Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner les chambres de commerce et d'industrie (CCI) de l'Hérault et de la région Occitanie à lui verser une somme de 933 918, 50 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des licenciements illégaux, du harcèlement moral et des conditions de travail dégradées dans lesquelles il a dû travailler. Les deux chambres ont présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de M. A... à leur reverser la somme de 53 710,07 euros au titre du trop-perçu d'indemnités de licenciement. Par un jugement n° 1901636 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... et l'a condamné à verser aux CCI de l'Hérault et de la région Occitanie une somme de 53 710,07 euros.
Par un arrêt n° 21TL03933 du 27 février 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement en tant qu'il le condamnait à verser aux CCI de l'Hérault et de la région Occitanie une somme de 53 710, 07 euros, a condamné celles-ci à lui reverser la somme de 53 710,07 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 30 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge des chambres de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le décret n° 2010-1463 du 1er décembre 2010 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements inter consulaires ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. A... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la chambre de commerce et d'industrie régionale de l'Occitanie et de la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... était employé par la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan-Mèze depuis le 1er février 2007. Le 23 octobre 2009, il a été licencié pour suppression d'emploi mais son licenciement a été annulé pour incompétence par un jugement du 9 mai 2012 du tribunal administratif de Montpellier, enjoignant également à la chambre de commerce et d'industrie de procéder à sa réintégration. Le 15 novembre 2012, il a été de nouveau licencié pour suppression d'emploi mais ce licenciement a été annulé pour vice de procédure par un jugement du 19 juin 2015 du tribunal administratif de Montpellier, enjoignant également à la chambre de procéder à sa réintégration. M. A... a présenté aux chambres de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan-Mèze, une demande préalable tendant à la réparation des préjudices nés de ces évictions irrégulières, du harcèlement moral et de la discrimination dont il estime avoir fait l'objet, qui a été implicitement rejetée. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner ces deux chambres à lui verser une somme de 933 918, 50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Les deux chambres ont présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de M. A... à leur reverser la somme de 53 710,07 euros au titre du trop-perçu d'indemnités de licenciement. Par un jugement du 19 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... et l'a condamné à verser aux chambres de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie une somme de 53 710,07 euros. Par un arrêt du 27 février 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement en tant qu'il le condamnait à payer la somme de 53 710, 07 euros, a condamné les deux chambres à reverser à M. A... cette même somme, assortie des intérêts et de leur capitalisation et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Eu égard aux moyens qu'il soulève, M. A... doit être regardé comme se pourvoyant en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions d'appel. Les deux chambres demandent, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit à l'appel de M. A....
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Si M. A... reproche à la cour administrative d'appel de ne pas avoir répondu au moyen faisant valoir que la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan-Mèze poursuivait, par son licenciement, l'objectif d'éluder les obligations pesant sur elle au titre des articles 30 et 32 de l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, il ressort de ses écritures produites devant la cour qu'il s'agissait d'un simple argument au soutien du moyen tiré de ce qu'il avait fait l'objet de discrimination en raison de son état de santé, moyen auquel la cour a répondu au point 14 de l'arrêt attaqué. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas omis de statuer sur un tel moyen.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
3. En premier lieu, si le requérant soutient que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas d'office si les préjudices extrapatrimoniaux qu'il estime avoir subis du fait de sa maladie, reconnue professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier en application de l'article L. 462-1 du code de la sécurité sociale, ne pouvaient pas être réparés sur le fondement de la responsabilité sans faute, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation de tels préjudices relevaient en tout état de cause des juridictions judiciaires, compétentes en matière de sécurité sociale.
4. En second lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice d'incompétence ou de procédure, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente ou dans le cadre d'une procédure régulière. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait ainsi été prise, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe de l'illégalité qui entachait la décision administrative.
5. La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits en jugeant que les circonstances que l'ancien directeur général adjoint, qui était en congé, ait été appelé par la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan-Mèze à reprendre ses fonctions et que des mises à disposition de personnels de la chambre de commerce et d'industrie régionale aient été effectuées au profit de la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan Mèze, n'étaient pas de nature à remettre en cause son appréciation sur le bien-fondé des licenciements pour raisons économiques prononcés à l'encontre de M. A... en raison de la situation financière très dégradée de la chambre.
6. En revanche, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 10 juin 2014 devenu définitif, jugé que le président de la commission provisoire était incompétent pour décider, le 23 octobre 2009, du licenciement de M. A... en raison de la suppression de son poste par la délibération du 25 août 2009 de la commission provisoire de la chambre de commerce et d'industrie de Sète-Frontignan-Mèze, elle-même incompétente, au regard des dispositions alors applicables de l'article R. 712-5 du code de commerce, pour prendre une telle décision. En écartant l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le préjudice subi par M. A... et l'illégalité fautive dont il a fait l'objet au motif que la suppression de son poste était justifiée alors, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il avait été jugé par un arrêt revêtu de l'autorité de la chose jugée qu'aucune autorité ne disposait alors de la compétence au sein de la chambre pour supprimer le poste de M. A..., de sorte que son licenciement ne pouvait légalement intervenir à la date à laquelle il avait été décidé, et ce d'ailleurs jusqu'à la modification de l'article R. 712-5 du code de commerce par l'article 55 du décret du 1er décembre 2010 mettant en œuvre la réforme du réseau des chambres de commerce et d'industrie, la cour administrative d'appel de Toulouse a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices nés du licenciement illégal dont il a fait l'objet le 23 octobre 2009.
Sur le pourvoi incident :
8. En jugeant que l'action en répétition de l'indu exercée par les chambres de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie devant le tribunal administratif de Montpellier pour obtenir le remboursement des indemnités de licenciement versées, indûment selon elles, à M. A... soulève un litige distinct de celui soulevé dans la demande présentée devant ce tribunal par l'intéressé, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce. Le pourvoi incident des chambres de commerce et de l'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie doit, par suite, être rejeté.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des chambres de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la région Occitanie la somme de 1 500 euros chacune à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 27 février 2024 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation des préjudices liés au licenciement illégal dont il a fait l'objet le 23 octobre 2009.
Article 2 : Le pourvoi incident de la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault et de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault et la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie verseront à M. A... une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté
Article 5 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, devant la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault, première défenderesse dénommée.