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05/05/2025 | FRANCE | N°501557

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 mai 2025, 501557


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2018 et d'assortir le montant restitué des intérêts moratoires. Par un jugement n° 2206467 du 1er octobre 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.



M. B..., à l'appui de son appel tendant à l'annulation de ce jugement, a produit deux mémoires distincts, enregistrés le 20 décembre 2024 et le 4 février 2025 au greff

e de la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordon...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2018 et d'assortir le montant restitué des intérêts moratoires. Par un jugement n° 2206467 du 1er octobre 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.

M. B..., à l'appui de son appel tendant à l'annulation de ce jugement, a produit deux mémoires distincts, enregistrés le 20 décembre 2024 et le 4 février 2025 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 24PA04915 du 11 février 2025, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur la requête de M. B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du B ainsi que du 1 du E du paragraphe II de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour l'année 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, notamment son article 60 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A. / (...) E. - 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. (...) ".

3. Aux termes de l'article 204 A du code général des impôts : " 1. Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères ou dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus fonciers, à l'exception des revenus mentionnés à l'article 204 D, donnent lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou de leur réalisation, à un prélèvement. / 2. Le prélèvement prend la forme : / (...) 2° Pour les revenus mentionnés à l'article 204 C, d'un acompte acquitté par le contribuable. (...) " Aux termes de l'article 204 C du même code : " Donnent lieu au paiement de l'acompte prévu au 2° du 2 de l'article 204 A : / A. - Les revenus soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux (...). " Aux termes de l'article 204 G du même code : " 1. L'assiette de l'acompte prévu au 2° du 2 de l'article 204 A dû au titre des revenus mentionnés à l'article 204 C est constituée du montant des bénéfices ou revenus imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu la dernière année pour laquelle l'impôt a été établi à la date du versement prévu au 1 de l'article 1663 C. (...) ".

4. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...). Aux termes de l'article 93 quater du même code dans sa version applicable au litige : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 novodecies. / Ce régime est également applicable aux produits de la propriété industrielle définis à l'article 39 terdecies quelle que soit la qualité de leur bénéficiaire ainsi qu'aux produits des cessions de droits portant sur des logiciels originaux par leur auteur, personne physique. (...) " Enfin, l'article 39 quindecies de ce code dispose que : " I. - 1. Sous réserve des dispositions des articles 41,151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 12,8 % ".

5. L'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2019 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Les dispositions du paragraphe I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.

6. A l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulève, M. B... soutient que les dispositions du B et du 1 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 méconnaissent le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles traitent différemment, d'une part, les contribuables titulaires de revenus perçus au titre de la concession de licences d'exploitation de logiciels originaux, qui sont exclus à ce titre du bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, et, d'autre part, les contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, qui sont éligibles à raison de ces revenus à ce même crédit d'impôt.

7. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

8. Il résulte des dispositions citées au point 4 que si les revenus tirés de la cession de droits portant sur des logiciels originaux par leur auteur relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux, leur imposition est soumise aux règles applicables aux plus-values à long terme, imposées à taux proportionnel.

9. Par suite, en application des dispositions citées au point 3, ces revenus, alors même qu'ils ont la nature de bénéfices non commerciaux, se situent hors du champ d'application du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Leurs titulaires n'étaient ainsi pas susceptibles de devoir acquitter, en 2019, à la fois à l'impôt dû à raison des revenus perçus en 2018 et celui dû à raison des revenus perçus en 2019, et ce alors même que de tels revenus ne présenteraient pas un caractère irrégulier ou exceptionnel. Dès lors, les contribuables titulaires de tels revenus ne se trouvent pas, pour la détermination du montant du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, dans une situation identique à celle des bénéficiaires de revenus non exceptionnels entrant dans le champ d'application du prélèvement à la source.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, qui n'est pas nouveau, ne peut être regardé comme soulevant une question sérieuse. Il n'y a, dès lors, pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 avril 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Sylvie Pellissier, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat, Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.

Rendu le 5 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Emile Blondet

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 501557
Date de la décision : 05/05/2025
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2025, n° 501557
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emile Blondet
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501557.20250505
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