Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret du 29 février 2024 rapportant le décret du 26 décembre 2018 portant naturalisation ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une pièce d'identité, dans un délai de 48 heures.
Il soutient :
- qu'il y a urgence, dès lors qu'il est privé de titre d'identité depuis plus d'un an, que la suspension de son allocation aux adultes handicapés et de son aide personnalisée au logement le prive de toutes ressources financières, l'exposant ainsi à un risque imminent de perdre son logement, et qu'en l'absence de document d'identité, il ne peut déposer une nouvelle demande d'allocation auprès de la maison départementale des personnes handicapées ;
- qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, dès lors qu'il n'a montré aucune volonté frauduleuse de dissimulation de sa situation familiale puisque sa situation matrimoniale était connue des services administratifs de la mairie de Paris et que l'administration n'a pas tenu compte de son état de santé et de ses attaches en France pour apprécier son droit à la nationalité ;
- que l'administration méconnaît les dispositions du décret contesté qui prévoyaient la délivrance d'un titre de séjour après la restitution de ses documents d'identité et porte atteinte à son droit au recours effectif par le silence qu'elle garde sur ses demandes depuis un an, ainsi qu'à son droit au séjour et au travail affirmés par le décret contesté, à la vie privée et familiale, à un niveau de vie décent et au logement, ainsi qu'à la protection des personnes en situation de handicap.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par décret du 29 février 2024, le Premier ministre a rapporté le décret du 26 décembre 2018 portant naturalisation de M. B... A..., né le 21 septembre 1978 à Haizer (Algérie), aux motifs, d'une part, qu'il avait été obtenu par fraude, l'intéressé ayant volontairement dissimulé à l'administration son mariage en Algérie avec une ressortissante algérienne puis la naissance de leur fils en 2017 dans ce pays, où celui-ci a résidé avec sa mère jusqu'en novembre 2023, et, d'autre part, qu'eu égard à la répartition des attaches de M. A... entre la France et l'Algérie et à l'absence d'incidence, par lui-même, du retrait de la nationalité française sur son droit au séjour et au travail et sur la situation de sa famille, ce retrait ne porterait pas une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle. M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 29 février 2024, ainsi que d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une pièce d'identité dans un délai de 48 heures.
4. Si, à l'appui de sa requête, M. A... soutient, en premier lieu, qu'il aurait déclaré sa situation maritale aux services de la mairie de Paris à l'appui d'une demande d'aide sociale et que cette circonstance aurait pu être vérifiée au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation, il ne conteste pas s'être, dans le cadre de cette procédure, déclaré célibataire et avoir omis d'informer l'administration de l'Etat qui en était chargée de son mariage en Algérie puis de la naissance de son fils dans ce pays, y compris, en dernier lieu, lors de l'entretien destiné, en décembre 2017, à contrôler son assimilation à la communauté française. Si M. A... fait également valoir, en deuxième lieu, l'ancienneté de son assimilation en France, il ne conteste ni la réalité de ses attaches familiales en Algérie, ni la circonstance que son épouse et son fils ne sont entrés en France qu'à une date récente, en qualité de conjointe et d'enfant de Français. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne tiendrait pas compte de sa santé et de sa situation de handicap, alors, en tout état de cause, que les motifs de cet acte mentionnent son état de santé, n'est pas plus de nature à soulever un doute sérieux sur la légalité de ce décret. En dernier lieu, est sans incidence sur la légalité de ce décret l'ensemble des circonstances évoquées par M. A... qui lui sont postérieures, relatives en particulier à ses difficultés à obtenir un titre de séjour et le maintien ou le renouvellement des prestations sociales dont il bénéficiait, en méconnaissance, selon lui, de son droit au séjour et au travail en France, de son droit à un niveau de vie décent et au logement et de ses droits en tant que personne handicapée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la recevabilité de la requête de M. A..., ni sur la condition d'urgence, que celui-ci n'est manifestement pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée. Sa requête doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Fait à Paris, le 18 avril 2025
Signé : Nicolas Polge