Vu la procédure suivante :
Mme F... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités aux enfants C..., B... et E... A... dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser. Par une ordonnance n° 2508108 du 13 mai 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, admis Mme D... à l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D..., agissant en son nom propre et au nom C... A... et B... A..., ses enfants, et de E... A..., sa petite-fille, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 mai 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, C... et B... vivent sans leurs parents, leur père étant décédé, et ne peuvent être hébergés chez une personne de confiance, en deuxième lieu, le mariage forcé C... avec l'homme qui l'a violée est fixé au 15 mai 2025 et l'excision de sa fille, E..., est imminente, en troisième lieu, B... souffre de carences alimentaires et, en dernier lieu, elle a toujours agi avec célérité et diligence pour entreprendre les démarches nécessaires à la venue de ses enfants en France ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de la vie privée et familiale, à l'intérêt supérieur de l'enfant, à la liberté de se marier et à la dignité humaine ;
- c'est à tort que le juge des référés a retenu qu'il existe un doute sur le lien de filiation entre elle et ses enfants et sa petite-fille dès lors que, d'une part, la levée d'acte effectuée par le consulat n'est pas probante puisqu'il y est fait mention de l'établissement des actes de naissance dans la commune V de Bamako alors que les actes de naissance ont été établis dans la commune IV de Bamako et, d'autre part, la délivrance d'une copie d'un acte de naissance dans un autre centre d'état civil que celui qui a dressé l'acte n'est pas de nature à remettre en cause l'authenticité des actes de naissance, les demandes de copie des actes de naissance pouvant se faire dans tout centre d'état civil au Mali ;
- la différence entre les actes de naissance qu'elle produit et ceux résultant de la levée d'acte portant sur la mention du centre d'état civil d'établissement ne remet pas en cause l'authenticité des actes de naissance dès lors que, en premier lieu, la levée d'acte ne porte pas sur les informations des volets III des actes de naissance, en deuxième lieu, il s'agit d'une erreur matérielle commise par l'officier d'état civil malien lors de la reproduction des actes, en troisième lieu, ses déclarations, qui sont cohérentes et constantes, permettent de justifier de sa filiation et, en dernier lieu, les autres mentions sont concordantes ;
- l'absence de numéro Nina et de passeport ne peut faire obstacle à la délivrance d'un laissez-passer pour E... dès lors que, d'une part, cette obligation ne repose sur aucun fondement juridique et, d'autre part, elle ne peut les obtenir puisque sa mère, C..., est mineure et incapable juridiquement ;
- le mariage C... fera obstacle à toute demande de réunification familiale, rendant toute vie familiale impossible et faisant obstacle à l'exercice effectif de ses droits attachés au statut de réfugiée dès lors que cette dernière n'est pas en mesure de s'opposer à son mariage compte tenu de son isolement, de son jeune âge, de son statut de mère célibataire et de la pression familiale ;
- il est porté atteinte à la dignité humaine des enfants dès lors qu'Assitan est exposée à un mariage forcé, que E... sera excisée, qu'Ismaël est malnutri et que les enfants sont privés de soins et de scolarité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Mme D..., ressortissante malienne entrée en France en 2015, où elle a obtenu le statut de réfugiée en 2019, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la délivrance des visas sollicités le 28 février 2025 par ses enfants C... et B... A... et pour sa petite-fille E... A... auprès des autorités consulaires françaises à Bamako. Elle interjette appel de l'ordonnance du 13 mai 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
3. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Sauf circonstances particulières, le refus des autorités consulaires de délivrer un visa d'entrée en France ne constitue pas une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire l'intervention dans les quarante-huit heures du juge des référés.
4. Pour justifier d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la requérante fait valoir que les demandes de visa, formées le 28 février 2025 pour C..., B... et E... A... auprès des autorités consulaires françaises à Bamako ne peuvent attendre le temps de réponse réglementaire dans la mesure où C... A... doit être mariée de force lors d'une cérémonie collective le 15 mai 2025 avec l'homme qui l'a violée et dont est issue sa fille E..., laquelle serait exposée à un risque d'excision. Pour rejeter ses demandes, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé d'une part qu'il existait des doutes sérieux sur l'état civil des enfants et, par voie de conséquence sur leur lien de filiation avec la requérante, d'autre part que le risque d'excision à brève échéance de E... n'était pas suffisamment établi. La requérante n'apporte devant le juge d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause ces appréciations. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par la requérante ne sont pas de nature à établir l'existence d'une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention dans les quarante-huit heures du juge des référés.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence alléguée d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 21 mai 2025
Signé : Gilles Pellissier