La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2025 | FRANCE | N°503487

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 avril 2025, 503487


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2025 par lequel le préfet de Guyane l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et,

en dernier lieu, d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une attes...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2025 par lequel le préfet de Guyane l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, en dernier lieu, d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une attestation de demande d'asile le temps de l'instruction de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Par une ordonnance n° 2500465 du 4 avril 2025, la juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a, d'une part, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, et d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 4 avril 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;

3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2025 par lequel le préfet de la Guyane l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision d'éloignement contestée est susceptible d'être exécutée d'office ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de ne pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants dès lors que, en premier lieu, d'une part, le territoire haïtien subit une situation de violence aveugle généralisée d'une intensité exceptionnelle, d'autre part, il souffre de pathologies psychiatriques nécessitant un traitement quotidien et un suivi médical régulier et que, en second lieu, le préfet ne démontre pas qu'il constitue une menace grave et actuelle pour l'ordre public, la circonstance qu'il a fait l'objet de condamnations pénales étant insuffisante ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile et à son droit de se maintenir sur le territoire français en ce que, d'une part, il a présenté une demande d'aide juridictionnelle pour contester devant la cour nationale du droit d'asile la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d'asile et, d'autre part, à supposer que le préfet l'ait assigné à résidence en application de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), son droit à un recours effectif implique qu'il puisse se maintenir sur le territoire français pendant l'examen du recours formé contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, une interprétation contraire des articles L. 521-7, L. 542-2 et L. 931-3 du CESEDA n'étant pas compatible avec l'article 46 de la directive 2013/32/UE et 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 521-7, L. 542-2 et suivants, L. 752-5 et suivants et L. 931-3 du CESEDA. Il soutient que ces dispositions sont applicables au litige, qu'elles n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution et que la question de leur conformité au droit d'asile et au droit au recours effectif revêt un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2013/32/UE et 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. A..., ressortissant haïtien né le 26 février 1992, entré irrégulièrement en France, par la Guyane, à une date inconnue, a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement en date du 9 septembre 2022, qui n'a pas été respectée. A la suite de son interpellation et de son placement en garde à vue pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, le préfet de la Guyane a pris le 21 janvier 2025 un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant Haïti comme pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... a formé auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) une demande d'asile enregistrée le 11 février 2025. Cette demande a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 28 mars 2025. M. A... indique avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle pour saisir la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, à trois reprises, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administratif, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Guyane du 21 janvier 2025. Ces demandes ont été rejetées par ordonnances du 10 février 2025, du 25 février 2025 et du 4 avril 2025. M. A... fait appel de cette dernière ordonnance. Par un mémoire distinct, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité de la conformité des dispositions des articles L. 521-7, L. 542-2 et suivants, L. 752-5 et suivants, L. 754-6 et L. 931-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) avec les droits et libertés garantis par la Constitution.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Le requérant conteste la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées des articles L. 521-7, L. 542-2 et suivants, L. 752-5 et suivants, L. 754-6 et L. 931-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il soutient qu'elles prévoient la possibilité de refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile, de procéder à un examen accéléré d'office de sa demande d'asile, de mettre fin à son droit au maintien sur le territoire dès la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de prendre une mesure d'éloignement ou de l'exécuter si elle est déjà prise, sans qu'un recours de plein droit et effectif suspendant l'exécution de cette mesure tant que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas statué soit disponible, compte tenu des dispositions de ce code écartant, notamment en Guyane, l'application des dispositions prévoyant l'existence d'un tel recours, qu'en cela, elles méconnaissent le droit à l'asile, principe de valeur constitutionnelle mentionné au quatrième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958, le droit à un recours effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que l'article 73 de la Constitution, et qu'il en résulte une inégalité de traitement entre personnes se trouvant dans une situation similaire, selon qu'elles se trouvent, d'une part, dans les départements métropolitains, martiniquais ou réunionnais, où elles bénéficient d'un tel recours, ou bien, d'autre part, dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Mayotte ou les collectivités territoriales de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où elles n'en bénéficieraient pas.

5. S'agissant de l'accès à la procédure d'asile, l'article L. 521-7 du CESEDA dispose que : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ". L'article L. 542-1 de ce code prévoit que " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". L'article L. 542-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; / e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 2° Lorsque le demandeur : / a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale./ Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".

6. S'agissant des mesures applicables en vue de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du demandeur d'asile dont le droit au maintien a pris fin, l'article L. 752-5 du CESEDA dispose que : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " Lorsque le juge n'a pas encore statué sur le recours en annulation formé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français en application des articles L. 614-1 ou L. 614-2, l'étranger peut demander au juge déjà saisi de suspendre l'exécution de cette décision ". Aux termes de l'article L. 752-7 de ce code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français, notifiée antérieurement à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, est devenue définitive, l'étranger qui fait l'objet, postérieurement à la décision de l'office, d'une assignation à résidence, ou d'un placement en rétention administrative dans les conditions prévues aux titres III et IV en vue de l'exécution de cette décision portant obligation de quitter le territoire français, peut demander au président du tribunal administratif de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Cette demande est présentée et jugée selon la procédure prévue à l'article L. 921-1 en cas d'assignation à résidence ou selon la procédure prévue à l'article L. 921-2 en cas de rétention administrative. Les délais pour saisir le tribunal administratif fixés aux mêmes articles L. 921-1 et L. 921-2 courent à compter de la notification à l'étranger de la décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention ". Aux termes de l'article L. 752-8 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger ne peut intervenir pendant le délai imparti pour saisir le tribunal administratif de la demande prévue à l'article L. 752-7 ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné ait statué ". Aux termes de l'article L. 752-11 de ce code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

7. S'agissant des demandes d'asile présentées en rétention, l'article L. 754-4 du CESEDA dispose que : " L'étranger peut, selon la procédure prévue à l'article L. 921-2, demander l'annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l'article L. 754-3 afin de contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue après la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides relative au demandeur. / Si l'étranger a formé un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné n'a pas encore statué sur ce premier recours, il statue sur les deux contestations par une seule décision ". Aux termes de l'article L. 754-5 de ce code : " A l'exception des cas mentionnés aux b et c du 2° de l'article L. 542-2, la décision d'éloignement ne peut être mise à exécution avant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait rendu sa décision ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin ait statué ". Aux termes de l'article L. 754-6 du même code : " La demande d'asile présentée en application du présent chapitre est examinée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure accélérée, conformément au 3° de l'article L. 531-24 ".

8. S'agissant des dispositions particulières à la Guyane, l'article L. 931-3 du CESEDA dispose que : " Les titres Ier et II du présent livre, à l'exception de l'article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guyane ". Aux termes de l'article L. 651-4 du même code : " L'étranger qui demande au tribunal administratif l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet peut assortir son recours d'une demande de suspension de son exécution, sans préjudice des dispositions du 1° de l'article L. 761-5. / En conséquence, les articles L. 614-1 à L. 614-4 et les articles L. 614-16 à L. 614-18, ne sont pas applicables en Guyane. Toutefois, les dispositions de l'article L. 922-3 sont applicables à la tenue de l'audience mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du code de justice administrative lorsque l'étranger a saisi le tribunal administratif d'une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code ". Aux termes de l'article L. 761-4 de ce code : " Les articles L. 700-2, L. 722-7, L. 722-12, L. 732-8, L. 743-20, L. 751-1 à L. 751-13, L. 754-2, L. 754-4 et L. 754-5 ne sont pas applicables en Guyane ". Aux termes de l'article L. 761-5 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir en Guyane : / 1° Si l'autorité consulaire le demande, avant l'expiration du délai d'un jour franc à compter de la notification de cette décision ; / 2° Si l'étranger a saisi le tribunal administratif d'une demande sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique en application du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du même code, ni, si les parties ont été informées d'une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande ".

9. En premier lieu, il ressort des dispositions citées au point 8 que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que les décisions de refus de maintien sur le territoire français lorsque la Cour nationale du droit d'asile est saisie peuvent faire l'objet du recours en référé régi par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui permettent à l'intéressé de saisir un juge administratif en mesure de prononcer dans un délai très bref la suspension de l'exécution de ces décisions ainsi que de prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Dans ces conditions, il ne saurait résulter de la seule circonstance, invoquée par M. A..., que le prononcé de la suspension de l'exécution de la décision est soumise à des conditions d'urgence et d'illégalité manifeste alors qu'elle intervient de plein droit, par le seul effet du recours, dans le droit commun, que les dispositions contestées, à supposer qu'elles soient toutes applicables au litige, porteraient atteinte au droit d'asile et au droit à un recours effectif garantis par la Constitution.

10. En second lieu, la situation particulière et les difficultés durables du département de la Guyane en matière de circulation internationale des personnes et de gestion des flux migratoires constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des " caractéristiques et contraintes particulières " de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l'immigration irrégulière, d'y adapter, dans une certaine mesure, les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. Dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, les intéressés conservent en toute hypothèse un droit de recours juridictionnel effectif contre les mesures d'éloignement dont ils peuvent faire l'objet, il ne ressort pas de l'argumentation de M. A... devant le juge des référés que le législateur, en instituant, en relation directe avec l'objectif qu'il s'est fixé de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, les règles spécifiques à la Guyane ici contestées, aurait porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité ou que les adaptations ainsi prévues seraient contraires à l'article 73 de la Constitution, dont le premier alinéa prévoit la possibilité de telles adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des collectivités qu'il mentionne, tandis que son quatrième alinéa ne prohibe de telles adaptations en matière de libertés publiques que s'agissant des règles qu'en vertu du deuxième alinéa les collectivités en cause peuvent être habilitées à prendre elles-mêmes.

11. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur la requête d'appel :

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. A... n'est manifestement pas fondé à soutenir que les dispositions du CESEDA qu'il critique seraient contraires au droit de l'Union européenne.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a pu déposer, pendant sa rétention, le 12 février 2025, une demande d'asile, laquelle a été transmise à l'OFPRA, qu'aucune mesure d'éloignement ne pouvait et n'a été mise à exécution à son endroit avant la notification de la décision de l'OFPRA statuant sur cette demande, et qu'il a pu contester devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, avant comme après la décision de l'OFPRA, la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise le 21 janvier 2025 par le préfet de la Guyane. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que son droit à présenter une demande d'asile ou son droit à un recours effectif auraient été méconnus.

14. En troisième lieu, M. A..., qui ne conteste pas avoir été condamné à plusieurs reprises à des peines d'emprisonnement, notamment le 9 mars 2018 pour faits de violence aggravée par trois circonstances, mis en cause en 2023 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme, et interpellé le 21 janvier 2025 pour vol par effraction, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Guyane a estimé qu'il représentait une menace grave pour l'ordre public et la sécurité publique, motif retenu par l'OFPRA, dans sa décision du 28 mars 2025, pour rejeter sa demande d'admission à l'asile.

15. En troisième lieu, à l'appui de sa demande, M. A... se prévaut, d'une part, de la situation de violence en Haïti et, d'autre part, de son état de santé. Toutefois, d'une part, en se bornant à produire une attestation de suivi d'un médecin psychiatre du Centre hospitalier de Cayenne, il n'établit pas que son éloignement l'exposerait à un risque de déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. D'autre part, s'il n'a pas été contesté, en défense devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, que la situation prévalant actuellement en Haïti, où les affrontements entre gangs armés et la défaillance des forces de sécurité caractérisent un conflit armé au sens de l'article L. 512-1, 3° du CESEDA, qui génère, à l'égard de la population civile, une violence aveugle, et que cette violence peut être regardée comme atteignant, dans les départements de l'Ouest, de l'Arbonite et à Port-au-Prince, un niveau si élevé que tout civil courrait, du seul fait de sa présence sur ces parties du territoire d'Haïti, un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne, en revanche il n'est pas établi devant le juge des référés qu'un tel niveau de violence aveugle d'une intensité exceptionnelle serait atteint dans d'autres régions d'Haïti. Or, M. A..., qui a quitté Haïti pour la France à l'âge de sept ans, ne démontre ni qu'il disposerait de réelles attaches dans le département de l'Ouest, ni qu'il ne pourrait pas rejoindre, à partir de l'aéroport de Cap haïtien, qui n'est pas situé dans une zone caractérisée par une violence aveugle d'une intensité exceptionnelle, une autre partie du territoire de son pays d'origine.

16. Il ressort de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, M. A... n'est manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... .

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera transmise, pour information, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Guyane et au Conseil constitutionnel.

Fait à Paris, le 18 avril 2025

Signé : Stéphane Verclytte


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 503487
Date de la décision : 18/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 avr. 2025, n° 503487
Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:503487.20250418
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award