence de risque de mauvais traitements ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à un recours effectif qui implique qu'il puisse se maintenir sur le territoire français pendant l'examen du recours formé contre la décision de l'OFPRA devant la Cour nationale du droit d'asile, les articles L. 521-7, L. 542-2 et L. 931-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant manifestement incompatibles avec l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de son enfant en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. M. B..., ressortissant haïtien né le 16 mai 1995, qui déclare être entré en France, par la Guyane, courant 2015, a déposé une demande d'asile le 26 juin 2017 qui a été rejetée par l'Office français de protection de réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 décembre 2017. A la suite de son interpellation et de son placement en garde à vue pour violences volontaires par concubin, le préfet de la Guyane a pris le 30 avril 2025 un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant Haïti comme pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. M. A... a formé auprès de l'OFPRA une demande de réexamen qui a été rejetée par une décision du 9 mai 2025 et indique avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle pour saisir la CNDA. Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administratif, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Guyane du 30 avril 2025. Il relève appel de l'ordonnance du 16 mai 2025 rejetant sa demande.
3. En premier lieu, M. B... soutient que les dispositions des articles L. 521-7, L. 542-2 et L. 931-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaîtraient le droit au recours effectif garanti par l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale en ce qu'elles prévoient la possibilité de refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile, de procéder à un examen accéléré d'office de sa demande d'asile, de mettre fin à son droit au maintien sur le territoire dès la notification de la décision de l'OFPRA et de prendre une mesure d'éloignement ou de l'exécuter si elle est déjà prise, sans qu'un recours de plein droit et effectif suspendant l'exécution de cette mesure tant que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas statué soit disponible, compte tenu des dispositions de ce code écartant, notamment en Guyane, l'application des dispositions prévoyant l'existence d'un tel recours.
4. L'article L. 931-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les titres Ier et II du présent livre, à l'exception de l'article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guyane ". Aux termes de l'article L. 651-4 du même code : " L'étranger qui demande au tribunal administratif l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet peut assortir son recours d'une demande de suspension de son exécution, sans préjudice des dispositions du 1° de l'article L. 761-5. / En conséquence, les articles L. 614-1 à L. 614-4 et les articles L. 614-16 à L. 614-18, ne sont pas applicables en Guyane. Toutefois, les dispositions de l'article L. 922-3 sont applicables à la tenue de l'audience mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du code de justice administrative lorsque l'étranger a saisi le tribunal administratif d'une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code ". Aux termes de l'article L. 761-4 de ce code : " Les articles L. 700-2, L. 722-7, L. 722-12, L. 732-8, L. 743-20, L. 751-1 à L. 751-13, L. 754-2, L. 754-4 et L. 754-5 ne sont pas applicables en Guyane ". Aux termes de l'article L. 761-5 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir en Guyane : / 1° Si l'autorité consulaire le demande, avant l'expiration du délai d'un jour franc à compter de la notification de cette décision ; / 2° Si l'étranger a saisi le tribunal administratif d'une demande sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique en application du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du même code, ni, si les parties ont été informées d'une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande ".
5. Il ressort des dispositions citées au point précédent, notamment de celles de l'article L. 761-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que les décisions de refus de maintien sur le territoire français lorsque la Cour nationale du droit d'asile est saisie peuvent faire l'objet du recours en référé régi par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui permettent à l'intéressé de saisir un juge administratif en mesure de prononcer dans un délai très bref la suspension de l'exécution de ces décisions ainsi que de prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Dans ces conditions, M. B... n'est manifestement pas fondé à soutenir que les dispositions contestées porteraient atteinte au droit à un recours effectif garanti par le droit de l'Union européenne.
6. Au demeurant, il résulte de l'instruction conduire par le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane que M. B... a pu déposer, pendant sa rétention, une demande d'asile, laquelle a été transmise à l'OFPRA, qu'aucune mesure d'éloignement ne pouvait et n'a été mise à exécution à son endroit avant la notification de la décision de l'OFPRA statuant sur cette demande, et qu'il a pu contester devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, si M. B... se prévaut de sa vie familiale en France en raison de sa vie commune depuis 2021 avec sa compagne de nationalité française et de la naissance le 25 mai 2022 de leur fils, dont il soutient s'occuper quotidiennement, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane a relevé, d'une part, que le concubinage a cessé à la suite des actes de violences ayant justifié son interpellation et, d'autre part, que l'intéressé, qui ne justifie pas de l'existence d'une quelconque intégration dans le tissu économique et social français, ne produit pas de pièces suffisantes pour tenir pour établie la stabilité et l'intensité de la vie familiale invoquée. Il en a déduit que l'intéressé n'était pas fondé à soutenir que les décisions contestées porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... n'apporte en appel aucun élément susceptible d'infirmer l'appréciation retenue par le juge des référés de première instance.
8. En troisième lieu, il n'a pas été contesté, en défense devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, que la situation prévalant actuellement en Haïti, où les affrontements entre gangs armés et la défaillance des forces de sécurité caractérisent un conflit armé au sens des dispositions du 3° de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui génère, à l'égard de la population civile, une violence aveugle, et que cette violence peut être regardée comme atteignant, dans les départements de l'Ouest, de l'Arbonite et à Port-au-Prince, un niveau si élevé que tout civil courrait, du seul fait de sa présence sur ces parties du territoire d'Haïti, un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne. Toutefois, pour estimer que la décision litigieuse ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit de l'intéressé de ne pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a relevé que M. B..., qui, selon ses propres déclarations, a quitté Haïti pour la France depuis une dizaine d'année, ne démontre ni qu'il disposerait de réelles attaches dans le département de l'Ouest, ou à Port-au-Prince, ni qu'il ne pourrait pas rejoindre, à partir de l'aéroport de Cap haïtien, qui n'est pas situé dans une zone caractérisée par une violence aveugle d'une intensité exceptionnelle, une autre partie du territoire de son pays d'origine. Les éléments avancés par M. B... en appel, par leur généralité, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du juge des référés en première instance. Cependant, ainsi que l'a précisé le juge des référés du tribunal, il appartiendrait à l'administration de s'abstenir d'exécuter la mesure d'éloignement à destination d'Haïti en cas de nouvel élément ayant pour conséquence de faire obstacle à cette mesure.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. B... n'est manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code, sans qu'il y ait lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 18 juin 2025
Signé : Anne Courreges