Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de lui proposer un accompagnement comportant l'accès à une solution de logement adaptée et une prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité jusqu'au 2 septembre 2025 à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2501278 du 14 avril 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a, d'une part, admis M. A... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 14 avril 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision du 19 mars 2025 par laquelle le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a cessé de lui accorder le bénéfice de l'aide éducative à domicile jeune majeur (AEDJM) et l'a contraint à quitter sa chambre au foyer de jeunes travailleurs ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de faire droit à sa demande d'AEDJM et de confier cette mesure au foyer de jeunes travailleurs ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il a perdu son logement et l'accompagnement social dont il bénéficiait depuis son placement au sein du foyer de jeunes travailleurs alors que, d'une part, il suit une formation continue et ne dispose, à ce titre, d'aucune ressource financière et, d'autre part, il doit obtenir son diplôme à l'été 2025 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'hébergement d'urgence dès lors que, en premier lieu, la décision litigieuse le place dans une situation de grande précarité et compromet sérieusement sa scolarité et ses chances d'insertion, en deuxième lieu, il n'est pas établi que le président du conseil départemental de la Côte-d'Or ait sollicité les autorités sierra-léonaises pour vérifier la validité de ses documents d'état civil, en troisième lieu, l'authenticité de son passeport n'a pas été remise en cause et, en dernier lieu, le format de son acte de naissance correspond aux formes usitées en Sierra Leone contrairement à ce qu'affirme la police aux frontières ;
- c'est à tort que le président du conseil départemental a mis fin à l'accompagnement dont il bénéficiait au seul motif qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il dispose d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'accorder une prise en charge temporaire à un jeune majeur dépourvu de ressources ou d'un soutien familial suffisant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions propres à chacune de ces prestations : / 1° Des prestations d'aide sociale à l'enfance ; (...) / Elles bénéficient des autres formes d'aide sociale, à condition qu'elles justifient d'un titre exigé des personnes de nationalité étrangère pour séjourner régulièrement en France (...) ". Aux termes de l'article L. 222-1 du même code : " Sans préjudice des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire, les prestations d'aide sociale à l'enfance mentionnées au présent chapitre sont accordées par décision du président du conseil départemental du département où la demande est présentée ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants, lorsqu'ils ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité, y compris lorsqu'ils ne bénéficient plus d'aucune prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article et à l'exclusion de ceux faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. / Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants./ Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l'avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles que, depuis l'entrée en vigueur du I de l'article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un département avant leur majorité bénéficient d'un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu'ils ne disposent pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants. Les dispositions du 5° de de l'article L. 222-5 dans leur rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, excluent cependant du bénéfice de ce droit ceux de ces jeunes majeurs qui font l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le département conservant néanmoins la possibilité de les prendre en charge à titre temporaire en application des deux derniers alinéas de cet article.
4. Il résulte de l'instruction que M. A..., ressortissant de Sierra Leone entré irrégulièrement en France à l'automne 2021 alors qu'il était âgé, selon ses déclarations, de quinze ans, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or par une ordonnance de placement du procureur de la République près le tribunal judicaire de Dijon en date du 19 octobre 2021 puis par un jugement en assistance éducative du juge des enfants du tribunal judiciaire de Dijon du 1er décembre 2021. L'intéressé ayant fait l'objet, le 30 janvier 2025, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français au motif qu'il avait présenté à l'appui de sa demande des documents d'état civil contrefaits, le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a, par une décision du 19 mars 2025, mis fin au bénéfice de l'aide éducative à domicile jeune majeur qui lui avait été accordée. M. A... relève appel de l'ordonnance du 14 avril 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné au président du conseil départemental de la Côte-d'Or, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de lui proposer un accompagnement comportant l'accès à une solution de logement adaptée et une prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité jusqu'au 2 septembre 2025.
5. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'examen technique auquel il s'est livré sur les documents d'état-civil produits par M. A... à l'appui de sa demande de titre de séjour, le service de la police aux frontières territorial de Dijon, qui est un service spécialisé dans la fraude documentaire, a estimé que ces documents constituaient des contrefaçons. En l'état de l'instruction, et en dépit des arguments et des documents produits par le requérant, l'analyse du service de fraude documentaire n'apparaît pas devoir être remise en cause.
7. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que M. A..., dès lors qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ne tire aucun droit des dispositions du 5° de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, la circonstance qu'il a formé un recours contre cette décision étant dépourvue d'incidence à cet égard. Par ailleurs, eu égard au caractère contrefait des documents d'état civil présentés par l'intéressé, et alors en outre qu'il n'établit pas être dépourvu de toutes ressources ou de tout soutien familial, la décision de mettre fin à sa prise en charge ne traduit pas, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose le président du conseil départemental, une carence caractérisée dans l'accomplissement des missions confiées au département par les dispositions rappelées au point 2, de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel formé par le requérant contre l'ordonnance attaquée est mal fondé. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, de rejeter sa requête par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au département de la Côte d'Or.
Fait à Paris, le 25 avril 2025
Signé : Pierre Collin