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05/05/2025 | FRANCE | N°503782

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 05 mai 2025, 503782


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 25 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Winslow Santé Publique demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté en date du 13 février 2025 de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et du ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles,

chargé de la santé et de l'accès aux soins, portant abrogation de diverses mesures de ge...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Winslow Santé Publique demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté en date du 13 février 2025 de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et du ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, portant abrogation de diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la fin du remboursement des tests RT-PCR pour les personnes non vulnérables porte une atteinte grave et immédiate à l'intérêt de la santé publique dans un contexte d'augmentation récente des contaminations du virus de la covid 19 en France ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'incompétence dès lors que, d'une part, le directeur de la sécurité sociale ne justifie pas d'une délégation de compétence de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et que, d'autre part, le directeur général de la santé ne justifie pas d'une délégation de signature du ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins ;

- elle est entachée d'irrégularité en ce qu'elle a été prise sans que le Haut conseil de la santé publique et la Haute autorité de santé n'aient été consultés pour émettre leur avis ;

- elle est entachée d'illégalité en ce que, en premier lieu, elle méconnaît le droit fondamental à la protection de la santé, en deuxième lieu, elle instaure des discriminations dans l'accès aux soins et, en dernier lieu, elle empêche de suivre l'évolution du risque sanitaire lié à la propagation persistante de la covid 19, favorisant ainsi les contaminations et l'absence de mesures préventives ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit dès lors qu'elle abroge les dispositions permettant d'avoir droit au remboursement d'un test RT-PCR sans avoir recours à une ordonnance alors que, en premier lieu, la covid-19 est inscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire, en deuxième lieu, le délai d'obtention d'une première consultation médicale et la diversité des recommandations des praticiens génèrent des inégalités entre les patients selon les territoires et, en dernier lieu, le recours à une ordonnance alourdit la charge de travail des médecins, compromet la possibilité d'avoir accès à des traitements d'urgence, entraîne une discrimination des patients selon leurs revenus et favorise le dépistage par autotests dont la fiabilité est relative ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle abroge les dispositions permettant de mettre en place des mesures de protection collective dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux, plaçant les personnes souhaitant se protéger en situation de vulnérabilité et favorisant le risque de contamination dans les lieux de soins ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'abrogation des dispositions permettant la distribution de masques aux personnes en situation de précarité est contraire au principe de non-discrimination dans l'accès aux soins et à l'intérêt de la santé publique ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir dès lors que l'objectif de l'arrêté est de procéder à des économies budgétaires plutôt que d'assurer une politique de prévention sanitaire au service de la population.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu l'arrêté du 1er juin 2021 du ministre des solidarités et de la santé, relatif aux mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé maintenues en matière de lutte contre la covid 19 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'association Winslow Santé Publique a formé le 21 avril 2025 un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté conjoint de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et du ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins en date du 13 février 2025, portant abrogation de diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et publié au Journal Officiel de la République française du 22 février 2025. Par une requête distincte, enregistrée le 25 avril 2025, l'association Winslow Santé Publique demande au juge des référés du Conseil d'Etat de prononcer la suspension de cet arrêté, en application des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. Au soutien de sa demande de suspension de l'arrêté contesté, l'association requérante fait valoir que celui-ci est revêtu des signatures du directeur de la sécurité sociale et du directeur général de la santé, lesquels n'auraient pas reçu des ministres dont ils dépendent respectivement une délégation leur donnant qualité pour signer un tel acte. Toutefois ces deux directeurs d'administration centrale avaient qualité pour signer un tel arrêté par l'effet du 1° de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement. Si l'association requérante soutient que l'arrêté aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. L'association Winslow Santé Publique soutient également que l'arrêté litigieux serait entaché d'illégalité en tant qu'il abroge l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 relatif aux mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé maintenues en matière de lutte contre la covid 19. Cette abrogation a pour conséquence de mettre fin à la possibilité reconnue à tout assuré social d'obtenir, sur simple demande de l'intéressé et sans prescription médicale, la prise en charge par l'assurance maladie des examens de dépistage ou des tests de détection de la covid 19. Par l'effet d'une telle abrogation, les auteurs de l'arrêté du 22 février 2025 ont mis fin au régime dérogatoire jusque là appliqué, pour les besoins de la crise sanitaire, aux tests de dépistage à la covid 19 au regard du principe fondant les articles L.6211-10 du code de la santé publique et L. 162-13-2 du code de la sécurité sociale, en tant que ces articles subordonnent la prise en charge de tels actes par l'assurance maladie à une prescription médicale. S'il est vrai que la pandémie de covid 19 n'a pas disparu, il est constant que l'urgence de santé publique qui avait été déclarée soit à la fin de l'année 2019 soit au début de l'année 2020 a désormais été levée, à l'échelle mondiale par l'Organisation mondiale de la santé comme en France. L'abrogation contestée, sans mettre fin à la prise en charge des examens de dépistage ou des tests de détection de la covid 19, a eu pour seul effet que cette prise en charge s'exercerait désormais dans les conditions de droit commun, sur prescription d'un médecin. Cette abrogation n'a pas été davantage de nature à faire obstacle à la mise en œuvre de l'obligation de signalement résultant des dispositions des articles R. 3113-1 et D. 3113-9 du code de la santé publique.

5. Si l'association Winslow Santé Publique soutient en outre que l'arrêté litigieux serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il retirerait aux responsables des établissements de santé et des établissements médicaux sociaux la faculté d'imposer le port du masque à toute personne d'au moins six ans, cette abrogation n'interdit pas à ces responsables de recommander instamment si nécessaire le respect de gestes barrière appropriés. Si la même association soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une autre erreur manifeste et porterait atteinte au principe de non-discrimination dans l'accès aux soins en mettant fin à la généralisation de la distribution gratuite par l'Etat de masques aux bénéficiaires de certaines aides, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

6. L'association requérante soutient enfin que l'arrêté litigieux serait entaché de détournement de pouvoir, au motif qu'il serait fondé sur des considérations budgétaires étrangères à la santé publique. Il incombe toutefois aux autorités ministérielles compétentes en matière de santé publique, devant à ce titre concourir à la prévention des pandémies, de veiller également à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.

7. Par suite, aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté. Dès lors, l'une des deux conditions exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour que soit prononcée la suspension de cet arrêté n'est pas remplie.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la demande de suspension formée par l'association Winslow Santé Publique ne peut être accueillie. Par suite, sa requête doit être rejetée en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions formées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association Winslow Santé Publique est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Winslow Santé Publique.

Fait à Paris, le 5 mai 2025

Signé : Terry Olson


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 503782
Date de la décision : 05/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2025, n° 503782
Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:503782.20250505
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